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Culture

« Le viol », de Saadallah Wannous, une bombe mal dégoupillée...

Une œuvre choc, au verbe en lance-flammes et aux personnages complexes et retors. « Le viol », de Saadallah Wannous, hélas ici dans une version anglaise, d'un noir profondément « soulagien », sur les planches de l'Irwin Theater (LAU) dans une mise en scène scolaire de Sahar Assaf. Une bombe mal dégoupillée...

Un tableau sombre dressé par Sany Farjalla, Marcel Bou Shakra et Rami Saidi.

Pour Saadallah Wannous, dramaturge syrien né à Hussein el-Bahr, près de Tartous, le monde arabe, ses dérives, ses défaites, son chaos, ses tabous et ses frustrations sexuelles ont toujours été à la pointe de sa plume. Une plume rebelle, dénonciatrice, jamais conciliante, jamais compassionnelle, jamais consentante. Pour un regard impitoyable et sans concession, voilà un dramaturge arabe à la hauteur du reflet de miroir d'une société qui a du mal à faire son autocritique, son mea culpa et son analyse.
Au moment où la politique expansionniste de Netanyahu double d'arrogance et de fatuité, al-Ightissab, dans sa version anglaise née d'une traduction signée Nada Saab et Robert Myers, a parfaitement le vent en poupe pour voir et revoir les coulisses de l'histoire. Et ses innommables fautes, revers d'un comportement nuisible et destructeur aussi bien aux bourreaux qu'aux victimes. Notamment les agissements de l'État hébreux qui depuis sa création écharde le 14 mai 1948 génère cet odieux conflit du Moyen-Orient qui dure, sans solution sérieuse...

Dominants/dominés
Le viol est certes ici une agression sexuelle mais aussi territoriale pour une confrontation, un canevas dominants/dominés où l'enjeu est la survie entre deux cultures, deux sociétés. Une métaphore empruntée sans ambages à une réalité sordide où dans les geôles israéliennes on casse les reins des Arabes insoumis, on malmène en toute perversité les femmes et on pète les couilles aux braves qui osent s'insurger à l'ordre établi dans une «intifida».
C'est ce tableau sombre, carcéral et inhumain que Saadallah Wannous, virtuose du verbe avec son lyrisme ample et dévastateur, met sous les feux de la rampe. Mais hélas dans cette version anglaise, si mal donnée, si mal interprétée, avec un accent qui sonne faux pour un texte presque toujours hurlé et bafouillé, la part émotionnelle et tragique en devient presque insupportable, soporifique dans sa longueur (deux heures de représentation – des coupures auraient été salvatrices!) et ennuyeuse dans ses excès d'horreurs matraqués comme des coups de trique sur les doigts. De même que dans ses «ululations» et sa gestuelle emphatique et outrée.
Un texte si grave et si difficile à faire passer la rampe ne se donne pas facilement, même à des acteurs amateurs bourrés certes de bonnes intentions mais qui passent à côté de la plaque dans un jeu artificiel et un excédent de grimaces boursouflées.
Dans un décor monacal, pour ces officines de la torture aveugle, quelques chaises, un landau, une table, quelques néons et un échafaudage en fer pour diviser l'aire scénique.

Menuhin, Isaac, Moshe et David
Des acteurs, habillés en toute austérité en tons noirs et gris, une douzaine de personnages entre Dr Menuhin, Isaac, Moshe, Gideon, Meir, Sarah, Rahel, David, Dalal, Ismail, à la bougeotte constante pour faire vivre une succession de tableaux. Tableaux brossés en termes violents entre drames dans les chambres des tortionnaires et dysfonctionnement familial pour abus d'autorité et de parties fines abjectes, avec lacération et maltraitance qui révulseraient le plus acquis au sadisme...
Condition humaine inacceptable que Wannous dénonce en s'inspirant des frasques du dictateur Franco d'après un opus d'Antonio Buero Vallejo. Trame transposée en Cisjordanie au moment de la répression de la première intifida en 1987 et qui force les spectateurs à une (re)lecture lucide des événements. Sur leur impact. De ce qu'on devrait appeler une «parole utile». Celle que les personnages balancent comme une volée de gifles, un appel au secours, ou tout simplement un besoin de ne jamais couper l'espoir...
Une œuvre explosive jusqu'à l'écœurement et la vomissure que ce Viol de Wannous sur la descente en enfer des hommes. Mais qu'on aurait certainement aimé voir dans sa langue native avec la force, la clarté et la poésie tourmentée d'un arabe aux diaprures gutturales et ensoleillées.
Quelque part, involontairement, dans cette production universitaire (partenariat LAU-AUB), tout en voulant servir l'œuvre de Wannous et la notion de dignité et de fraternité humaine, Wannous est désavoué. Car on sort de cette pièce sursaturé de violence, gavé de discours didactique lancé comme un sermon cicéronien, mais peu convaincu de cette valeur de parole utile et de l'irritant jeu des acteurs qui en font trop ou pas assez. Surtout du point de vue diction et débit d'un texte mal digéré et mal retenu.

Pour Saadallah Wannous, dramaturge syrien né à Hussein el-Bahr, près de Tartous, le monde arabe, ses dérives, ses défaites, son chaos, ses tabous et ses frustrations sexuelles ont toujours été à la pointe de sa plume. Une plume rebelle, dénonciatrice, jamais conciliante, jamais compassionnelle, jamais consentante. Pour un regard impitoyable et sans concession, voilà un dramaturge arabe...

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