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Barrage au Bardo

Une fois encaissé le choc des scandaleuses déclarations de John Kerry sur la nécessité de négocier, au final, avec Bachar el-Assad ; à peine digéré le triomphe électoral d'un Benjamin Netanyahu insupportable d'arrogance, c'est la tuerie du musée du Bardo, à Tunis, qui vient clore une semaine des plus maussades.
Un cas, la Tunisie. Mieux encore, un cas qui a toujours été cher à nos cœurs de Libanais, et pas seulement parce que les antiques Phéniciens partis de Tyr sur leurs navires en bois de cèdre s'en allaient fonder la florissante cité de Carthage à l'autre bout de la Méditerranée. La douceur du climat, le soleil, l'hospitalité foncière et la vocation touristique n'expliquent pas tout, non plus. Cette manne touristique, aussi nourricière que notre encore envié secteur bancaire, nous l'avons laissé dépérir. Cela par l'impardonnable faute de ceux d'entre nous qui ne conçoivent d'autre Liban qu'endoctriné par de prétendus représentants de Dieu sur terre ; que résistant ; que fourvoyé, contre son gré, dans des guerres qui ne sont bien rarement les siennes.


C'est ce pactole touristique qui était visiblement une des cibles des terroristes du Bardo qui ont massacré une vingtaine de visiteurs étrangers : épisode rappelant, dans ses objectifs comme dans son déroulement, le carnage de Luxor qui, en 1997, fit 62 morts, presque tous des touristes. Déjà, de grands tour-opérateurs ont supprimé de leurs itinéraires l'escale de Tunis, au risque de paraître offrir une prime aux terroristes, et contribuer, de la sorte, à la ruine économique du pays. Les Tunisiens devront probablement se serrer la ceinture. Mais ils sont bien armés – ils l'ont brillamment démontré – pour espérer vaincre au final, comme dirait John Kerry.


Car il n'y va pas seulement de l'économie, mais aussi du seul modèle de transition politique réussi ces dernières années, dans un monde arabe où les sursauts populaires ont une fâcheuse propension à déboucher sur le chaos. Berceau du printemps arabe : ce titre de gloire, le Liban était bien parti pour le décrocher le premier, avec cinq ans d'avance, mais sa pacifique révolution du Cèdre est demeurée inachevée. Pacifique elle aussi, la révolution tunisienne n'a pas connu que des beaux jours, pourtant : les islamistes ont remporté les premières élections libres, des émeutes et autres actes de violence se sont produits, des opposants ont été assassinés. Mais, au final, ce sont les anti-islamistes qui ont remporté les dernières législatives et le pays s'est doté d'un gouvernement d'union nationale en tout point fidèle à son appellation d'origine contrôlée : Ennahda se distinguant des autres partis islamistes en renonçant à la loi de la charia pour adhérer sans réserves au système démocratique.


Entre le Liban et la Tunisie, on trouvera un dernier et regrettable lien de parenté carthaginoise dans leur extrême vulnérabilité à la sédition venant du dehors. Déjà en butte aux agressions israéliennes, notre pays est affligé, de surcroît, d'une frontière des plus poreuses avec la Syrie, d'où nous parviennent, pêle-mêle, les criminelles menées déstabilisatrices du régime baassiste et les hordes de l'État islamique. C'est du bouillonnant chaudron libyen tout proche, et à travers une frontière tout aussi difficile à contrôler, que s'infiltre, à son tour, le terrorisme jihadiste en Tunisie : à cette nuance près que là-bas, peuple et dirigeants se retrouvent côte à côte pour relever le défi.


De quoi vous pousser irrésistiblement à crier, vous aussi, Je suis Bardo !

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Une fois encaissé le choc des scandaleuses déclarations de John Kerry sur la nécessité de négocier, au final, avec Bachar el-Assad ; à peine digéré le triomphe électoral d'un Benjamin Netanyahu insupportable d'arrogance, c'est la tuerie du musée du Bardo, à Tunis, qui vient clore une semaine des plus maussades.Un cas, la Tunisie. Mieux encore, un cas qui a toujours été cher à nos...