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Liban - Rencontre

Annamaria Laurini, quatre ans au Liban au service des enfants les plus vulnérables

La représentante de l'Unicef, Annamaria Laurini, quitte le pays du Cèdre et revient, pour « L'Orient-Le Jour », sur une mission complexe et une situation de crise qui empire.

La représentante de l’Unicef au LIban, Annamaria Laurini, lors d’une conférence sur les mariages précoces. Photos ©Unicef/Lebanon 2014/Haïdar

« C'était une expérience exceptionnelle ! » À eux seuls, ces quelques mots résument bien les quatre années d'activité au Liban d'Annamaria Laurini, représentante du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), qui a dû faire face à la crise des réfugiés syriens au Liban, « une crise sans précédent ». Le cœur gros, elle quitte demain le pays du Cèdre pour retrouver son époux et sa famille, pour faire une pause de cinq mois, avant de reprendre son activité au sein de l'Unicef, quelque part dans le monde. Mue par ce besoin de s'occuper des siens, elle avoue avoir aussi « besoin d'une période de lecture, de réflexion, de renouvellement ».
« Je me sens un peu libanaise, moi aussi », confie pourtant cette Napolitaine qui se dit marquée par « la leçon de vie » qu'elle a reçue au Liban. « Mis à part la capacité de résilience des Libanais, c'est la grande générosité des gens qui m'a touchée », souligne-t-elle. Une générosité qu'elle raconte sans hésiter. « Les histoires de solidarité et d'entraide que j'ai vécues sont tellement plus importantes que les tensions », fait-elle remarquer avec émotion. « Les Libanais ont beaucoup de cœur, même s'ils expriment parfois leur ras-le-bol de la présence des réfugiés syriens ou des services publics. »

 

Éducation, santé, eau potable
C'est dans un Liban qui émergeait de la crise de 2006 qu'est arrivée la représentante de l'Unicef, fin 2010. « Une période positive, se souvient-elle. La région n'était donc pas considérée comme prioritaire. Nous manquions de fonds pour maintenir à flots la population libanaise au niveau de l'éducation, des soins de santé, de l'eau potable... » Car si le pays du Cèdre est considéré par l'organisation onusienne comme un pays du Moyen-Orient à hauts revenus, il n'en reste pas moins celui « des grandes inégalités », comme elle le constate.
Au lieu de visiter les sites touristiques du pays, c'est dans les écoles publiques du Akkar que s'est d'abord rendue cette ancienne élève de l'école publique de Naples, pour y observer le dénuement total des établissements et le nombre limité d'élèves. « J'ai également constaté que les élèves de l'école publique commencent leur scolarité trop tard, à partir de 6 ou 7 ans, regrette-t-elle. J'ai aussi observé le taux élevé d'absentéisme des enfants d'agriculteurs qui aident leurs parents dans les champs. » À l'époque, pas question d'urgence. « Notre objectif était d'aider les plus vulnérables, indique-t-elle. Nous avons mené notre mission par le biais des ministères de l'Éducation, des Affaires sociales et de la Santé, en collaboration avec les municipalités. »


Le grand chambardement est survenu avec la crise syrienne et avec l'arrivée massive des réfugiés, à partir de l'année 2011. « Nous avons été confrontés à certains choix par manque de fonds. » Face à une situation « complexe », l'Unicef a continué de soutenir les structures publiques, car il était essentiel « d'apporter une assistance durable dans les domaines de la protection des femmes et des enfants, de l'éducation, de la santé et de l'alimentation en eau potable », explique Mme Laurini. Les trois ministères étaient les plus susceptibles d'atteindre les réfugiés (syriens ou palestiniens) et les populations libanaises défavorisées. Et ce par le biais des écoles publiques, des dispensaires, des centres de développement social, des municipalités, des centres de l'Unrwa ou des campements sauvages. Car il fallait « donner une réponse aux enfants les plus vulnérables, dans le respect du principe d'équité ». « Les enfants libanais, syriens ou palestiniens sont tous également exposés au manque d'électricité ou d'eau, aux maladies, aux abus, au travail de l'enfance, au mariage précoce », note-t-elle à ce propos.

 

(Lire aussi: Les trois quarts des enfants des rues sont syriens, seuls 10 % sont libanais)

 

L'enfance, sans distinction de la nationalité
La représentante de l'Unicef, assistée de son équipe, a alors effectué « des travaux de réhabilitation dans une centaine d'écoles et est intervenue dans un millier d'établissements ». Elle a assuré les vaccins contre la polio avec le ministère de la Santé. Elle a aussi « formé 3000 travailleurs sociaux » et développé « un système de référence » avec le ministère des Affaire sociales pour étudier les abus contre l'enfance, pour ne citer que ces interventions. L'organisation dresse actuellement une carte de vulnérabilité qui identifie les communautés libanaises et réfugiées les plus pauvres. « Nous avons déjà identifié 245 localités. Il s'agit d'un instrument de travail solide », affirme Annamaria Laurini. Et de préciser que ces localités hébergent 86 % de tous les réfugiés syriens enregistrés auprès du HCR, les deux tiers des Libanais les plus pauvres et 80 % des Palestiniens relevant de l'Unrwa.


Parallèlement, des interventions d'urgence sont nécessaires pour porter assistance aux réfugiés. « Nous avons distribué des kits de vêtements d'hiver, des équipements et du mazout pour permettre aux réfugiés installés sous les tentes de faire face au froid et à la neige », explique-t-elle.
Mais les défis sont immenses. Non seulement faut-il protéger les femmes et les enfants des abus, mais aussi scolariser un maximum de petits réfugiés, tout en donnant aux enfants libanais une éducation de qualité. « Malheureusement, le nombre d'enfants qui ont besoin d'être scolarisés est largement supérieur à la capacité d'absorption de ce généreux pays », souligne la diplomate. Elle estime à ce propos à un demi-million le nombre de petits réfugiés qui ont besoin d'école. « Tous ces enfants ne sont pas à même de rejoindre le système scolaire, alors qu'une grande partie n'a d'autre choix que de travailler pour survivre », note-t-elle à ce propos. « Et puis, les choses se mettent en place très lentement, vu les problèmes sécuritaires, le manque de fonds et la complexité administrative », déplore Mme Laurini.


Développer les structures de soins pour répondre aux nombreuses grossesses précoces des réfugiées syriennes et mettre en place un système de rattrapage scolaire à l'intention des enfants présentant des difficultés d'apprentissage : ces deux défis, parmi tant d'autres, attendent le successeur de la représentante de l'Unicef. « Il lui faudra surtout s'adapter à cette situation qui ne fait qu'empirer et trouver des solutions », observe-t-elle.
Face à cette réalité difficile, non seulement pour le pays, mais pour l'ensemble de la région, Annamaria Laurini tient à souhaiter aux Libanais la tranquillité et la paix. « Ils m'ont tellement donné », dit-elle, saluant ce pays et ce peuple « d'une incroyable richesse d'esprit et d'une grande ouverture » qu'elle entend revoir très bientôt.

 

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