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Nos Lecteurs ont la Parole - Hala MOUBARAK

Inch’Allah !

J'étais révolutionnaire. Comme ça. À 18 ans. Je désirais défaire les idéologies. Les renouer. Autrement. Mieux. Merveilleusement. Je m'étais accrochée à mon pays, à mon Liban. À Beyrouth. Ses contradictions. Ses amalgames. Sa violence. Son grand corps malade. La mer et les montagnes, la nage et le ski. Un pays qui frôle la perfection. J'avais l'ultime conviction que le monde avait besoin de moi. Pour le sauver. De sa pauvreté. De ses guerres, de sa laideur. J'étais révolutionnaire, avec un béret, une keffieh autour du cou, Lénine en pendentif et une blonde entre mes doigts. Je croyais que porter un jeans « pas Levis » était un acte de patriotisme. Que sortir pour parler de la guerre de mon père était une forme de continuation. Et loin est le temps de mes 18 ans. Quand je ne cessais de croire... quand je croyais fermement.
J'essaie de rattraper mon souffle. Qui court et court. Entre deux rendez-vous. Trois choses à faire et un embouteillage qui bouffe les minutes de ma vie. Je mets la radio. J'essaie de me concentrer sur les nouvelles du jour tout en omettant la voix monotone du type apathique qui récite. Des jeunes qui meurent pour un gramme de haschisch. La viande avariée. Les poules ont des dents. Et surtout ne pas toucher au jambon. Des chrétiens tués. Le conflit syrien. Le Hezb qui s'en mêle. Au nom du Golan. Toujours pas de président de la République. On avait oublié cette histoire. Une chaise vide. Les politiques qui font rond rond macaron. Applaudissement du troupeau. On se suit. Les tempêtes de neige. La prochaine qui va s'appeler Bernadette. Pénurie de mazout. Et ceux qui meurent du froid. Comme au Moyen Âge. Et s'il pleut, trouver quelque chose à redire. Et s'il ne pleut pas, on se demande ce qu'on fera l'été sans eau. Adamo dans ma tête qui répète sa rengaine. Il fait froid. Et Dieu dans tout ca ? Dieu est de tous les conflits. On ne lui donne même pas le temps de respirer entre deux coups de fusil. On ne le laisse même pas souffler un peu de chaleur sur le cœur des enfants frigorifiés. On lui met un canon entre les bras. Et on lui demande de tuer. Entre deux frontières. Israël-Liban. Netanyahu qui découpe un peu de Gaza. Abou Bakr al-Baghdadi. Des soldats kidnappés. Des exécutions en « live ». Une tête qui roule sur le sol. Daech. Pardon ? Comment? T'as pas entendu comme un bruit ? Non ? Alors, on continue comme si de rien n'était ou alors on bouge. On fait quelque chose. Un mot. Trouver le bon hashtag qui vient avec. « Bring Back Our Girls ». Que sont-elles devenues, ces centaines d'écolières à l'hymen intact? Sont-elles revenues ? Ou sont-elles asservies, esclaves sexuelles ? Vendues au marché comme du bétail. Et toujours cette même voix inébranlable d'un présentateur apathique. À l'image de nous. De vous. De moi. De tous.
Je suis Charlie. Je suis Tripoli aussi. Je suis les soldats en otage. Je suis qui je suis. Je suis tout ce que voulez... Mais il fut un temps où j'étais révolutionnaire et je croyais fermement que ce pays était le plus beau de tous. Je choisissais des causes justes et vraies. Qui faisaient vibrer mes tripes. Qui me mettaient hors de moi. Loin des réseaux sociaux et des mass media. Et si j'ai à renouer quelque chose aujourd'hui, c'est justement le temps de mes 18 ans au quotidien de mes 30 ans. Et recommencer à croire. Fermement ! Inch'Allah... le souffle du jasmin !

Hala MOUBARAK

J'étais révolutionnaire. Comme ça. À 18 ans. Je désirais défaire les idéologies. Les renouer. Autrement. Mieux. Merveilleusement. Je m'étais accrochée à mon pays, à mon Liban. À Beyrouth. Ses contradictions. Ses amalgames. Sa violence. Son grand corps malade. La mer et les montagnes, la nage et le ski. Un pays qui frôle la perfection. J'avais l'ultime conviction que le monde avait...

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