Rechercher
Rechercher

Règle de trois

Pour un peu, on serait tenté de le dire : heureux temps où le Liban n'endurait d'autre calamité que d'être pris entre le marteau israélien et l'enclume palestinienne. Les raids des fedayine, opérés alors à partir de son territoire, entraînaient inexorablement de dures représailles, et la cassure nationale provoquée par cette spirale de violence finissait par dégénérer en une guerre fratricide de quinze ans. Heureux temps tout de même ? Le fait est que la tenaille qui n'a cessé d'enserrer le pays entre ses deux mâchoires a désormais plus de deux branches ; et pour ne rien arranger, certains Libanais n'ont rien appris.


Aurait-on donc oublié la Palestine dans les camps de réfugiés ? Ce n'est plus pour Jérusalem, mais pour Allah – ou plutôt une criminelle, une sacrilège idée d'Allah – qu'on y recrute aujourd'hui des candidats au jihad, ce phénomène étant déjà apparu lors de l'éruption de Nahr el-Bared. Depuis, et à la faveur des sanglantes convulsions de l'Irak et de la Syrie, le cancer n'a cessé de gagner du terrain, et cela au sens le plus furieusement géographique du terme.


Non content de balayer la frontière entre ces deux pays, le terrorisme à prétention religieuse campe depuis des mois sur le sol libanais. Il a frappé récemment en plein Paris, il vient de récidiver à Copenhague, cherchant visiblement à fragiliser et déstructurer les sociétés aussi bien occidentales que levantines. À signifier à tous que le temps de la paix, de la sécurité et de la prospérité est révolu, à donner à la panique une dimension planétaire. Pire encore, œcuménique, dans un certain sens. Le terrorisme commence en effet par massacrer les chrétiens d'Irak, assyriens et chaldéens, ou bien les forcer à l'exode. Il s'en prend ensuite aux israélites d'Europe et Benjamin Netanyahu fait exactement le jeu des assassins en appelant les Juifs du Vieux Continent à venir s'installer en Israël. Et le voilà maintenant qui revient à ses premières frénésies antichrétiennes, avec l'atroce affaire de ces 21 malheureux coptes égyptiens égorgés en Libye.
Or, que fait le Liban multiconfessionnel pour se prémunir contre ce vent de folie meurtrière affectant les trois grandes religions monothéistes, le problème gagnant en complexité avec les tensions sectaires entre musulmans sunnites et chiites ? Rien n'illustre mieux la fracture nationale que la partie de ping-pong oratoire qui s'est jouée ces derniers jours entre Saad Hariri et Hassan Nasrallah. Le bon côté des choses, c'est la détermination des deux hommes à poursuivre un dialogue dont l'objet le plus immédiat est de dépassionner les esprits au niveau de la rue. Quant au reste, et comme il fallait s'y attendre, l'échange de discours aura eu pour seul effet de mettre en relief la profondeur du fossé. De l'attachement à la parité islamo-chrétienne au monopole de l'État en matière de paix ou de guerre, le leader du courant du Futur a réaffirmé des positions bien connues, se décrivant volontiers comme un extrémiste dans la modération.

C'est à de toutes autres extrémités qu'est allé le chef du Hezbollah en excluant tout retrait de ses combattants de Syrie, en révélant même que ceux-ci sont maintenant engagés sur le théâtre irakien, en appelant enfin tous les Libanais à se joindre à la funeste aventure.


On combat le feu par le feu. Mais pas un islamo-fascisme par un autre de coloration différente, et surtout pas dans un pays comme le Liban. La voilà, bien hélas, la troisième branche de la tenaille.


Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Pour un peu, on serait tenté de le dire : heureux temps où le Liban n'endurait d'autre calamité que d'être pris entre le marteau israélien et l'enclume palestinienne. Les raids des fedayine, opérés alors à partir de son territoire, entraînaient inexorablement de dures représailles, et la cassure nationale provoquée par cette spirale de violence finissait par dégénérer en une guerre...