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Liban - Environnement

Le développement durable aura bientôt sa stratégie : la mise en application suivra-t-elle ?

Le ministère de l'Environnement a lancé hier au Grand Sérail le débat sur la stratégie nationale pour le développement durable, une conférence de presse suivie d'une première discussion avec les représentants de la société civile.

Le Premier ministre s’adressant à un parterre de personnalités, dont de nombreux ministres, notamment le ministre Machnouk qui a présenté la feuille de route. Photo Ibrahim Tawil

Le développement durable, une notion complexe qui implique un effort collectif de tous les secteurs, de toutes les administrations et de toutes les forces vives de la société. Pour le définir, le ministre de l'Environnement Mohammad Machnouk a eu recours à la formule suivante : le développement durable est celui qui assure les besoins des générations actuelles sans compromettre les besoins des générations futures (en d'autres termes qui évite la surexploitation des ressources naturelles limitées, comme l'eau par exemple). Un concept qui allie environnement, justice sociale, économie et bonne gouvernance, et qui nécessite la participation et le suivi de tout un chacun, a-t-il insisté.


Pour lancer le débat sur le développement durable, le ministère de l'Environnement a préparé un document qu'il a appelé « feuille de route », découlant lui-même d'un rapport qui établissait un état des lieux et définissait une vision globale, et qui avait été présenté à l'ancien président de la République Michel Sleiman à Baabda en 2012. Le débat souhaité devrait déboucher sur une stratégie dans six mois.
Cette feuille de route rendue publique hier définit les idées qui sous-tendent la stratégie, celles « du soutien à la réforme économique, sociale et administrative, du repositionnement des priorités nationales et de la consécration du concept de durabilité, qui devra désormais gouverner le choix et l'exécution des grands projets nationaux ». Pour être une réussite, une telle stratégie devra renforcer ce que le document appelle « le capital humain » par un appui à l'éducation – scolaire, universitaire et technique – à la recherche scientifique, au sport, à l'emploi... Elle devra aussi assurer une plus grande cohésion sociale par une inclusion des catégories aujourd'hui marginalisées, la dynamisation du rôle de la femme, l'amélioration de la couverture de santé, la gestion du problème des réfugiés, le traitement des questions en relation avec la citoyenneté et le statut civil, le développement rural. Cette stratégie devra sans nul doute jouer un rôle dans les préoccupations de la vie quotidienne : eau, électricité, hygiène alimentaire, télécommunications, environnement urbain, gestion des déchets et prévention des catastrophes.


La « durabilité » est une caractéristique qui doit s'appliquer au développement économique, allant même jusqu'à « remettre en question le modèle économique, notamment par l'inclusion des concepts d'économie verte, ainsi que de consommation et de production durables », lit-on dans le texte. La gestion de la dette publique, l'amélioration de l'environnement au travail, le partenariat entre les secteurs public et privé, la modernisation des secteurs de production (industrie, agriculture...) figurent tous parmi les priorités retenues.
Sur un autre plan, le développement durable ne peut se réaliser sans la préservation du patrimoine naturel et humain : protection de la mer, réhabilitation des sites défigurés, protection des vestiges archéologiques...
La feuille de route évoque également « la bonne gouvernance », un concept ajouté récemment au développement durable par les Nations unies. C'est par elle, en effet, que peuvent être réalisés ces objectifs si divers et couvrant des domaines si vastes. Pour le Liban, le document retient les points suivants : adoption d'une loi électorale moderne et de textes sur la décentralisation administrative, modernisation des lois, réforme administrative, renforcement de la justice et de la reddition de comptes, approche participative et transparence.


Un point sur lequel le ministre Machnouk a insisté est celui du « repositionnement du Liban en tant que moteur du développement durable, malgré les difficultés qu'il traverse ». Il a d'ailleurs parlé de cette initiative comme d'une grande réalisation qui impliquera les différents ministères et l'intégralité de la société civile, le ministère de l'Environnement jouant le rôle de coordination.
Cet enthousiasme a été quelque peu tempéré par le Premier ministre Tammam Salam, parrain de l'événement. Celui-ci a estimé qu'une telle stratégie est « un défi, même si l'ambition qu'elle suppose est justifiée ». « Le caractère global d'une telle initiative nécessite beaucoup d'efforts et de patience, parce qu'il sera de nature à englober tous les projets de développement au Liban, a-t-il poursuivi. Or, nous ne sommes pas habitués à envisager les questions sous un angle global, la coordination et la complémentarité entre les différents secteurs, entre les ministères, n'est pas exercée de manière suffisante. » Se référant à un article d'analyse de notre confrère Habib Maalouf, il a insisté sur l'importance d'assurer les moyens pour la mise en application de concepts par ailleurs louables.

 

(Lire aussi : De petits barrages de retenue, une proposition explorée par un groupe libano-allemand)

 

« Et la destruction écologique en cours ? »
Comme l'ont expliqué les deux expertes environnementales qui ont participé au débat hier, Lamia Mansour et Manal Moussallem, la feuille de route sera soumise aux remarques jusqu'au 15 mars. Après cette date, des groupes de travail seront formés, représentant les différentes administrations et organisations concernées, pour la rédaction du texte final qui devrait être adopté en août.
C'est par un premier débat avec la société civile hier, à la suite de la conférence de presse, qu'a donc débuté cette série de réunions. De nombreuses remarques sur la nécessité de s'assurer d'une mise en application de cette future stratégie ont été émises. Plus d'une personne ont recommandé de ne pas garder ces objectifs aussi flous, et de les relier à des indicateurs chiffrés, qui permettront de vérifier les améliorations et obtenir des résultats tangibles.


Parmi les interventions d'écologistes, celle de Paul Abi Rached, président du Mouvement écologique libanais (LEM), a relevé « la destruction des sites naturels qui se poursuit, dans le cadre de projets peu étudiés et dans une ambiance de chaos ». Pourquoi ne pas geler les projets controversés quelques mois, le temps de mettre au point cette stratégie qui imposera les concepts de durabilité à tous les projets entrepris ? s'est-il demandé. Ce à quoi le ministre Machnouk a répondu qu'il était quasi impossible de geler des projets durant plusieurs mois, appelant les ONG à la patience jusqu'à ce que la stratégie voie le jour.
Parmi les autres propositions, Malek Ghandour, secrétaire général de l'association « Amwaj el-Bi'a », a proposé de confier tout le dossier du développement durable au haut conseil de l'environnement. Pierre Abi Chahine, président du conseil de protection de l'environnement à Chekka, a appelé à mieux assurer le développement équilibré dans les régions. Plusieurs intervenants se sont prononcés en faveur d'une dynamisation du rôle des municipalités et d'une décision politique forte qui soutienne la stratégie. Zeinab Moukalled, à la tête d'une association de femmes à Arabsalim, s'est dit inquiète des divisions profondes entre Libanais. Pour elle, ces divisions seraient un obstacle à la mise en application de toute stratégie. L'avenir lui donnera-t-il raison ?

 

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