Alors que la première impression lors du déclenchement de l'offensive « Tempête de la fermeté » était celle d'une intervention aérienne brève et efficace, la tendance des dernières heures a nettement changé, à en croire d'abord la teneur de la déclaration faite hier par le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi : « Les combats se poursuivront jusqu'au désarmement des houthis. » En effet, Riyad semble s'orienter vers un conflit dans la durée, dont les différents acteurs ne sont pas encore définis avec précision.
Si les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et ceux, plus largement, du Moyen-Orient ont massivement répondu présent à l'appel de Riyad pour voler au secours du régime yéménite, il reste qu'aujourd'hui – et à l'heure où il est de plus en plus question d'intervention terrestre –, les contours de cet affrontement avec les miliciens houthis restent flous.
Une Otan arabe ?
Jeudi dernier, les forces aériennes impliquées dans l'attaque étaient recensées comme suit : l'Arabie saoudite a mobilisé 150 000 militaires et 100 avions de combat; les Émirats arabes unis ont engagé 30 avions de combat; Bahreïn et le Koweït 15; le Qatar 10. Ces dernières heures, et depuis la déclaration de la Ligue arabe, tout porte à croire que le volume des forces impliquées dans la lutte contre les houthis est appelé à croître. Surtout après la décision de mettre sur pied une « force arabe conjointe » tant voulue par Riyad, mais envers laquelle les pays arabes ne manifestent qu'un enthousiasme circonspect.
Les médias occidentaux surnomment déjà cette force conjointe « l'Otan arabe ». Mais en réalité, et comme le souligne le chercheur principal à l'Institut international des études stratégiques (IIES) basé à Bahreïn, Émile Hokayem, cette force est « plus que de la propagande et moins qu'une réalité à court ou moyen terme », et cela à plus d'un titre.
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« Les Arabes ont longtemps examiné l'idée d'une force militaire arabe unifiée, mais plusieurs raisons structurelles et politiques rendent son existence difficile », souligne M. Hokayem qui précise que l'on pourra parler de « coopération » mais pas d'une véritable intégration. Il ajoute que « la coopération est possible dans le monde arabe entre États importants, mais plusieurs pays n'aiment pas l'idée de l'intégration » dans une structure militaire unifiée.
« Tempête de la fermeté », quelle suite ?
Sur le terrain, et maintenant que Nabil al-Arabi a clairement affirmé que les combats se poursuivront jusqu'à la démilitarisation des houthis, quelle sera la suite de l'opération lancée par Riyad ? Pour Émile Hokayem, point d'offensive terrestre de large envergure pour l'instant. Il s'agira plus d'effectuer des attaques ciblées pour affaiblir l'ennemi, « mais pas une vraie invasion terrestre car cela n'est pas envisageable dans l'immédiat », indique le chercheur de l'IIES.
(Portrait : Hadi, le président sauvé manu militari par l'Arabie saoudite)
En effet, les compétences saoudiennes ne sont probablement pas à la hauteur d'une telle opération, même si l'armée a « tiré les leçons de sa mésaventure au Yémen en 2009, durant laquelle elle a perdu près de 200 soldats ». Depuis, les Saoudiens ont développé « plus de capacités, mais cela ne veut pas dire que la victoire militaire soit envisageable ».
Pour le chercheur, il faut donc s'attendre très bientôt à deux actions militaires sur le terrain : d'abord, un gros déploiement à la frontière saoudo-yéménite, assorti d'une intensification des frappes dans cette région, dans l'espoir de relâcher la pression du Sud ; ensuite, des opérations ciblées à Aden contre les miliciens houthis.
Aden a été définie comme une « ligne rouge » par Riyad, et ce dès les premières heures de l'offensive.
Le tout reste de savoir si l'Arabie saoudite désire véritablement mener ce combat jusqu'au bout ou s'il est en fait question, comme le souligne Hokayem, de « mettre un maximum de pression sur son ex-allié, l'ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh », afin de faire basculer l'équilibre des forces en mettant fin à l'alliance que ce dernier a conclue avec les houthis.
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commentaires (4)
Jusqu'où ? Jusqu'au Firdaoûs-Paradis ou en Géhenne-Jhanname !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
15 h 19, le 30 mars 2015