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Économie - Économie numérique

Économie numérique : « Pour être compétitif, le Liban doit offrir de meilleurs salaires »

Depuis qu'il a crée le forum Arabnet en 2010 à Beyrouth, Omar Christidis prend régulièrement le pouls de l'industrie numérique arabe et libanaise. À l'occasion du lancement, aujourd'hui, de la sixième édition du forum, il analyse pour « L'Orient-Le Jour » les forces et les faiblesses du pays du Cèdre dans la compétition technologique régionale.

Le forum Arabnet de Beyrouth « capitalise sur le fait que le Liban est un vivier de talents et un centre de production externalisée de contenus », explique son fondateur Omar Christidis.

Quel est le programme de cette sixième édition du forum Arabnet à Beyrouth ?
Cette année, Arabnet réunira environ 80 conférenciers et nous espérons dépasser les 800 visiteurs, soit une fréquentation environ 60 % supérieure à celle de la première édition en 2010. Les deux jours de forum seront consacrés à l'entrepreneuriat technologique, mais surtout aux opportunités qu'offre la révolution numérique à des secteurs teIs que la mode, les banques ou celui du divertissement.

Cela traduit-il une volonté de coller davantage à des problématiques libanaises ?
Depuis que nous avons lancé des forums dans plusieurs autres capitales régionales (Le Caire en 2011 – abandonné depuis –, Riyad en 2012, Dubaï en 2013), nous essayons de plus en plus d'adapter le format de nos évènements aux particularités locales. Par exemple, le forum de Riyad – le seul à se dérouler en langue arabe – est très centré sur les problématiques du gigantesque marché saoudien tandis que celui de Dubaï s'adresse surtout aux grandes entreprises et marques mondiales.
Quant à l'Arabnet de Beyrouth, il capitalise sur le fait que le Liban est un vivier de talents et un centre de production externalisée de contenus. Par exemple, les deux jours de conférence ont été précédés, mardi, d'une journée d'ateliers consacrés au développement informatique.

Vous mettez l'accent sur la sous-traitance de contenus. Quels peuvent être les autres avantages comparatifs de l'économie numérique libanaise au niveau régional ? A contrario, quelles spécialisations seraient synonymes d'impasse ?
Les opportunités peuvent être très diversifiées. Il est néanmoins certain que la force première du Liban réside dans la production de contenus pour les secteurs créatifs : les deux grandes cessions du secteur technologique libanais, Diwanee et Shahiya, sont d'ailleurs des entreprises spécialisées dans ce domaine. Ces cas soulignent aussi la nécessité pour les entrepreneurs libanais d'exporter leur savoir-faire et d'adapter leur offre au marché régional. Prenons par exemple le secteur du jeu mobile : le marché saoudien est le seul du monde arabe à générer suffisamment de revenus ; un développeur libanais doit donc penser en priorité ses produits en fonction des codes culturels de cette cible.
Les autres grandes opportunités pour le secteur se situeront dans la numérisation d'activités traditionnellement fortes au Liban comme les services financiers, la santé ou l'éducation. En revanche, le commerce électronique est à éviter du fait de la taille du marché, des défis liés à la distribution et au paiement, et à la présence de gros acteurs déjà établis.

Au niveau de l'ensemble de l'écosystème, quels sont les principaux défis qui restent à surmonter pour favoriser le développement de ces activités ?
On cite souvent l'accès aux infrastructures, cela est sans doute moins vrai depuis l'amélioration de la connectivité Internet du pays et la baisse des prix des services télécoms. Même si le Liban reste à la traîne vis-à-vis des grands pôles régionaux, cela ne pénalise plus que certaines activités spécifiques – comme la production de vidéo en ligne – car, désormais, la plupart des services peuvent être gérés sur le « Cloud ».
Par contre, l'instabilité du pays reste un facteur très pénalisant pour la capacité du pays à attirer les investisseurs et retenir les talents qu'il produit en nombre. Ce problème ne se limite d'ailleurs pas à l'aspect politico-sécuritaire : du fait de sa jeunesse, le secteur croît plus vite que la base de talents et d'expérience nécessaires à son développement. La concurrence va donc s'intensifier dans la région en termes de ressources humaines. En grandissant, les start-up libanaises auront de plus en plus de mal à attirer des salariés compétents, étant donné le niveau des rémunérations au Liban. Si elles veulent devenir compétitives par rapport à leurs rivales du Golfe, elles devront donc revoir à la hausse le niveau des salaires et disposer pour cela des fonds nécessaires.

La circulaire 331 de la Banque centrale – qui autorise les banques commerciales à investir une part de leurs fonds propres dans les start-up libanaises – vise notamment à remédier à ce problème de financement et, à terme, à endiguer la fuite des cerveaux. Comment-jugez vous sa mise en œuvre à cet égard ?
Cette initiative va certainement encourager de plus en plus de Libanais à se lancer dans la création de start-up. Je reste en revanche préoccupé par le risque de bulle inflationniste liée à l'écart entre une offre immense de capitaux et une demande limitée par la circulaire aux seules entreprises libanaises.
Surtout, il faudrait penser la distribution de cet argent au niveau de l'ensemble du circuit. Jusqu'à présent, seules deux banques (NDLR : la banque al-Mawarid dans Presella et la BLC Bank dans Cinemoz) ont investi directement dans des start-up. L'essentiel des investissements passe par des fonds qui ciblent des sociétés déjà établies plutôt que des start-up émergentes. Si on se base sur les expériences étrangères et les caractéristiques de ces fonds, il faudrait une centaine de créations de start-up par an pour leur permettre de poursuivre leur stratégie. Comment va-t-on les créer sans structures adéquates pour leur assurer un capital d'amorçage ou accompagner leur développement initial ? La création d'un accélérateur comme Speed constitue un bon signal, mais c'est largement insuffisant comparé à ce qu'offrent des places comme Dubaï, qui a opté pour un modèle de financement de l'écosystème plus équilibré.

 

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