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Liban - Conférence

Béchara el-Khoury, l’homme du pacte national

Aux Rencontres culturelles, le cycle des causeries sur les « Pères de l'indépendance » s'ouvre sur une rencontre-débat avec Roger Geahchan consacrée à l'ancien chef d'État.

Le portrait officiel du président Béchara el-Khoury.

En ouverture du cycle de conférences organisé par les Rencontres culturelles, dans le salon de la cathédrale Saints-Grégoire-et-Élie des arméniens-catholiques, place Debbas, à Beyrouth, Roger Geahchan, ancien rédacteur en chef adjoint de L'Orient-Le Jour, a brossé un tableau de la carrière de l'ancien président de la République Béchara el-Khoury. Il a distingué quatre moments décisifs dans le parcours de l'homme qui a présidé aux destinées de l'État de 1943 à 1952 : en premier lieu, l'élaboration du pacte national, fruit d'une entente avec l'autre artisan de l'indépendance nationale, Riad el-Solh ; ensuite, la bataille de l'amendement constitutionnel pour affranchir le pays du mandat imposé au Liban par la Conférence de Lausanne ; troisièmement, l'ouverture sur l'environnement arabe du Liban, mais dans le strict respect de la souveraineté intouchable du Liban. Enfin, la démission du chef de l'État le 18 septembre 1952 sous la pression des manifestations populaires et d'une opposition politique vigoureuse, et afin d'éviter une effusion de sang.

Citant Habib Lteif, neveu de Béchara el-Khoury, Geahchan a déclaré que l'ancien chef de l'État tenait à souligner que le pacte, loin d'être un accord de partage du pouvoir entre maronites et sunnites, était une sorte de modus vivendi, un mode de gouvernement offrant une assurance aux chrétiens en leur confiant la présidence de la République. Les libertés individuelles et publiques, le principe de l'égalité des citoyens et le maintien de rapports amicaux avec l'Occident, auxquels les chrétiens étaient attachés, étaient garantis par les prérogatives conférés au chef de l'État. D'un autre côté, les musulmans se ralliaient à l'idée d'un Liban indépendant en renonçant à réclamer l'union avec la Syrie ou avec un quelconque État arabe.
De même, l'ancien président était persuadé que la sécurité et la stabilité au Liban resteraient fragiles si le Liban ne pratiquait pas une politique d'ouverture sur son environnement arabe.

Le conférencier aborde ensuite les journées de novembre 1943 au cours desquelles Khoury et Solh surent jouer de la rivalité des gaullistes et des Britanniques pour réussir à faire voter par le Parlement libanais un amendement de la Constitution abrogeant tous les articles relatifs à l'instauration du mandat au Liban. Béchara el-Khoury et ses compagnons de lutte sont arrêtés et retenus en captivité loin de Beyrouth, à la citadelle de Rachaya. Mais ils ne cèdent pas et les autorités mandataires sont contraintes de les remettre en liberté sous la pression des manifestations de protestation des patriotes libanais et des démarches britanniques.

Le conférencier passe en revue rapidement les principales réalisations du régime : le transfert aux Libanais de la gestion des intérêts communs tenue jusque-là par les services du haut-commissariat, le transfert au gouvernement libanais des Troupes spéciales, noyau de la future armée libanaise, l'évacuation des troupes françaises stationnées au Liban, la conclusion d'une convention monétaire avec la France pour régler les problèmes découlant de la sortie du Liban de la zone franc, la conclusion d'un accord économique et financier avec la Syrie après la rupture économique et douanière entre les deux pays sur décision de Damas, la mise en œuvre d'une politique économique et financière libérale qui entraîna une importante hausse du niveau de vie, la construction de l'aéroport international de Khaldé, la participation du Liban en tant qu'État fondateur aux conférences portant création des Nations unies et de la Ligue arabe, l'adhésion du Liban au FMI et à la Banque mondiale, etc.

Cependant, Geahchan relève qu'il y a le revers de la médaille. Divers facteurs sur le double plan intérieur et extérieur affaiblirent progressivement le régime de Béchara el-Khoury et renforcèrent l'opposition. En particulier, il y eut les élections législatives truquées de mai 1947 puis le renouvellement du mandat du président un an plus tard, la répression des libertés publiques et la condamnation à des peines de prison de journalistes influents, tels Georges Naccache et Ghassan Tuéni, la gabegie et la corruption au sein des administrations publiques, etc. Sur le plan de la politique extérieure, le régime refusa d'embrigader le Liban dans les plans occidentaux de défense militaire.

Dans la seconde quinzaine de septembre, à l'appel de l'opposition, une grève générale paralyse le pays, tandis que le gouvernement en place démissionne. Bien que disposant encore à la Chambre d'une majorité de députés qui lui était favorable, Béchara el-Khoury préfère démissionner pour éviter une aggravation de la situation. Il confie le pouvoir à un gouvernement provisoire dirigé par le commandant de l'armée, le général Fouad Chéhab.

Le conférencier conclut son exposé en posant la question de savoir, à la lumière des troubles, de la discorde, de la guerre civile et des occupations étrangères qui n'ont cessé d'endeuiller le Liban depuis les années cinquante, si l'origine du mal ne réside pas dans le système politique et confessionnel au Liban.

A. B.

 

Pour mémoire
Le cinquantenaire de la disparition de Béchara el-Khoury

En ouverture du cycle de conférences organisé par les Rencontres culturelles, dans le salon de la cathédrale Saints-Grégoire-et-Élie des arméniens-catholiques, place Debbas, à Beyrouth, Roger Geahchan, ancien rédacteur en chef adjoint de L'Orient-Le Jour, a brossé un tableau de la carrière de l'ancien président de la République Béchara el-Khoury. Il a distingué quatre moments...

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A chacun ses souvenirs, Je garde de Béchara el-Khoury quatre souvenirs : - Sa collaboration étroite avec le général Edward Spears, ennemi juré de la France et du général de Gaulle en particulier, afin d'éradiquer la présence française dans cette chasse gardée britannique qu'était le Moyen-Orient. - Les élections truquées du 25 mai 1947 qui ont vu le triomphe des supplétifs du Destour dans toutes les circonscriptions du Mont-Liban. - La corruption généralisée pratiquée par son frère Salim dit le "Sultan Salim". - Son célèbre discours en à l'UNESCO en 1948 à Beyrouth considéré comme un joyau de la langue de Victor Hugo et classé, depuis, dans les archives de l'Académie française.

Un Libanais

14 h 43, le 28 février 2015

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Commentaires (1)

  • A chacun ses souvenirs, Je garde de Béchara el-Khoury quatre souvenirs : - Sa collaboration étroite avec le général Edward Spears, ennemi juré de la France et du général de Gaulle en particulier, afin d'éradiquer la présence française dans cette chasse gardée britannique qu'était le Moyen-Orient. - Les élections truquées du 25 mai 1947 qui ont vu le triomphe des supplétifs du Destour dans toutes les circonscriptions du Mont-Liban. - La corruption généralisée pratiquée par son frère Salim dit le "Sultan Salim". - Son célèbre discours en à l'UNESCO en 1948 à Beyrouth considéré comme un joyau de la langue de Victor Hugo et classé, depuis, dans les archives de l'Académie française.

    Un Libanais

    14 h 43, le 28 février 2015

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