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Économie - Blanchiment

Secret bancaire : le Liban « ne peut plus vivre en autarcie »

Trois projets de loi attendent d'être adoptés par le Parlement pour mettre le Liban en conformité avec les nouvelles normes internationales de lutte contre le blanchiment, le financement du terrorisme et l'évasion fiscale. Une évolution législative soutenue par l'Association des banques.

Le Suisse Jacques de Saussure, président de la banque Pictet.

« L'ère du secret bancaire est révolue et celle de la transparence a commencé. » C'est en ces termes que le banquier suisse Jacques de Saussure, de passage à Beyrouth, a partagé l'expérience de son pays avec ses homologues, au siège de l'Association des banques libanaises (ABL). Après avoir longtemps été un symbole en matière de protection des données bancaires, la Suisse a complètement changé son fusil d'épaule, au point d'avoir reçu les félicitations du Forum mondial sur la transparence de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour s'être récemment conformée aux normes mondiales d'échange d'informations en matière fiscale.

Une révolution que le Liban est appelé à entamer à son tour. Et les pressions internationales en ce sens se multiplient. Dernière en date, la visite à Beyrouth du secrétaire adjoint au Trésor américain, Daniel Glaser, qui a rencontré le 17 mars le gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé ainsi que le conseil d'administration de l'ABL. L'une de ses préoccupations concernait le circuit de financement de l'organisation État islamique (EI) dont les fonds pourraient transiter par le Liban, l'Irak et la Turquie.
« Le monde a changé, il s'est globalisé, et les grandes puissances ne tolèrent plus la fraude fiscale. Nous ne pouvons plus invoquer notre souveraineté pour refuser de fournir des informations fiscales. Il faut l'aménager, sous peine de se voir exclure du concert des nations en matière financière, plaide le directeur général du ministère des Finances, Alain Bifani. Les pays qui ne seront pas aux normes seront pénalisés. Les pays à la pointe de ces nouvelles règles ont prouvé qu'ils étaient prêts à sanctionner leurs propres institutions, il est logique qu'ils ne lésinent pas avec les nôtres. »


(Lire aussi : Bank of Beirut (UK) sanctionnée par le régulateur britannique)

Le gouvernement a déposé en 2012 trois projets de loi destinés à conformer la législation libanaise aux exigences internationales en termes de lutte contre le blanchiment d'argent et le terrorisme, ainsi que l'évasion fiscale : un projet de loi sur l'échange d'informations fiscales (numéro 8002 du 23/4/2012) ; un projet de loi amendant la loi sur le blanchiment de 2001 (numéro 8200 du 24/5/2012) et un texte sur la déclaration des sommes en numéraire aux frontières (numéro 7983 du 14/4/2012).

En trois ans, aucun d'entre eux n'a encore été voté par le Parlement. « Nous avons besoin de ce cadre réglementaire, estime pourtant Makram Sader, secrétaire général de l'Association des banques. Les banques libanaises doivent préserver de bonnes relations avec leurs correspondantes partout dans le monde, particulièrement avec les banques américaines, l'économie libanaise étant dollarisée. Le Liban ne peut pas vivre en autarcie. »
« Il faut passer entre les mailles du filet, car nous n'avons tout simplement pas la taille pour résister, poursuit Alain Bifani. Le système financier international a atteint un niveau de globalisation que nous devons intégrer une fois pour toutes. Sans compter que la lutte contre le blanchiment est un objectif en soi auquel le Liban ne peut qu'adhérer. »

(Lire aussi : Swiss Leaks : « Les Libanais cherchent surtout à diversifier leurs risques »)

 

Liste noire
Pour le Liban, il s'agit en réalité de poursuivre une stratégie de « contorsions » consistant à adapter sa législation tout en préservant au maximum le secret bancaire instauré en 1956, et pilier du secteur le plus développé de son économie. En 2001 déjà, le Liban avait été inscrit sur la « liste noire » du Groupe d'action financière (GAFI) qui fixe les normes mondiales en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Son retrait de la liste était passé par l'adoption de la loi 318 instituant une Commission spéciale d'investigation (CSI), chargée d'enquêter sur les transactions suspectes, moyennant dans certains cas de lever le secret bancaire.

