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Liban - Les archives racontent...

La caravane vertueuse passe, la corruption reste et prospère

Dans « L'Orient-Le Jour » du 5 mars 1997

C'était à prévoir, et beaucoup l'avaient du reste prédit : le tohu-bohu de la vertueuse campagne anticorruption que M. Nabih Berry a lancée par un soir de fièvre s'est éteint doucement, après l'intervention sédative des décideurs. Il n'en reste concrètement rien.
Et c'est par pur idéalisme donquichottesque, sans se faire d'illusions, que certains s'obstinent – alors que les « voix chères se sont tues » – à réclamer un nettoyage des écuries d'Augias : assorti de l'application de cet autre mythe, la loi sur l'enrichissement illicite, ici baptisée « d'où-tiens-tu-cela ». Le projet, déjà sursaturé d'étude, a été replacé dans un des innombrables compartiments d'hibernation que compte la Chambre des députés, et qui sont généralement étiquetés « commission parlementaire »...
Quand on leur rappelle qu'il y a un mois à peine, quand ils voulaient rompre des lances avec l'exécutif, ils promettaient d'adopter un texte coercitif dans les meilleurs délais, les parlementaires, agacés, répondent : « Certes certes, mais nous avons actuellement d'autres chats à fouetter en priorité. » Et de citer le code en gestation des municipalités, le projet de décentralisation administrative, les élections municipales et de « moukhtars » prévues pour juin prochain, et même la refonte de la loi électorale pour les législatives de l'an 2000...
Et certains ont même le front d'ajouter que « la législation anticorruption, qui date sur le papier de l'an 1954 et n'a jamais été appliquée, peut bien attendre encore quelque temps avant d'être perfectionnée et concrétisée. Autant dire qu'on compte fermement la renvoyer encore une fois aux calendes grecques. Ce qui, dans un pays où compromis et compromission se confondent, peut en effet paraître sinon naturel ou normal, du moins dans l'ordre des choses.
(...) On ne réclame jamais des comptes, et ceux que la tentative d'épuration avortée de 93 a sortis par la porte sont rentrés par la fenêtre. Il est dès lors possible que la Haute Cour créée pour juger présidents et ministres reste à jamais sans emploi, d'autant qu'il n'existe toujours pas de code précis pour qu'elle fonctionne.
(...) Toujours est-il que se renvoyant la balle comme s'ils se moquaient du monde, politiciens et administratifs affirment à tour de rôle que l'assainissement doit commencer chez l'autre. Les premiers soutiennent que la réforme administrative passe avant tout et les deuxièmes que rien ne peut être fait si on n'épure pas d'abord les mœurs politiciennes, pour mettre fin au clientélisme, à l'emprise des politicards sur l'administration... Ainsi le débat se fourvoie dans de faux problèmes de priorité, sans doute à dessein, et on se demande finalement à quoi sert le ministère de la Réforme administrative que l'on a créé, si ce n'est à aggraver les dépenses improductives et le déficit de l'État...

E. K.

C'était à prévoir, et beaucoup l'avaient du reste prédit : le tohu-bohu de la vertueuse campagne anticorruption que M. Nabih Berry a lancée par un soir de fièvre s'est éteint doucement, après l'intervention sédative des décideurs. Il n'en reste concrètement rien.Et c'est par pur idéalisme donquichottesque, sans se faire d'illusions, que certains s'obstinent – alors que les « voix...

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