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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Reprendre Mossoul : mission impossible ?

Comment s'emparer d'une ville de plus d'un million d'habitants où une partie de la population, exclusivement sunnite, adhère véritablement au projet de l'EI ?

Vue d’un quartier de Mossoul, 2e ville d’Irak, à 370 km au nord de Bagdad, le 14 mai 2008. Marwan Ibrahim-Archives/AFP

En annonçant publiquement son souhait de voir l'armée irakienne lancer son offensive contre Mossoul « en avril-mai », le Centcom, commandement militaire américain au Moyen-Orient, a surpris plus d'un observateur. Parce qu'il est curieux de voir un commandement militaire, quel qu'il soit, dévoiler sa stratégie à son adversaire, mais surtout parce que, à l'heure actuelle, la reconquête de Mossoul semble être une mission pour le moins difficile. Au contraire de Kobané, la deuxième ville d'Irak est aujourd'hui peuplée de plus d'un million d'habitants, même si des centaines de milliers de personnes issues de diverses minorités ont quitté la ville après l'arrivée des jihadistes de l'État islamique (EI) au mois de juin 2014. Aussi, pour reprendre la ville, l'armée irakienne, soutenue par la coalition internationale, n'aura pas d'autre choix que de trouver une solution au dilemme suivant : comment s'emparer d'une ville de plus d'un million d'habitants où une partie de la population, exclusivement sunnite, adhère véritablement au projet de l'EI ? Comment réussir une opération d'une telle ampleur sans risquer d'importantes pertes civiles ?


Interrogée par L'Orient-Le Jour, Myriam Benraad, politologue spécialiste de l'Irak et chercheuse au Ceri-Sciences po et à l'Iremam, estime que « tout se joue aujourd'hui au niveau de la population ». « La reconquête de Mossoul devra se faire quartier par quartier, rue par rue, maison par maison, souligne-t-elle. La population est partagée entre ceux qui adhèrent au projet de l'EI et ceux qui ne supportent plus le régime draconien imposé par l'organisation. Mais à l'heure actuelle, même s'il y a des mouvements de dissidence, la population est totalement désarmée face à l'EI et n'a pas les moyens de se rebeller, analyse la chercheuse. La situation économique et alimentaire est catastrophique à Mossoul. Les frappes de la coalition ont permis d'isoler, voire d'asphyxier la cité en coupant les voies de communication », ajoute Mme Benraad. Toutefois, selon elle, cela ne suffira pas à inciter la population et encore moins les tribus à prendre les armes contre l'organisation jihadiste. « Si les sunnites n'ont pas de garanties politiques fortes, ils ne combattront pas. Ils veulent une autonomie régionale, sur le modèle des Kurdes. En fait, aujourd'hui, même s'ils sont écœurés par l'EI, les sunnites ne veulent plus entendre parler de Bagdad. Pour eux, l'armée irakienne est une armée d'occupation, explique-t-elle. Quant aux tribus, c'est une carte à jouer mais elle est extrêmement sensible, d'autant plus que l'EI a déjà anticipé cette offensive en liquidant des centaines de personnes. Les tribus feront le choix de leurs intérêts en suivant le plus fort. »

 

(Lire aussi : L'EI détruit des sculptures pré-islamiques à Mossoul)

 

Trois fois plus de combattants
Colonel à la retraite et docteur en histoire, Michel Goya estime pour sa part que « pour reprendre Mossoul, l'armée irakienne devra disposer d'un nombre trois fois plus élevé de combattants que l'EI ». Selon lui, l'opération devrait bénéficier d'un soutien aérien dans le but tactique d'éliminer les cibles militaires, mais aussi pour faire fuir les populations. « Mais face à un adversaire qui est préparé aux bombardements, qui peut construire des souterrains et se cacher parmi la population civile, les frappes aériennes ont une efficacité très limitée. Comme toujours, la guerre se gagnera avec des gens qui planteront des drapeaux, explique M. Goya. La difficulté de la tâche dépendra également de la ténacité de l'adversaire. Les Américains avaient conquis Bagdad assez facilement en 2003 mais avaient été confrontés à une vive résistance à Fallouja. » « Il est extrêmement difficile de se battre contre des milliers d'hommes prêts à mourir pour leur cause, ajoute-t-il. Pour l'instant, l'armée irakienne n'a toujours pas repris Fallouja alors que la reconquête de Mossoul semble encore très loin. »


Cela dit, les deux experts estiment que cette reconquête est possible, bien qu'extrêmement difficile, et qu'elle signifierait le début de la fin pour l'EI. « Les populations soumises se rendraient compte que l'EI n'est pas imbattable, explique Mme Benraad. Cela pourrait casser le cercle vertueux de l'EI », estime quant à lui M. Goya. Doté d'une importance stratégique et sutout symbolique quasiment sans égal pour l'EI, c'est bien dans la cité, autrefois appelée Ninive, où Abou Bakr al-Bagdhadi avait annoncé la proclamation du califat, que devrait se jouer la principale bataille dans la guerre contre l'EI.

 

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commentaires (3)

Tant mieux ! De cette façon, il leur restera au moins quelque chose aux Sunnites, dans cet Irak morcelé par ces Kurdes et ces fakîhàRienistes chïïtiques !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

12 h 58, le 27 février 2015

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Commentaires (3)

  • Tant mieux ! De cette façon, il leur restera au moins quelque chose aux Sunnites, dans cet Irak morcelé par ces Kurdes et ces fakîhàRienistes chïïtiques !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 58, le 27 février 2015

  • reste aux choix , plusieurs solutions militaires modulables de type A.B.C.....et même des armes non-conventionnelles comme une invasion de porcs affamés....!

    M.V.

    12 h 50, le 27 février 2015

  • SEULEMENT EN RASANT COMPLÈTEMENT LA VILLE ET AU PRIX ÉNORME DE VIES CIVILES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    05 h 52, le 27 février 2015

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