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Liban - minorités

La misère discrète des assyriens du Khabour réfugiés au Liban

Plus de 250 personnes de cette communauté de Syrie sont entrées en l'espace de deux semaines au pays du Cèdre. Beaucoup d'autres sont attendues prochainement.

Un tapis trouvé à la cave et des matelas donnés par l’évêché meubleront ce qui devrait être une salle de séjour.

Tous les jours, depuis deux semaines, deux ou trois familles assyriennes, originaires des villages du Khabour, dans le nord-est de la Syrie, arrivent au Liban. Certaines viennent par voie terrestre, franchissant la frontière de Masnaa, d'autres, n'osant pas faire le trajet de 1 300 km séparant Hassaké de Beyrouth, prennent l'avion à partir de Qamichli.


Dans le quartier assyrien de Sed el-Bauchrieh, chaque personne que l'on croise connaît quelqu'un qui arrivera bientôt ou une famille qui est déjà ici. Rares sont les nouveaux venus qui parlent à la presse, et s'ils le font, c'est sous couvert d'anonymat. Parmi les personnes qui sont entrées au Liban, il y a celles qui ont des proches toujours retenus en otage par les miliciens du groupe État islamique (EI) ou des fils qui servent encore dans les rangs de l'armée syrienne et qui sont postés dans les points les plus « chauds » de Syrie.
À Sed el-Bauchrieh, Bourj Hammoud, Dékouané, Zalka et Antélias, les assyriens du gouvernorat de Hassaké, incluant les villages du Khabour, louent des maisons ou logent chez des proches, réfugiés au Liban dès le début de la guerre en Syrie, il y a plus de trois ans. Voisines à Tell Tamr, un village du Khabour, deux femmes ont loué deux appartements sur le même palier à Sed. Chacune paie 550 dollars par mois pour l'appartement non meublé qu'elles partagent avec la famille. Leurs prénoms ont été changés afin de protéger leur anonymat.

 

(Lire aussi : Le Liban, un pays de passage pour les syriaques et les assyriens de Hassaké)

 

Elvira a 65 ans. Elle est arrivée lundi dernier de Hassaké avec son fils et ses deux petits-enfants, âgés de 13 et 11 ans ; leur maman est décédée récemment et c'est Elivra qui les élève. Son mari devrait arriver à Beyrouth demain samedi.
Elvira n'a ni réfrigérateur ni cuisinière à gaz. « Il y avait trois lits dans l'appartement. L'évêché (assyrien) nous a donné une caisse d'aliments, quatre matelas et quatre couvertures. Le reste, je l'ai trouvé dans la cave de l'immeuble. Un tapis, des chaises et une table en plastique, des verres et des assiettes. Depuis lundi, je fais le ménage. Il fallait tout laver à plusieurs reprises. Tout était poussiéreux et ancien. Regardez ces trois marmites, la famille syriaque chez qui nous avions logé à Hassaké me les avait données. C'est tout ce que j'ai rapporté avec moi de Syrie », dit-elle.
Pour tout meuble, la cuisine dispose de deux chaises et d'une table en plastique. Dans ce qui devait être un petit salon, elle a mis deux matelas en éponge qu'elle a recouverts de draps de lit tout propres.

 

(Lire aussi : Le calvaire des exilés chrétiens du Khabour au Liban)

 

Fuir dans les champs
Elvira raconte la fuite de Tell Tamr : « Nous sommes partis après trois jours de bombardements intensifs. Il fallait qu'on rassemble une petite somme d'argent... C'est pour cela que nous avons attendu trois jours. Nous avons vendu quelques meubles et notre électroménager à un homme que je n'avais jamais vu. Nous sommes ensuite partis à pied. Nous avons marché une bonne heure dans les champs, fuyant les snipers qui visaient la route. Ensuite, ce sont des voitures venues de Hassaké qui nous ont emmenés jusqu'à la ville. Nous sommes restés trois semaines chez une famille syriaque. Nous étions douze en tout dans une petite maison. Ensuite, nous sommes partis en voiture à Qamichli. C'est de là-bas que nous avons pris l'avion pour Beyrouth, payé 152 000 livres syriennes (environ 800 dollars) le billet. L'argent devait nous suffire pourtant pour nous installer et vivre au Liban. »
Depuis qu'elle est arrivée, Elvira, son fils et ses petits-enfants ne déjeunent pas à la maison. « Nous mangeons chez mon neveu qui habite au Liban depuis plusieurs années. Le soir, j'ouvre quelques boites de conserve que l'église nous a données. » « Dieu pourvoira à tout », soupire-t-elle.
La sœur d'Elivra et sa famille sont otages de l'EI. Ils habitaient un autre village, Tell Chemrane. Elle est sans nouvelles d'eux depuis presque un mois.
La fille d'Elvira, qui vivait également à Tell Tamr et qui a elle aussi fui à Hassaké, devrait bientôt arriver, avec son mari et ses deux enfants âgés de 15 et 3 ans, au Liban. Elle vivra dans la maison fraîchement louée.