Le premier projet de loi en attente de ratification au Parlement amende cette loi 318 en définissant le blanchiment comme un crime en soi, sans qu'il soit toujours besoin de le lier à un crime originel. Par exemple, selon ces dispositions, le fait d'accepter sciemment une somme démesurément élevée pour une transaction (comme la vente d'un appartement ) relève du blanchiment, même si l'opération en question est légale. L'amendement élargit aussi le champ du blanchiment pour inclure, par exemple, le financement des organisations terroristes, la corruption et le trafic d'influence ou encore les infractions relatives à la propriété intellectuelle. Il instaure de nouvelles obligations de certaines professions (notaires, avocats, banquiers, comptables, etc.) qui sont désormais tenues, sous peine de sanctions, de signaler de tels crimes à la CSI dont les pouvoirs sont par ailleurs étendus. « Le texte responsabilise davantage le système en sanctionnant les agents qui ne détectent pas ou ne signalent pas des transactions suspectes », explique Alain Bifani.

Minimum requis
Le deuxième projet de loi porte sur l'obligation de déclarer aux douanes tout argent transporté en numéraire lors du passage des frontières libanaises. Le seuil de déclaration est en discussion, il serait fixé à 20 000 dollars. « L'objectif n'est pas d'interdire ces transferts, notamment en raison des habitudes de la diaspora libanaise, mais d'améliorer la traçabilité de ces fonds et de lutter ainsi contre l'argent occulte », souligne Alain Bifani.

Le troisième texte s'inscrit dans le cadre des nouvelles normes mondiales sur l'échange d'informations instaurées lors du forum mondial de l'OCDE contre l'évasion fiscale. S'il est adopté, un pays tiers pourra demander au Liban de lever le secret bancaire concernant une personne physique ou morale, au cas où des soupçons sérieux d'évasion fiscale – assimilée au blanchiment – pèsent sur elle. Les demandes seront adressées à la Commission spéciale d'investigation et transiteront peut-être par le ministère des Finances – ce point n'étant pas encore tranché. « La criminalité s'est mondialisée, explique Alain Bifani. Les institutions souveraines traquent aussi un manque à gagner très important car les circuits mondiaux sont utilisés pour fuir le fisc. En la matière, les pays de l'OCDE, entre autres, ont besoin d'agir vite et de pouvoir compter sur des mécanismes rapides d'échange d'informations, sans risquer que ne soient actionnées des procédures dilatoires. »

Il ne s'agit pas à ce stade pour le Liban d'adhérer à la Norme commune créée par le forum mondial de l'OCDE, qui vise à mettre en place un système global automatique d'échange d'informations bancaires pour lutter contre l'évasion fiscale. Selon Makram Sader, la variante libanaise correspondrait plutôt au « minimum requis » par le forum mondial de l'OCDE.

 

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« L'ère du secret bancaire est révolue et celle de la transparence a commencé. » C'est en ces termes que le banquier suisse Jacques de Saussure, de passage à Beyrouth, a partagé l'expérience de son pays avec ses homologues, au siège de l'Association des banques libanaises (ABL). Après avoir longtemps été un symbole en matière de protection des données bancaires, la Suisse a...

commentaires (3)

On tourne autour du pot .Tout le monde sait qui finance et par quels channels binsaoudiques passent les fonds du blanchiment des bacteries . De la poudre aux yeux ..

FRIK-A-FRAK

14 h 13, le 24 mars 2015

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Commentaires (3)

  • On tourne autour du pot .Tout le monde sait qui finance et par quels channels binsaoudiques passent les fonds du blanchiment des bacteries . De la poudre aux yeux ..

    FRIK-A-FRAK

    14 h 13, le 24 mars 2015

  • OU : LE COUP DE GRÂCE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 58, le 24 mars 2015

  • La Suisse a cédé le couteau contre la gorge, ou le revolver contre la tempe (c'est comme on veut), mais absolument pas par conviction que c'était la bonne voie à suivre... C'était une question de vie ou de mort du système bancaire suisse... Qu'on ne nous raconte pas n'importe quoi, surtout le président d'une banque suisse qui devait tenir par-dessus tout à ce qui faisait son atout majeur et attirait des milliards, le secret bancaire! Pitié, qu'on cesse de nous raconter n'importe quoi... La fraude fiscale existera toujours parce que c'est normal qu'on ne veuille pas être systématiquement privé d'une importante partie de ses revenus. Elle existera davantange pour les très grosses sociétés qui peuvent se payer une "vraie" fraude fiscale et qui seront toujours inapprochables, inapprochés et protégés. Qu'on joue franc jeu et qu'on nous dise: "Votre argent, nous le voulons sinon vous risquez de ne plus en avoir du tout"! Mais qu'on ne nous raconte pas des histoires du style "C'est la mondialisation, l'ouverture du monde, etc" Il y a un gros poisson qui veut manger tous les autres. On accepte ou on est mort. C'est tout.

    NAUFAL SORAYA

    07 h 44, le 24 mars 2015

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