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Media-diplomatie

Pieds nickelés, gugusses et autres sobriquets pas très charitables : épinglés, roulés dans la farine par le gros des médias de l'Hexagone, sévèrement admonestés par le président Hollande et son Premier ministre, les quatre élus français partis jouer les saint Paul sur le chemin de Damas n'ont pas tout à fait raté leur coup, hélas.

Bien que de maladroite, de peu digne manière, ces parlementaires ont en effet propulsé sur la place publique ce débat, ou plus exactement ce dilemme qui crucifie littéralement le Liban, mais qui n'existait encore qu'à l'état latent dans les diverses démocraties occidentales : l'ennemi de mon ennemi est-il forcément mon allié objectif, à défaut d'être un ami ? Et la nature ayant proverbialement horreur du vide, la seule alternative au régime du boucher de Damas (Manuel Valls dixit) n'est-ce pas une Syrie livrée corps et biens au non moins barbare État islamique ?

D'avoir jeté un gros pavé dans la mare de Marianne ne grandit pas toutefois ce singulier quatuor de pélerins, pas plus d'ailleurs qu'il ne sert les intérêts bien compris de la France. La raison en est d'abord qu'ils ont beaucoup trop donné à Bachar el-Assad sans rien rapporter en échange dans leur escarcelle ; témoins en sont les cris de victoire de la presse officieuse de Damas qui, non contente d'applaudir à l'érosion de l'antagonisme occidental, attend maintenant des excuses des gouvernements égarés. Du sanguinaire dictateur qui fait jeter du haut des airs des barils d'explosifs sur sa propre population, l'équipée a (re)fait un personnage fréquentable, pour peu qu'on oublie qu'il sent le soufre. Cocasses à cet égard sont les pudeurs du sénateur Gérard Bapt, président du groupe d'amitié France-Syrie et vice-président du groupe France-Liban : croyant couper la poire en deux, il s'est soustrait à l'entrevue présidentielle, rééditant à sa manière le canular de la femme à moitié enceinte.

Le plus grave cependant est ce caractère personnel qu'accolent à leur initiative les quatre parlementaires : ce marché de dupes auquel ils se sont prêtés, ils n'étaient nullement habilités à s'y hasarder. Davantage encore que leurs augustes personnes, c'est la France que leur fugue engage à son corps défendant ; c'est sa position qu'ils sapent tout en s'attribuant les meilleures intentions du monde. Pour cette raison d'ailleurs, les ministres français et britannique des Affaires étrangères étaient amenés, hier même, à réaffirmer de concert, et avec force, la ligne anti-Assad de leurs gouvernements, même s'ils prévoient le maintien de certaines structures du régime dans l'éventualité d'un règlement politique en Syrie.

Les États n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts, professait Charles de Gaulle. Il est tout aussi vrai que c'est avec ses ennemis que l'on parle, plutôt qu'avec ses amis, et l'actualité contemporaine est fertile de ces spectaculaires brèches soudain ouvertes dans les murs d'hostilité dont s'entourent souvent les nations. Il reste que de telles percées, on les doit à de discrets intermédiaires, à des professionnels de la crypto-diplomatie, le plus souvent des haut gradés des services de renseignements. Ce travail de fourmi n'est jamais l'affaire d'amateurs, et encore moins d'amateurs avides de publicité.

De la publicité, ils en ont récolté. Mais guère du genre qu'ils attendaient.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Pieds nickelés, gugusses et autres sobriquets pas très charitables : épinglés, roulés dans la farine par le gros des médias de l'Hexagone, sévèrement admonestés par le président Hollande et son Premier ministre, les quatre élus français partis jouer les saint Paul sur le chemin de Damas n'ont pas tout à fait raté leur coup, hélas.
Bien que de maladroite, de peu digne manière,...