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Liban - Tribunal

Quand un acte d’accusation rend justice aux femmes...

Qui peut encore prétendre que les magistrats ne peuvent pas rendre justice aux femmes ? Le premier juge d'instruction militaire Riad Abou Ghida a publié un acte d'accusation qui peut servir de référence en matière de jurisprudence. Il a déféré un militaire, violeur à ses heures perdues, devant le tribunal militaire en application de l'article 503 qui prévoit une peine de 5 ans d'emprisonnement. Une première au Liban ! Toute volonté de faire coïncider la publication de l'acte d'accusation du juge Abou Ghida avec la Journée internationale de la femme est fortuite. Mais parfois, le hasard fait bien les choses et l'acte d'accusation du magistrat non seulement rend justice aux victimes du violeur intermittent, mais montre aussi que quelque chose est en train de changer dans les mentalités au pays du Cèdre.

Âgé de 25 ans, Abdallah Ch., originaire de Nabatiyé, est amateur de chasse. Mais visiblement, il préfère avoir pour victimes des femmes bien plus que des oiseaux. Son fusil, c'est sa voiture Renault Rapid de couleur blanche. En dehors de ses heures de service à l'armée, Abdallah monte donc à bord de sa voiture et fait le tour de Nabatiyé et des villages voisins à la recherche de femmes seules attendant un moyen de transport pour se rendre à l'université, au travail, ou tout simplement pour faire leurs courses.

Au fil des jours, il a appris à repérer les victimes potentielles, celles qui sont pressées, angoissées ou fragiles. Bien que n'ayant pas une plaque d'immatriculation rouge, il prétend faire le taxi-service pour arrondir ses fins de mois, comme cela arrive fréquemment au Liban, notamment dans les régions éloignées de la capitale. Avec beaucoup de politesse, Abdallah invite ses passagères à s'asseoir auprès de lui et il entame la conversation en multipliant les compliments sur leur beauté, leur charme, etc. S'il les sent réceptives, il va plus loin, osant des attouchements. Mais si elles ne répondent pas à ses compliments et font mine de vouloir descendre de la voiture, il devient rapidement agressif, bloque les portes et se dirige rapidement vers les champs déserts qu'il a eu le temps de découvrir dans ses opérations « de reconnaissance du terrain ».

 

(Lire aussi : Une fille sur 10 victime de violences sexuelles dans le monde)

 

Sa première victime s'appelle Aminé S., une Syrienne qui travaille dans un atelier de couture à Habbouche. Le 10 janvier 2015, Aminé avait donc fini son travail et attendait un taxi-service avec son amie Najah à Habbouche. Le prédateur Abdallah s'approche d'elles et leur propose de les conduire à Nabatiyé. Comme Aminé lui plaît, il lui demande de s'asseoir à ses côtés et son amie monte à l'arrière de la voiture. Dès qu'il atteint une portion de route déserte, comme il y en a tant dans la région, Abdallah s'arrête soudain et demande à Najah de descendre puis il bloque les portes et démarre rapidement, emmenant Aminé dans les bois.

Selon le témoignage de la victime, il la viole à plusieurs reprises avant de la laisser choquée et souffrante au rond-point de Kfarremmane. Mais la jeune femme ne veut pas se laisser abattre et, avec courage, elle se relève et se dirige vers le commissariat de Nabatiyé où elle porte plainte contre son violeur. En voyant son état, les gendarmes la prennent au sérieux et entament les recherches. Abdallah est rapidement repéré et conduit au commissariat, où il est confronté à sa victime qui l'identifie immédiatement et s'écrie : « Je le reconnaîtrai même dans dix ans, je ne peux pas oublier ce qu'il m'a fait... »

 

