La date butoir pour trouver un accord politique sur les négociations nucléaires entre l'Iran et les 5+1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) se rapproche à grands pas. Pourtant, aucune indication laissant supposer une avancée concrète des négociations n'est perceptible pour le moment. Malgré une nouvelle semaine de tractations diplomatiques à Lausanne, il est toujours impossible de se prononcer sur le résultat de ces négociations autrement que par le biais d'un exercice purement spéculatif. Si les Iraniens et les Américains semblent tout deux convaincus de la nécessité de cet accord, ils continuent de se renvoyer mutuellement la responsabilité d'un possible échec, à travers leurs déclarations.
Interrogé par L'Orient-Le Jour, François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France à Téhéran et analyste spécialisé dans les questions de prolifération nucléaire et de désarmement, explique que l'impression de surplace est « accentuée par le fait que les Iraniens ne veulent pas donner l'impression qu'ils accepteront les conditions les unes après les autres ». « Ces négociations sont fondées sur un principe, décidé en amont, selon lequel rien n'est décidé tant que tout n'est pas décidé, indique-t-il. Face aux propositions, les Iraniens restent très prudents et se contentent de formules comme "oui c'est intéressant" ou encore "ça nous paraît être la bonne solution" et c'est aux autres diplomates de s'adapter », analyse M. Nicoullaud. S'il reste plutôt optimiste sur la perspective d'un accord, il précise que les bases de celui-ci devront être fixées avant le 31 mars. « Les Américains ont besoin de revenir avec quelque chose pour calmer un peu le Congrès. Si au-delà du 6 ou 7 avril, les deux parties n'arrivent toujours pas à s'entendre, cela favorisera les voix divergentes des deux côtés, mais particulièrement au Congrès. Le guide suprême contrôle mieux ses fondamentalistes que le président américain ses élus, si l'on peut s'exprimer ainsi », ajoute l'ancien ambassadeur français.
« Vraisemblablement, l'Iran et les 5+1 seraient tombés d'accord sur le nombre de centrifugeuses qui pourraient rester en activité, à savoir entre 6 000 et 6 500. Mais deux points empêchent la finalisation d'un accord. Tout d'abord, les 5+1 veulent bloquer, ou au moins freiner, la capacité de l'Iran à développer des modèles plus performants de centrifugeuses alors que les Iraniens sont très sensibles sur ce sujet. Leurs centrifugeuses sont primitives, elles sont 40 fois moins efficaces qu'une centrifugeuse européenne, par exemple. Ensuite, le deuxième point concerne la levée des sanctions des Nations unies. Ces sanctions ne sont pas les plus contraignantes pour Téhéran, mais elles revêtent un caractère symbolique important puisqu'elles classent l'Iran parmi les États parias. En outre, elles constituent le socle juridique des sanctions européennes. Les 5+1 avancent l'argument que ces sanctions devraient être les dernières à être levées, puisqu'elles sont irréversibles. Mais elles ne le seront qu'en cas d'un rétablissement effectif des relations de confiance entre les deux acteurs », explique M. Nicoullaud.
(Lire aussi : « L'Arabie saoudite et peut-être d'autres États dans la région pourraient chercher à obtenir les mêmes capacités »)
À la question de savoir si d'autres dossiers sont abordés durant les négociations, M. Nicoullaud répond par la négative. « Je crois que les discussions sont strictement circonscrites aux négociations nucléaires, même si cela n'empêche pas la possibilité qu'il y ait d'autres tractations en coulisse. La règle de ne pas évoquer les autres sujets a été fixée en amont. Dans le cas contraire, les 5+1 exploseraient, car ces États ont des positions tout à fait divergentes sur plusieurs dossiers chauds comme la Syrie », précise l'ancien ambassadeur français. Il constate également que la position iranienne a évolué au fil des négociations. « Aujourd'hui, le guide suprême Khamenei est convaincu qu'il faut parvenir à un accord. On lui prête une santé fragile, et je pense qu'il souhaite préparer l'avenir et simplifier les choses avant sa disparition. Les Iraniens sont persuadés qu'ils vont parvenir à un accord. L'absence d'accord compliquerait la vie de l'Iran et déprimerait probablement la population », analyse l'ancien ambassadeur. De là à les amener à se rebeller contre le régime ? « Je ne crois pas, non », répond-il.
Enfin, l'ancien ambassadeur de France à Téhéran considère que ces négociations constituent la dernière chance de parvenir à un accord. « Si on n'aboutit pas à un accord détaillé et précis avant juin, je ne crois pas que les négociations seront une nouvelle fois prolongées », conclut-il.
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commentaires (6)
décryptage...Formule diplomatique qui veut dire... " malgré la langue de bois ...l'on avance pas...!" question , mais veut vraiment avancer..?
M.V.
13 h 14, le 21 mars 2015