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Nos Lecteurs ont la Parole - Bahjat RIZK

Dictateur ou dictateur, telle est la question...

En 2003, les États-Unis ont envahi l'Irak au cœur d'une coalition, passant outre l'autorisation des Nations unies et le veto de la France. Le dictateur Saddam est tombé. Il a été remplacé par le chaos, et quelques années plus tard, par la montée du fondamentalisme religieux.
En 2011, la France elle-même est intervenue à son tour en Libye au nom d'une coalition, détournant par une astuce le veto russe. Le dictateur Kadhafi est tombé. Il a été remplacé par le chaos et la montée du fondamentalisme religieux.
En 2011 également, des manifestations pacifiques ont commencé à Damas et ont été réprimées de manière inhumaine et féroce. Durant l'été 2014, alors qu'ils semblaient vouloir intervenir, les États-Unis se sont abstenus. Barack Obama s'est rétracté alors que François Hollande l'y pressait. Quatre années et 215 000 morts et des millions de déplacés plus tard, on reparle de renégocier avec le dictateur syrien, considéré comme un rempart à la menace islamique.
En Égypte, sitôt après la chute du dictateur Moubarak, il y eut une parenthèse « démocratique » agitée, avec Mohammad Morsi et les Frères musulmans, vite refermée par l'arrivée du général Sissi, qui a confisqué le pouvoir et rétabli l'ordre.
De même, en Tunisie, après la chute et la fuite du président Ben Ali, Ennahda, mouvement islamique politique, est arrivé au pouvoir et a dû « démocratiquement » y renoncer au profit de quelques rescapés de l'ancien régime, ce qui n'a pas empêché la montée d'un islamisme radical qui participe massivement au jihad en Syrie et n'hésite pas à accomplir des massacres d'innocents, notamment au musée du Bardo en plein cœur de Tunis.
Pendant ce temps, les exécutions se succèdent avec une mise en scène macabre et une communication perverse, sous les yeux horrifiés de toute la planète.
Il est certes inutile de rappeler les faits. Tout le monde les connaît et les a abondamment commentés. Nous avons l'impression, de plus en plus, que cet islamisme radical, qui avait structuré bon nombre de monarchies arabes au milieu du siècle dernier puis s'est étendu à la République islamique d'Iran, aux talibans d'Afghanistan, au GIA en Algérie, à el-Qaëda, au Front al-Nosra, à Aqmi, Boko Haram et récemment Daech (ou État islamique), cache finalement une même démarche de prise de pouvoir : en instrumentalisant et en idéologisant la composante religieuse de l'identité culturelle.
Certes, l'Occident défend ses idéaux de démocratie et s'est même porté garant des révolutions arabes qui survenaient après plus de quatre décennies de dictature militaire en Irak, Libye, Tunisie, Égypte, Syrie, et qui menacent un peu partout ailleurs, dans les pays africains et les pays du Golfe. Mais il semble que seules les dictatures militaires ou monarchiques, issues de ces mêmes sociétés, sont capables de mettre un frein à la poussée de radicalité islamique idéologique.
Doit-on se résoudre à confier à nouveau ces sociétés patriarcales, qui tendent en partie vers l'émancipation et la reconnaissance des libertés individuelles, à des régimes totalitaires qui maintiendront l'ordre tyrannique en contrepartie de l'éradication du fondamentalisme religieux idéologique ? L'Occident peut-il renoncer à l'universalité des droits de l'homme et livrer ces sociétés en pleine mutation à des régimes totalitaires, qui n'hésitent pas à massacrer leur propre population ?
Le cas de la Syrie constitue hélas aujourd'hui le comble du cynisme et de l'épouvante. On redonne aujourd'hui une crédibilité à un dictateur sanguinaire qui a gouverné par la terreur, en contrepartie de la sauvegarde des minorités culturelles prises en otage et la préservation de certains intérêts occidentaux. Plutôt que de risquer une idéologie meurtrière planétaire, on sacrifie le sort des peuples à des dictateurs issus de leurs propres rangs. Cela s'est déjà passé avec le stalinisme après la Seconde Guerre mondiale, où l'Occident, pour neutraliser le nazisme, a dû livrer l'Europe de l'Est à l'empire russe devenu soviétique durant presque 50 ans et qui redevient russe aujourd'hui. Mais quelle que soit l'appellation, la violence impérialiste est la même. Sous prétexte de l'universalité des droits de l'homme (Déclaration de 1948), l'Occident ne parvient plus à assumer ses désirs d'empire, qu'il a pourtant pratiqués ouvertement durant des millénaires et continue à exercer en sous-main depuis les deux dernières guerres mondiales.
Aujourd'hui, face à la Chine, la Russie et les autres pays émergents, l'Occident (dans ses deux composantes continentale et atlantiste) est confronté à cette double contradiction :
Va-t-il assumer à nouveau, au niveau de ses gouvernants, ses désirs refoulés de nationalisme et d'empire?
Peut-il sacrifier ses idéaux, au niveau de son opinion publique, en livrant des peuples à la corruption et à la soif de pouvoir inextinguible de leurs dictateurs pour qu'ils maintiennent l'ordre par procuration ?
C'est ce décalage flagrant entre l'égoïsme et l'idéalisme des sociétés occidentales qui semble aujourd'hui difficile de combler. Finalement, entre un Bush primaire va-t-en guerre et un Obama secondaire hésitant, Prix Nobel de la paix prématuré, on ne sait plus qui préférer.
Nous avons pensé que la démocratie en Orient allait émerger avec le printemps arabe, et nous nous retrouvons en train de choisir entre un fondamentalisme intégriste, version adaptée du nazisme, et une relecture d'un stalinisme revisité.
La transformation de l'identité en idéologie est une constante quasi anthropologique, hélas, de l'histoire. Pour conquérir, dominer et accaparer, une culture doit mobiliser. Toute société va osciller entre ses désirs de puissance et ses désirs de paix. Il faut juste ne pas atteindre le seuil de tolérance ou le point de non-retour.

