Que la fête continue pour toi là-haut !

Très cher Président, je t'ai connu au début des années 80, quand tu avais réussi à faire de Faqra Club un havre de bonheur pour tous les gens qui y avaient accès. Tu en as été le président fondateur, c'était ton bébé et tu veillais à tous les détails : les pistes, les chalets, l'Auberge et la fameuse boîte de nuit. Tu avais réussi à inclure l'Auberge de Faqra dans le guide Relais et Châteaux, et instauré le désormais célèbre feu d'artifice de la fête de la Vierge qui, depuis, a fait des émules.
Tu tenais à recevoir personnellement toutes les personnes qui fréquentaient le club et la boîte de nuit. On organisait ensemble les soirées à thèmes : soirée en blanc, soirée perverse, etc. On sabrait le champagne avec nos skis en haut des pistes avec Nicolas et les copains. Mais la soirée qui avait marqué le Tout-Beyrouth de l'époque a été celle de l'anniversaire de tes 50 ans : quand, en 1982, tu avais réussi à rouvrir pour un soir Les Caves du Roy en ramenant d'Italie tous les gens qui y travaillaient avant la guerre, de Joe Diverio à Aldo le barman et tous les autres. Tu avais invité tous tes copains qui veillaient aux Caves avant le début de la guerre. Même ceux que tu n'avais pas conviés faute de place étaient venus en te disant : « Raymond, tu as surement oublié de nous inviter, mais nous ne t'en voulons pas, nous sommes là !... »
Tu as continué à avoir ce sens aigu du perfectionnisme et de l'esthétique, jusqu'à la fin : miné par la maladie, tu refusais de rester avec une dent en moins, tu as tenu à la remplacer par un implant.
Et puis, ce jour où tu avais assisté à des funérailles à Achrafieh et où, le mauvais temps aidant, deux corbillards différents s'étaient entremêlés, tu t'étais retrouvé avec d'autres suivant le mauvais convoi, ce qui t'a fait dire : « Je voudrais organiser mes funérailles en envoyant des invitations à l'avance à mes amis avec la mention : si jamais vous me survivez !... »
Cher Président, on gardera de toi ton légendaire sourire et ton élégance du geste et du verbe. Que la fête continue pour toi là-haut !