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Lifestyle - Un peu plus

Oui, oui

Généralement, il vaut mieux ne pas répéter certaines choses. Les erreurs, les secrets, les gros mots. Il ne faut pas se répéter non plus. Et pourtant, sans s'en rendre bien compte, on ne fait que ça. On adore réitérer nos conneries. Parce que, au bout d'une bonne dizaine, on finit par bien maîtriser le sujet en vrais spécialistes, quoi. Alors, tant qu'à faire, autant être un pro dans quelque chose, aussi bancale soit-elle, plutôt qu'être un amateur qui s'essaie aux nouveautés en permanence. Vaut mieux, par exemple, se planter à chaque fois dans le même choix de compagnon que tenter l'inconnu. On ne sort pas de sa comfort zone et on finit par s'habituer. Le schéma est le même. On rencontre, on se plante, on souffre, on se jure qu'on ne recommencera jamais, et rebelote. C'est comme si notre mémoire n'avait pas enregistré les échecs. Qu'on n'avait pas appris la leçon. On peut comparer la répétition à l'addiction. On peut la comparer à l'obsession. Aux mouvements obsessionnels. On vérifie que la porte est bien fermée, que le robinet ne coule pas. On vérifie 17 fois que les chaussures sont posées en parallèle sur le tapis. On se lave les mains 11 fois et pas 12. Inlassablement.
On répète sans cesse plusieurs événements, et au Liban, par ailleurs, on a tendance à répéter comme dans un cercle notre histoire. Comme si le passé n'avait pas marqué les esprits. Encore une fois, la mémoire est effacée. On prend les mêmes et on recommence. Les mêmes politiques, les mêmes ennemis, les mêmes discordes, les mêmes conflits, les mêmes guerres. Et le pire, c'est que ça n'étonne plus personne. La répétition a fini par être lassante et la lassitude a pris la place du (re)nouveau.
Pourtant, la répétition aurait pu être bénéfique. Elle aurait pu être celle qui casse le rythme. Celle qui permet de régler les couacs, de rectifier le tir, de peaufiner les imperfections. Elle aurait permis l'apprentissage, comme si, à force de vivre la même journée, on la rendrait parfaite. Dans les moindres détails. Cette répétition serait une forme d'apprentissage, une forme de force. On pourrait la comparer à l'anaphore, la figure de rhétorique généralisée à tout le domaine littéraire, à tous les domaines artistiques. Surtout en poésie. Répéter un mot de fin de vers en début de vers. Au cinéma avec cette reprise de la même image, de la même scène, proche de cette étrange sensation de déjà-vu. En musique avec des accords répétés, le même refrain et en peinture avec des copiés-collés d'un même détail ou d'une même couleur. D'une symétrie. Et dans le discours pour bien faire comprendre le point important, le point le plus important.
Au Liban, dans notre langage, on abuse de la répétition, et allez savoir pourquoi on aime dire les mots deux fois (ou trois), les phrases deux fois (ou trois). Ma ejawou ma eja. Ça, c'est sûr, il n'est pas venu. C'est du cuir de chez cuir, au cas où l'autre aurait pensé que c'est du simili. Bonjourik, bonjour. Hélou, hélou. Pour bien signifier que ça l'est. Khalass, khalass. Ça sonnerait bizarrement si on utilisait la même forme dans la langue de Baudelaire. C'est fini, c'est fini. Il n'est pas venu et il n'est pas venu. 7eblé 7eblé? C'est vrai ya3né? La langue de Gebran a ses particularités, ses innombrables synonymes, ses libanismes, ses appropriations, ses conjugaisons de mots étrangers et ses répétitions. Comme si on avait toujours eu du mal à se faire comprendre, comme si une fois ne suffisait pas. Peut-être qu'une fois ne (nous) suffit pas finalement.

Généralement, il vaut mieux ne pas répéter certaines choses. Les erreurs, les secrets, les gros mots. Il ne faut pas se répéter non plus. Et pourtant, sans s'en rendre bien compte, on ne fait que ça. On adore réitérer nos conneries. Parce que, au bout d'une bonne dizaine, on finit par bien maîtriser le sujet en vrais spécialistes, quoi. Alors, tant qu'à faire, autant être un pro dans...

commentaires (2)

DANS LE BORDEL... AU MORTEL... POUSSENT DES AILES !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 56, le 28 février 2015

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Commentaires (2)

  • DANS LE BORDEL... AU MORTEL... POUSSENT DES AILES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 56, le 28 février 2015

  • "Comme si on avait toujours eu du mal à se faire comprendre, comme si une fois ne suffisait pas." ! Ou, plutôt, qu'on a été, et depuis toujours, soi- même sourd ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 22, le 28 février 2015

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