Ce que disent tous les violeurs
La seconde victime de Abdallah s'appelle Doumou'e et travaille comme secrétaire dans le cabinet d'un médecin à Nabatiyé. Le 9 février 2015, Doumou'e attend sur le bas-côté de la route dans un quartier de la localité un taxi-service qui l'emmènerait à son lieu de travail. Une voiture de couleur marron s'arrête devant elle et le chauffeur lui dit qu'il est prêt à l'emmener. Entre-temps, Abdallah a peaufiné son plan. Après quelques mètres, il déclare à sa passagère que la voiture est en panne et qu'il va l'emmener dans sa voiture personnelle, la fameuse Renault Rapid blanche. La jeune fille s'exécute et Abdallah se dirige aussitôt vers un endroit désert. Après avoir bloqué les portières, il s'empresse d'agresser sa victime. Mais celle-ci se défend. Il lui déchire ses vêtements et son voile. Elle fait semblant de céder et le supplie d'ouvrir la porte pour qu'elle puisse respirer. À peine celle-ci ouverte, elle s'enfuit et arrive chez son employeur, les vêtements en lambeaux. Celui-ci l'emmène chez un médecin légiste qui constate les coups et blessures, et tentatives de violence...

 

(Lire aussi : « Bil qanoun », ou la démarche légale pour se protéger de la violence domestique)

 

Interrogé par les enquêteurs, Abdallah reconnaît avoir emmené Aminé, mais affirme qu'elle était consentante. Ce que disent d'ailleurs tous les violeurs. Si c'était le cas, pourquoi aurait-elle porté plainte? Finalement, le juge Abou Ghida retient la culpabilité de Abdallah, d'abord à cause des faits, ensuite en se basant sur les rapports médicaux et les résultats des confrontations. Il décide donc de déférer le prévenu devant le tribunal militaire sur la base de l'article 503 du code pénal, qui qualifie l'infraction de crime passible de 5 ans de prison.

Dans les attendus de son acte d'accusation, le juge estime que les agressions contre les femmes se multiplient et qu'il est temps de prononcer un jugement qui puisse servir de leçon. Le juge précise que les instances internationales s'intéressent de près aux violences faites aux femmes et raconte avoir lui-même participé à un congrès international sur cette question qui s'est tenu en Espagne. Des résolutions avaient été adoptées dans le cadre de ce congrès. Elles poussent les législateurs à adopter des lois qui protègent mieux les femmes et les victimes du terrorisme, et demandent aux magistrats d'être plus fermes dans le châtiment des coupables.

Par cet acte d'accusation, le juge Riad Abou Ghida a donc placé le Liban au niveau des pays occidentaux dans la lutte contre la violence faite aux femmes. Il a donné le ton et tracé le chemin pour encourager les victimes de violence à porter plainte en leur montrant que justice peut être faite...

 

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Qui peut encore prétendre que les magistrats ne peuvent pas rendre justice aux femmes ? Le premier juge d'instruction militaire Riad Abou Ghida a publié un acte d'accusation qui peut servir de référence en matière de jurisprudence. Il a déféré un militaire, violeur à ses heures perdues, devant le tribunal militaire en application de l'article 503 qui prévoit une peine de 5 ans...

commentaires (3)

LA PEINE JUSTE POUR LE VIOLEUR SERAIT... TRÈS CHÈRE MADAME SCARLETT HADDAD... DE LE CONFIER À QUELQUE NUBIEN DE GRANDE STATURE CORPORELLE... ET AUTRE... OEIL POUR OEIL... DENT POUR DENT... VOILÀ UN BON VERDICT !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 55, le 12 mars 2015

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Commentaires (3)

  • LA PEINE JUSTE POUR LE VIOLEUR SERAIT... TRÈS CHÈRE MADAME SCARLETT HADDAD... DE LE CONFIER À QUELQUE NUBIEN DE GRANDE STATURE CORPORELLE... ET AUTRE... OEIL POUR OEIL... DENT POUR DENT... VOILÀ UN BON VERDICT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 55, le 12 mars 2015

  • Bravo et merci!

    NAUFAL SORAYA

    07 h 15, le 12 mars 2015

  • Comme par hasard, ça se passe au Sud-Liban, et en cette Nabbattïyéh précisément !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    02 h 03, le 12 mars 2015

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