Cela faisait plusieurs années que j'étais à deux doigts de me transformer en bombe humaine, à ceindre ma taille hyperKM (KM comme Kate Moss) d'une ceinture d'explosifs préalablement customisée par ma petite Nadège Vanhée-Cybulski, la directrice arty d'Hermès, et me faire sauter, littéralement, sur la scène du Dolby Theater de Los Angeles, en pleine cérémonie des oscars et en direct. Parce que trop, c'est trop. J'ai horreur que l'on se foute de moi. Qu'une bande de séniles cacochymes, qui ont certes l'âge d'être mes fils, ou ces nouveaux membres/riches de l'Académie que la jalousie et l'envie étouffent, ne sachent pas juger, jauger et récompenser le génie. Je les conchie. Dimanche 22 février dernier, j'étais dans la salle, comme chaque année donc, ma place au troisième rang, au milieu, réservée à vie, comme pour Elizabeth Taylor et Gabrielle Chanel. Mon nouveau styliste personnel, le délicieux Mak B., avait rangé ma valise depuis Beyrouth : une robe infinie Christopher Kane de la collection automne/hiver 2015-2016, en soie sauvage noire et fuchsia, imprimée Bambi sur l'épaule, des Manolo Blahnik noires one strap de 18 centimètres et un gigantesque sac Edie Parker silver glitter dans lequel j'avais déposé une photo, un flacon Baccarat rempli d'arsenic et 111 mignonettes de Veuve Clicquot autoréfrigérées. La cérémonie, un peu lassante, tirait à sa fin. Temps était venu d'annoncer le vainqueur dans la catégorie meilleur acteur. J'avais vu trois ou quatre minutes de tous les films relatifs aux nommés : Michael Keaton était grotesque, Eddie Redmayne pathétique, Benedict Cumberbatch simiesque, Steve Carell überfade et Bradley Cooper plouc. Une vague starlette, une certaine Cate Blanchett, avait été engagée pour remettre l'oscar à un de ces cinq hommes. Juste avant qu'elle n'ouvre l'enveloppe, et une fois 109 mignonettes enfilées dans mon gosier, j'ai bondi de mon siège comme une furie émergeant du Styx. J'ai hurlé à l'adresse de la bimbo Cate (en anglais, bien sûr) : Je vous demande de vous arrêter. Les deux premiers rangs se sont retournés comme un seul homme, la salle était tétanisée, le silence était assourdissant, jusqu'à ce que plusieurs personnes enchaînent : My dear Margot, the planet is watching, what is it, what is your problem? My problem ? Sérieusement ? My problem ? J'ai beuglé, comme une belette neurasthénique et psychopathe (en anglais, bien sûr) : My problem ? C'est vous. Vous êtes l'Ebola du cinéma mondial, vous représentez l'hyperdégénérescence de l'art, vous êtes l'absolue inutilité. Que vous ne lui ayez pas donné l'oscar quand il a joué Jim Carroll, Arthur Rimbaud, Jack Dawson ou le roi Louis XIV, je veux bien : vous vouliez être sûrs avant que de comprendre qu'il est l'alpha et l'oméga. Que vous ayez refusé de voir la vastitude de son talent quand il a littéralement incarné Frank Abagnale, Jr, Amsterdam Vallon, Howard Hugues, Danny Archer ou l'immense Frank Wheeler, je veux bien : vous deviez être drogués jusqu'à la moelle lorsque vous avez voté. Qu'il n'ait toujours pas eu l'oscar quand il a été Dom Cobb, J. Edgar Hoover, Jay Gatsby, l'affolant Jordan Belfort ou le somptueux Teddy Daniels dans Shutter Islands, je veux bien : ce n'est pas de votre faute si vous avez un QI sous-marin. Mais que vous ne lui ayez pas décerné un oscar d'honneur cette année, ça, non. Levez-vous ! Levez-vous toutes et tous, glapissais-je en me dirigeant sur scène. J'étais stupéfaite : ils étaient en train de se lever un par un, penauds, contrits, regardant leurs chaussures. Et maintenant, applaudissez. Pendant dix minutes. Je chronomètre. Et hurlez son nom. Allez. Leo. Leo. Leo. Leo. Je jubilais. Je tenais ma revanche. Non seulement j'étais scrutée par des millions de téléspectateurs, mais mon Dicaprio à moi allait sûrement quitter cette bonniche de Rihanna. Et m'épouser. Miam-miam.
commentaires (6)
Je t'adore ma Margot à MOI! Géniale ta trouvaille... 111 mignonettes de Veuve Clicquot autoréfrigérées!!!!! :) A ta santé ma belle!
Abdallah Shirine
11 h 56, le 04 mars 2015