Un mois après le discours de Manuel Valls devant l'Assemblée nationale, dans lequel il avait assuré que la France était en guerre « contre le terrorisme, le jihadisme et l'islamisme radical », et suite aux attentats de Copenhague, c'est le terme d'islamo-fascisme, jusqu'alors employé par les néoconservateurs américains et les partis d'extrême droite, qui défraye la chronique. Sur cette notion équivoque, il est difficile d'en préciser de manière claire les contours. Le politologue français et spécialiste de l'islam, Olivier Roy, répond aux questions de L'Orient-Le Jour.
Quelles sont les conséquences de l'association sous une même bannière des termes « fascisme » et « islamisme » ?
Cette idéologie totalitaire est utilisée à propos des Frères musulmans jusqu'à Abou Bakr al-Baghdadi, ce qui montre une réelle aberration intellectuelle. Cela reviendrait à dire que tout ce qui est islam politique est de facto totalitariste. Cette interprétation a donc pour but de condamner les Frères, comme de dénoncer Ennahda en Tunisie. Manuel Valls l'avait déjà fait en 2013, et cela avait été assez mal compris, et pour cause. En outre, cela ferme donc toute possibilité de démocratisation dans certains pays arabes. Devrait-on donc préférer un dictateur comme Sissi qui souhaitait mettre en place une Constitution laïque anti-islamique ? Donc le terme d'islamo-fascisme est utilisé à mauvais escient. Comment un Baghdadi peut-il ressembler à un Mussolini ? Quel est leur point commun? Cet argument politique, qui viserait à mettre toutes les mouvances islamistes dans le même panier, est stupide.
Vous aviez évoqué les jihadistes comme étant guevaristes, donc gaucho-marxistes. C'est donc en opposition avec le terme « fascisme »...
Concernant les jihadistes, il y a véritablement une radicalisation nihiliste. Ils s'embarquent dans cette « lutte » pour se faire tuer. Ils ne sont pas intéressés par la vie. Ils ne s'enfuient pas face aux armées qui les combattent. Nous ne pouvons donc pas parler d'idéologie politique de quelque bord. Au niveau de la propagande, l'État islamique tend à embrigader les jeunes prêts à mourir en héros, mais ne font en aucun cas l'apologie d'une race, contrairement au fascisme tel qu'on l'entend avec la vision de l'« homme nouveau ». Les jihadistes de l'EI n'ont donc qu'une vision nihiliste, apocalyptique et une fascination pour la mort.
Comment définir plus explicitement les liens entre les mouvances islamistes, comme les Frères musulmans, et les mouvements jihadistes? Qu'est ce qui les distingue fondamentalement ?
Les Frères musulmans n'ont jamais appelé au jihad. Ce ne sont pas des terroristes, mais ils sont pour la gestion d'un État. Ils agissent dans un cadre constitutionaliste, légaliste. Aucun frère musulman, à part Ayman al-Zawahiri, qui s'est détaché du parti pour rejoindre el-Qaëda (devenu le n° 1 de l'organisation terroriste, après la mort d'Oussama Ben Laden), n'a rallié la cause jihadiste. D'autre part, aucun jihadiste de l'EI n'est passé par la case frère musulman. Beaucoup d'entre eux sont plutôt passés par la case « prisons françaises ».
Lire aussi
Qu'est-ce que « l'islamo-fascisme » ?
Pour mémoire
Kamel Haddar, Français d'origine maghrébine : « Nous sommes français comme 60 millions de Français »
« Je crains que l'islamophobie ne se banalise en France »
L'Europe et sa génération jihad
commentaires (5)
En lisant Gabriele D'Annunzio traduit en arabe ..d'un coté et le coran en italien de l'autre...
M.V.
17 h 19, le 19 février 2015