Bahjat RIZK

En 2003, les États-Unis ont envahi l'Irak au cœur d'une coalition, passant outre l'autorisation des Nations unies et le veto de la France. Le dictateur Saddam est tombé. Il a été remplacé par le chaos, et quelques années plus tard, par la montée du fondamentalisme religieux.En 2011, la France elle-même est intervenue à son tour en Libye au nom d'une coalition, détournant par une astuce...

commentaires (2)

EN MAJESCULE OU EN MINISCULE... çA RESTE LE MÊME...

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 07, le 28 mars 2015

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Commentaires (2)

  • EN MAJESCULE OU EN MINISCULE... çA RESTE LE MÊME...

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 07, le 28 mars 2015

  • Quand la Printanière renversa le symbole politique seul du système autoritaire, son triomphe ne fut que passager ; 1 service rendu à ce système, vu qu’en son "sein" ne furent pas créées les conditions qui rendent nécessaire l'abolition du mode de fonctionnement et sa chute définitive à ce système. Cette Printanière ne devait ainsi servir qu'à faire disparaître, sous ses petits coups de reins mous, les ruines déjà de ce même système. Timorée et conciliante comme elle l'est, elle n’aurait pas pue venir à bout de cette besogne même en moult décennies. Ainsi, ce moment M-là n'a fait que préparer la voie. La seule chute politique symbolique du système ne fut que momentanée, car les conditions objectives voulues pour sa définitive élimination n'étaient pas encore parvenues à maturité. Ces "gens" se construisent 1 New monde, non pas au moyen d’acquis politiques comme le croit la niaise superstition, mais grâce aux conquêtes globales faites par leur monde passé qui est en train de sombrer. Ils doivent d'abord produire eux-mêmes les conditions d'1 new société, et nul effort de l'esprit ne peut les libérer de cette destinée. Ce "bon sens raisonnable" Printanier, ne voit pas en effet l’unité quand il y a différence, ni la différence quand il y a unité. Lorsqu'il établit ces déterminations distinctes et figées, elles se pétrifient derechef ; et il considère comme du plus méprisable donc, le fait d'entrechoquer ces concepts d’une manière révolutionnaire, yîîîh, telle qu'ils s’enflamment !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 10, le 28 mars 2015

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