Ce n'est pas tant sa longévité qui compte aujourd'hui. Ni le point de savoir si elle s'est faite ou non sur de bonnes bases, pour les bonnes raisons ; si elle constituera ce terreau qui manquait cruellement à cette pseudo-oumma, à cette nation qui n'en sera probablement jamais une. Ce qui est sûr, c'est que cette union sacrée est née, qu'elle s'est réalisée, qu'elle s'est exhibée au monde en général et au binôme (pas tandem : binôme) américano-iranien en particulier en un timing d'une féroce importance, ne serait-ce que symboliquement.
Ce qui compte, c'est que ce regroupement familial s'est avéré : le cimentage d'une communauté sunnite malade, tellement malade et depuis tellement de temps, de ses richesses, de son indolence, de l'hypertrophie de ses ego, de ses querelles, de ses magouilles et, presque, de son génome. Ce n'est pas cela, naturellement, qui va la guérir, mais la voilà qui montre, pour la première fois sans doute depuis des lustres, qu'elle a faim. Qu'elle sait/peut avoir faim et qu'en réalité, elle crève de faim. Comme si toute cette communauté sunnite, notamment arabe, et chacun de ses membres, pris un par un, se sont réveillés avec un appétit gargantuesque.
Une faim de revanches, essentiellement. Revanche contre l'arrogance de ce que le jeune roi jordanien Abdallah II avait appelé en 2002 le croissant chiite, emmené, téléguidé par les ayatollahs de Téhéran ; revanche contre la volonté iranienne d'imposer une néo-achéménidisation du Proche-Orient et la conviction de Ali Khamenei de pouvoir devenir, par le truchement d'un Hezbollah jamais rassasié, et, depuis quelques mois, de ses cousins houthis, le nouveau Xerxès Ier, l'omnipotent roi de Perse entre -486 et -465 avant J-C ; revanche contre la mono-obsession hystérique de Barack Obama d'aboutir à un accord sur le nucléaire iranien, perçue comme une trahison, malgré tous les gestes multipliés récemment par l'administration US ; revanche, aussi, contre leur propre échec d'en finir avec Bachar el-Assad ; revanche, enfin, presque honteuse, contre eux-mêmes, contre la mutation monstrueuse de leur ADN : l'État islamique et consorts – un ADN viscéralement dominé par la paresse, jusqu'à cette Tempête de la fermeté dans un Yémen habitué dans sa chair aux fragmentations en tout genre.
Cet hypercommunautarisme du sunnisme arabe, cette bunkerisation confessionnelle, le Liban les a connus bien avant tout le monde. Un Liban laboratoire, sinistre, de tout ce que la région est en train de vivre depuis des décennies : libanisation de l'Irak, puis de la Syrie, puis du Yémen, etc. Un Liban également arène, où continuent de jouer (tournois d'échecs ou de backgammon, matchs de boxe...), dans une véritable danse de mort, sur le terrain et dans les institutions, l'Iran et l'Arabie saoudite. Un Liban à partir duquel le secrétaire général du Hezbollah, qui n'a toujours pas compris qu'il mérite bien mieux que ce statut de porte-voix et bras armé du faqih, vient de grandement se fourvoyer : selon quel principe politique, selon quel bon sens, M. Nasrallah peut-il fustiger, peut-être à raison, l'intervention(nisme) et la non-distanciation wahhabites au Yémen alors que ses hommes, désormais parfaits mercenaires, sont impliqués jusqu'à la moelle en Syrie, ou estimer que, pour les Iraniens, les islamistes dans le Qalamoun sont plus dangereux que, pour les Saoudiens, les houthis à quelques centaines de kilomètres de La Mecque ?
Reste, à ce stade, une seule certitude. La Ligue arabe n'est plus un hologramme, un ectoplasme, une illusion : soixante-dix ans presque jour pour jour après sa naissance, agonisant d'inanition, déshydraté et totalement stérile, le machin panarabe a momentanément ressuscité.
Tout le monde va bien.
Hunger Games
OLJ / Par Ziyad MAKHOUL, le 30 mars 2015 à 00h00
commentaires (5)
Bientôt, ce sera près de 70 ans donc que ça coince : since 1945…. du siècle dépassé ! Et il paraît qu’il n’y a même plus d’issue que le redécoupage bidonné de la Öûmmâh arabique pour le chïîte, pour le sunnite, et sûr pour le fakîhàRieniste ; le + "subtil" mahééék de ces bleds ; dont le programme super bidon Per(s)cé n’est pourtant qu’un gros programme de sectarisation, yâ hassértéééh! Il n’y a plus que ça, et il le suggère clairement à présent. Et pour ce qui est de maintenir le projet de cette fabuleuse Öûmmâh d’antan, yâ harâm, ce ne sera + qu’un truc tordu et biscornu qui sortira on ne sait pas quand ; un machin alambiqué-tarabiscoté comme c’est pas possible ; incompréhensible-compliqué à mort ; et qu’il n’y a aura que Äalloûche, Fatfat et Joûûûzôh pour tenter de le lire jusqu’au bout ! Un tel bastringue qui ne serait admis qu’avec des sourires de convaincus, rentrant en retraite au "monastère" ! Un fatras arabique dont on expliquera chez le Sunnitique qu’il veut dire kawa, et chez le Chïïtique, tchâï. Et de suite uuuft, rebelote, recommencera la campagne anthracite noircie de qui-on-sait ; Nabäääh, soit le l’hassine 1er de ce héZébbballâh-lâh Per(s)cé ; pour qu’au plus vite on change tout ça encore parce que, yâââï, ça ne va pas n’est-ce pas, ou plutôt parce que les se(yy)ides mollâhs Per(s)cés risqueraient, yîîîh, de s’ennuyer si ça allait un petit peu mieux partout dans ces Kottors-conTrées en fait juste arabisés et tous finalement Per(s)cés. Yâ wâïyléééh !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
16 h 40, le 30 mars 2015