 

(Repère : Les Assyriens, une communauté chrétienne récemment implantée en Syrie)


« Nous n'avons nulle part où aller. Les villages du Khabour sont vides et la situation n'est pas rassurante dans la ville de Hassaké. Il n'y a que le Liban qui nous accueille », indique-t-elle. « Si seulement je pouvais retourner au village. Nous n'étions pas riches, mais nous arrivions à joindre les deux bouts. Mon mari est retraité de l'État et mon fils travaillait dans un restaurant. Nous ne possédions ni terrains ni richesses. Nous n'avions que deux maisons, l'une nous abritait, mon mari et moi, et l'autre appartenait à mon fils », dit-elle.

 


Martha vit dans l'appartement d'en face. Elle est arrivée de Tell Tamr au Liban à la mi-février, une semaine avant l'occupation par l'EI des villages du Khabour. « Je suis venue marier mon fils au Liban. Il avait gagné Beyrouth il y a plusieurs mois. Il vient d'épouser une assyrienne d'Irak qui vit au Canada. Il l'avait rencontrée sur Internet. Elle est venue au Liban pour le mariage », note-t-elle.

Martha a été bloquée avec sa fille au Liban. « J'ai eu de la chance. Je suis venue avec une valise. Mes compatriotes arrivent uniquement avec les vêtements qu'ils ont sur le corps », dit-elle.
Elle parle en souriant de l'état de la maison qu'elle vient de louer, montre les sièges en cuir élimé qu'elle a trouvés à la cave, qu'elle a frottés et qu'elle a recouverts de sacs en plastique. « Les amis de mon fils nous ont donné un petit frigo, une toute petite cuisinière et une bonbonne à gaz. Les gens d'ici nous aident. L'Église aussi. Il y a quelques années, dans nos villages du Khabour, nous avions reçu des réfugiés irakiens, des assyriens comme nous. Et maintenant, c'est nous qui sommes réfugiés », dit-elle, éclatant en sanglots.

 

(Reportage : Rémy et Novart, assyriens des villages de Hassaké, racontent l'enfer)


Quand elle s'est retrouvée bloquée au Liban le mois dernier, Martha n'avait pas d'argent. Elle a attendu que des proches installés à l'étranger lui envoient quelque centaines de dollars pour pouvoir louer une maison et s'installer. Ses frères et sœurs vivent au Canada, en Allemagne et en Australie. Elle a un fils au Canada et une fille aux États-Unis. Mais elle a encore des membres de sa famille en Syrie. Ils devraient la rejoindre bientôt au Liban.
« Nous allons nous inscrire auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et tenter de partir vers l'Amérique ou l'Europe », dit-elle, ayant perdu l'espoir de retourner un jour dans son village. « Quel gâchis ! Ils nous ont chassés de Syrie et d'Irak. Ce n'est pas seulement une population qu'ils poussent à l'exode, c'est toute une culture qu'ils sont en train d'effacer, comme si nous n'avions jamais existé », déplore-t-elle.

 

Tous les jours, depuis deux semaines, deux ou trois familles assyriennes, originaires des villages du Khabour, dans le nord-est de la Syrie, arrivent au Liban. Certaines viennent par voie terrestre, franchissant la frontière de Masnaa, d'autres, n'osant pas faire le trajet de 1 300 km séparant Hassaké de Beyrouth, prennent l'avion à partir de Qamichli.
Dans le quartier assyrien de Sed...

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