Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole - Bahjat RIZK

Entre l’esprit du 14 mars 2005 et l’esprit du 11 janvier 2015

La France et le Liban se retrouvent aujourd'hui dans des situations parallèles, légèrement similaires et inversées. D'un côté, une nation qui redécouvre, cinquante ans après la décolonisation, les communautés culturelles religieuses et, de l'autre, des communautés qui ne parviennent toujours pas, cent ans après leur réunion, à former une vraie nation.
Certains même ont pu comparer, de manière pertinente, la révolution du 14 mars 2005 au soulèvement du 11 janvier 2015. Les deux manifestations, spontanées et nationales, ont succédé à des événements sanglants traumatiques. D'un côté, le mouvement populaire au Liban du 14 mars 2005 a résulté de l'assassinat du Premier ministre Rafic Hariri et de 22 autres victimes (un mois plus tôt, le 14 février 2005), de l'autre, la mobilisation populaire en France du 11 janvier 2015 est intervenue après l'assassinat des journalistes de Charlie Hebdo et de l'hypermarché cachère (quatre jours plus tôt, les 7 et 8 janvier 2015). Dans les deux cas, ce fut un sursaut contre la peur, une réaction émotionnelle qui paraissait unanime mais qui au fond masquait une division culturelle communautaire. L'esprit du 14 mars 2005 et celui du 11 janvier 2015 ont voulu incarner des retrouvailles à l'échelle nationale mais n'ont fait qu'unir ponctuellement des populations menacées par un ennemi masqué,
apparaissant comme venant de l'extérieur mais qui hélas s'était déjà infiltré et enraciné dans l'espace intérieur. L'ennemi ici est bien entendu celui qui est, culturellement et par extension idéologiquement, différent. Comment alors échapper à la guerre civile, qu'elle soit latente ou déclarée ?
Après quarante ans de guerre civile interne et régionale (depuis 1975), le Liban revendique une certaine sagesse mais ne trouve toujours pas de solution définitive politique à son pluralisme culturel religieux. La France oscille depuis plus de vingt ans, vis-à-vis de ce modèle libanais pluriel, entre fascination et rejet. Le pays-message et la libanisation sont les deux faces d'une même médaille. Dans l'une, nous exaltons une expérience utopique, humaniste et quasi mystique; dans l'autre, nous constatons la cacophonie et notre impuissance face à l'éparpillement des forces, voire le démembrement. La composante pluricommunautaire au Liban est un bienfait culturel et un désastre politique qui peut aller jusqu'à la paralysie fréquente des institutions (même quand il s'agit d'une division également culturelle au sein d'une même communauté). Nous ne pouvons toutefois pas changer de communauté car elle est au cœur de notre structuration identitaire collective, incarnée et consacrée par notre système politique. Pour cela, il faudrait revoir la priorité de nos paramètres identitaires et voir s'ils sont modifiables ou momentanément négociables. Appartenir à une communauté est une grande chance, mais c'est également une contrainte incontournable car c'est déjà renoncer et se restreindre dans l'universalité du monde pour se construire et se préserver.
Avec l'émergence tardive d'une nouvelle religion, issue d'un système patriarcal toujours en cours, la France découvre le phénomène communautaire, renforcé par la mondialisation, sans avoir de solution vérifiée pour le gérer. Faut-il reconnaître le phénomène religieux ou le nier? Le système patriarcal est-il compatible avec la démocratie? Le pluralisme culturel, qui est un fait sociologique avant d'être un choix politique, menace-t-il (et à partir de quel moment) l'identité nationale? Quel est le seuil de tolérance à ne pas franchir pour maintenir une cohésion au sein d'une société?
Encore une fois, faut-il le répéter, la question identitaire est une question d'anthropologie politique et non une question simplement théologique ou uniquement idéologique. Une société se structure autour de paramètres objectifs identifiés, qui agissent comme des vases communicants, et cela depuis le père de l'histoire et du premier choc des civilisations, cinq siècles avant Jésus-Christ et plus de onze siècles avant l'islam (Paramètres d'Hérodote : race, langue, religion et mœurs). Toute société, inéluctablement,
présente un certain pourcentage d'homogénéité et, par déduction, un autre pourcentage d'hétérogénéité culturelle. La première sert à consolider une société et la seconde à la faire évoluer. Une société trop homogène devient statique et trop hétérogène, risque l'éclatement. En admettant que la problématique identitaire soit un processus de construction et en relativisant les paramètres identitaires pour empêcher leur idéologisation, nous ouvrons la voie de la négociation au sein de cette grille paramétrique qui nous a été transmise depuis vingt-cinq siècles et qui demeure plus que jamais vérifiable au quotidien et d'actualité.
Depuis que nous sommes rentrés dans l'histoire, lors de la première construction étatique, 3000 ans avant Jésus-Christ, avec l'empire égyptien (unifié par Narmer, fondateur de la première des 31 dynasties successives), les paramètres identitaires d'anthropologie politique, formulés par Hérodote 25 siècles plus tard, lors de la confrontation des Grecs et des Perses, n'ont pas changé. Si nous les appréhendons globalement, nous pourrons peut-être, si nous le désirons, les reconnaître, les ajuster et compenser. Si nous les appréhendons séparément, nous continuerons à vouloir nous éliminer les uns les autres, férocement et stérilement, jusqu'à la fin des temps et de nous-mêmes.

Bahjat RIZK

La France et le Liban se retrouvent aujourd'hui dans des situations parallèles, légèrement similaires et inversées. D'un côté, une nation qui redécouvre, cinquante ans après la décolonisation, les communautés culturelles religieuses et, de l'autre, des communautés qui ne parviennent toujours pas, cent ans après leur réunion, à former une vraie nation.Certains même ont pu comparer,...

commentaires (3)

Pourquoi comparer en mars 2015 ..? la France décadente de Normal 1er ... et sa nomenklatura entièrement socialiste ...? au Liban perpétuel résistant dans le temps et l'espace depuis les phéniciens ....? que vient faire cette notion de comparer ce qui n'est pas comparable ..? car entre 14 mars 2005 et 11 janvier 2015 en France ...je ne vois pas bien le rapport....bon, pour ce qui est du repère de 3000 ans avant JC ....votre datation est intéressante d'un point de vue de mesure du temps et de l'histoire des religions (véhicules incontournables de l'histoire du moins pour celles qui ont survécu au temps)... !

M.V.

14 h 46, le 03 mars 2015

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Pourquoi comparer en mars 2015 ..? la France décadente de Normal 1er ... et sa nomenklatura entièrement socialiste ...? au Liban perpétuel résistant dans le temps et l'espace depuis les phéniciens ....? que vient faire cette notion de comparer ce qui n'est pas comparable ..? car entre 14 mars 2005 et 11 janvier 2015 en France ...je ne vois pas bien le rapport....bon, pour ce qui est du repère de 3000 ans avant JC ....votre datation est intéressante d'un point de vue de mesure du temps et de l'histoire des religions (véhicules incontournables de l'histoire du moins pour celles qui ont survécu au temps)... !

    M.V.

    14 h 46, le 03 mars 2015

  • OU : DU DYNAMISME PÉTULANT EN 2005... À LA NULLITÉ ET À LA PROFONDE HÉBÉTUDE... DEPUIS !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 22, le 03 mars 2015

  • Article excellent et complet. Rien à ajouter. Bravo.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 08, le 03 mars 2015

Retour en haut