« Les hommes ne se rendent pas compte dans le monde arabe de ce que la société perd lorsque les femmes ne leur sont pas égales en droits » ! lance l'ancienne diplomate et ministre égyptienne qui reçoit L'Orient-Le Jour en marge de la conférence annuelle des « Femmes sur les lignes de front », organisée par la Fondation May Chidiac. Moushira Khattab sait de quoi elle parle. Étudiante brillante à l'Université du Caire et à l'Université de Caroline du Nord, aux États-Unis, elle s'est élevée par son travail et sa persévérance jusqu'aux plus hautes fonctions de la diplomatie égyptienne. Elle a même été ministre de la Famille jusqu'à la chute de Hosni Moubarak.
À la nombreuse assemblée – majoritairement féminine – venue écouter à l'hôtel Phoenicia de Beyrouth les intervenantes sur les sujets des « femmes et de la politique », celle qui est aussi une activiste des droits de la femme et de l'enfant parle de l'importance de l'éducation pour l'émancipation. « J'ai découvert quelle était réellement la condition de la femme en Égypte lorsque j'ai accédé à mes responsabilités de ministre de la Famille et de la Population », confie-t-elle dans le petit salon attenant à la salle de conférences. « J'étais une fille dans une famille où l'on ne faisait pas de différence entre les enfants : mon père nous disait qu'en tant que femme, je devrais être reconnue pour ce que je faisais et non pour ce que j'étais », raconte-t-elle avec un sourire.
« Plus il y a de femmes... »
Avec ses trois sœurs et ses deux frères, elle a été élevée « sans discrimination » et reconnaît que cela a été crucial dans son parcours. « La façon dont vous élevez les petites filles a une énorme influence sur leur vision d'elles-mêmes et la manière dont elles éduquent leurs enfants à leur tour », soutient Mme Khattab. Et de poursuivre : « Si vous ne leur donnez que des poupées, ne leur enseignez que la cuisine et n'exigez d'elles que de se faire belles, vous leur faites internaliser l'inégalité et celle-ci se perpétue. » De même, selon l'ancienne ministre, il faut enseigner aux femmes qu'elles peuvent réussir, les faire grandir avec la conviction qu'elles sont égales aux hommes : « Si les femmes doutent de leurs capacités, elles transmettront à leurs fils cette mésestime de soi et ceux-ci grandiront avec la certitude que les femmes leur sont inférieures. »
« Rêvez grand, ne soyez pas timides, croyez en vous et travaillez dur. » C'est le conseil que donne Moushira Khattab à celles qui veulent briser les stéréotypes d'un monde arabe qui a « un problème avec les femmes ». Elle accuse la culture et la mauvaise interprétation de la religion qui en découle d'empêcher l'égalité entre les deux sexes. « L'extrémisme est un phénomène nouveau, un attentat contre l'identité de l'Égypte ! Historiquement, la femme égyptienne était libre : nous avons eu des reines, des femmes ont été à la tête de l'armée, et notre pays était puissant à cette époque », relève-t-elle avec enthousiasme. Les femmes sont la solution à la sclérose actuelle du monde arabe, pour l'ex-diplomate qui a bien connu Nelson Mandela. « Plus il y a de femmes dans les processus de décision et moins il y a de guerres, et les pays les plus développés sont ceux qui laissent le plus les femmes exprimer leurs potentialités », dit-elle.
Mais Mme Khattab, qui a l'habitude de faire part de son expertise en matière de lutte contre les discriminations à l'égard des femmes, avertit : « Les femmes ne doivent pas entrer en guerre contre les hommes, il faut lutter ensemble contre l'ignorance et l'obscurantisme. Les victoires que les femmes remportent pour leurs droits sont des victoires du bien commun, elles n'enlèvent rien aux hommes. »
commentaires (0)
Commenter