L'inquiétude monte, à la veille de la rencontre du 15 mars, entre la délégation iranienne chargée des négociations sur le nucléaire et les représentants du G 5 + 1 à Vienne, en vue d'aplanir les obstacles qui empêchent toujours un accord final sur le dossier, alors qu'approche le délai du 24 mars, celui, en principe, de la signature de l'accord. Ce sont les éventuelles retombées d'un aboutissement – ou pas – de l'accord pour la période de l'après-24 mars qui provoquent ces craintes. Des données collectées auprès des capitales étrangères, puis recoupées avec des informations locales, ont ainsi augmenté le taux d'anxiété qui existait déjà face à d'éventuels attentats ou explosions. Pour le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, il ne faudrait pas s'attendre à la conclusion d'un accord entre Washington et Téhéran, ce qui laisse présager une montée aux extrêmes dans la région et, partant, au Liban, qui pourrait se traduire par une nouvelle vague d'assassinats. Tous les rapports soulignent en effet cette éventualité.
Des sources ministérielles citant des diplomates font elles aussi état de leurs craintes quant à une possible déstabilisation sur le plan de la sécurité, notamment à Tripoli et dans le Nord, où sont réfugiés des chefs d'organisations radicales, ou encore dans les camps de réfugiés palestiniens, à travers des affrontements entre les mouvances modérées et extrémistes. C'est pourquoi le commandement de l'armée a pris une série de mesures préventives pour faire face à des opérations que pourraient mener des extrémistes dans le jurd de Ersal, le Nord ou ailleurs. Les positions de la troupe ont ainsi été renforcées, notamment celles qui sont avancées dans le jurd. Les soldats ont pu profiter de l'équipement qui leur a été livré par les États-Unis pour se prémunir contre toute agression potentielle. Les forces de sécurité ont également pris le même genre de dispositions préventives. Tous les agents de l'ordre ont été placés en état de mobilisation non déclaré pour parer à toute mauvaise surprise.
Les inquiétudes du ministre de l'Intérieur et de certains diplomates sont-elles justifiées ou y a-t-il une exagération quelque part ? Ce dossier est-il exploité pour épouvanter la population ? Selon des observateurs, toutes ces « données » ne seraient qu'hypothèses et analyses, et non des informations fondées sur des faits. Il est vrai que si l'accord entre Washington et Téhéran n'aboutit pas, c'est une situation pour le moins épineuse qui devrait suivre. Pour l'instant, tous les responsables, y compris dans le monde arabe et islamique, tentent de savoir ce que cet accord pourrait recéler et quelle pourrait en être la portée politique. Des parties hostiles à cette entente pourraient ainsi réagir sur le terrain, sur plusieurs fronts, surtout dans les milieux radicaux. D'où la dernière allocution du roi Salman d'Arabie saoudite prônant la stabilité et rejetant toute atteinte à la sécurité, faute de quoi les fauteurs de troubles seraient punis très sévèrement.
Dans le cas où l'accord ne serait pas signé, certaines forces régionales pourraient également semer le trouble sur le plan de la sécurité à différents niveaux et sur plusieurs fronts. C'est d'ailleurs ce que craint un autre ministre au sein du cabinet Salam. Cependant, un diplomate souligne que le Liban dispose toujours d'un parapluie de sécurité international, et qu'il est interdit d'attenter à sa sécurité et sa stabilité. Et pour cause : une atteinte à la sécurité libanaise pourrait avoir des répercussions graves et plonger le pays dans des aventures dangereuses. Une source de sécurité met en exergue, dans ce cadre, la coordination qui prévaut sur le plan de la sécurité entre le Liban et la communauté internationale pour traverser cette étape de l'après-24 mars sans trop de soucis. Un diplomate occidental a d'ailleurs assuré à l'un de ses confrères libanais que l'Iran signerait l'accord sur le nucléaire le 24 et qu'il n'y aurait donc aucun report de cette échéance.
Les efforts de l'Occident et de la communauté internationale sont donc focalisés, actuellement, sur la nécessité de préserver la stabilité sur la scène libanaise, empêcher que le pays du Cèdre ne subisse ou ressente la moindre secousse et barrer la route à tous ceux qui tentent d'exploiter le territoire libanais pour adresser des messages relatifs au dossier nucléaire. Selon des sources politiques, des conseils de l'extérieur ont été donnés à des parties régionales concernant la nécessité d'éloigner le Liban des conflits politiques et neutraliser la scène libanaise pour la maintenir à l'écart de la confrontation en cours à l'échelle régionale. Des responsables occidentaux saluent, dans ce cadre, le climat de dialogue sunnito-chiite et intermaronite qui contribue à consolider la stabilité et la sécurité, et à immuniser la scène locale face à la spirale de violence qui ravage les pays voisins.
Selon un ancien ministre citant un responsable, la scène libanaise est actuellement placée en salle de réanimation et sous observation par la communauté internationale. C'est pourquoi il serait fort difficile pour toute partie extérieure d'en torpiller la stabilité, du moins tant que les parties internes sont toutes d'accord sur le fait de préserver la sécurité. Partant, les positions du ministre de l'Intérieur et d'autres ministres et diplomates s'inscrivent dans le cadre d'un attentisme prudent. Un responsable sécuritaire affirme, sur ces bases, que nul n'a intérêt – que ce soit des parties locales ou régionales – à provoquer une implosion sur la scène interne. Dans cette phase de transition et d'attentisme, la communauté internationale veille donc au grain, en attendant que la situation se clarifie dans la région.
Dans ce contexte, toute perspective d'élection présidentielle est remise aux calendes grecques. Un président de la République made in Lebanon est impossible à l'heure actuelle, d'autant que les parties chrétiennes n'ont pas réussi à s'entendre sur un candidat de consensus. Un deus ex machina de l'étranger est devenu nécessaire, et la « libanisation » de l'échéance a fait long feu. Ce n'est qu'en avril-mai que la redynamisation de cette échéance sera possible, selon des sources politiques bien informées.
En attendant, le Liban ne doit pas sombrer ou éclater.
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commentaires (7)
Le Liban ne doit pas sombrer ou éclater une obssession qui hante libanais et étrangers .Triste .
Sabbagha Antoine
17 h 20, le 12 mars 2015