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Liban - Sécurité routière

Application du nouveau code de la route au Liban : où en sommes-nous ?

« La loi 234, comme toute nouvelle législation, a besoin aujourd'hui de plus de 10 décrets ministériels et d'une quarantaine de décisions ministérielles, afin de pouvoir être appliquée comme il se doit. »

L’application du code de la route est assez lente, Haytham Moussaoui/al-Akhbar

Le Liban a un nouveau code de la route depuis octobre 2012, étalé sur quelque 180 pages. Un code de la route que de nombreuses parties, y compris les ONG de la société civile, ont vite fait de qualifier d'« exploit », puisqu'il vient remplacer une loi désuète datant de 1967. Et pourtant, plus de deux ans plus tard, le paysage routier n'a pas vraiment changé. Les contrevenants sont toujours tout aussi nombreux, automobilistes, motards et même piétons. La chambre de contrôle du trafic routier continue de recenser chaque jour des dizaines de morts et de blessés dans des accidents de la route. Les permis de conduire sont toujours recevables sur commande par téléphone, et les feux de signalisation font souvent office de simples lanternes à l'occasion des fêtes. Ils font partie du décor, souvent contredits par des gendarmes qui apparaissent soudainement en sifflant, afin de demander aux automobilistes de brûler un feu rouge. Sans oublier la nouvelle mode de doubler toute voiture en passant par la droite. En somme, toutes les parties concernées s'entendent sur le fait que l'ancienne loi n'a jamais été vraiment appliquée et que l'application du nouveau code de la route a pris trop de retard.


La nouvelle loi 234 aurait dû devenir effective sur les routes en novembre 2013. Ayant été momentanément suspendue par le Conseil des ministres en février 2013, son application a été de facto reportée. Fin 2014, toutefois, les Forces de sécurité intérieure ont assuré que la nouvelle loi est entrée en vigueur, mais pas de grand changement jusque-là. Pourtant, la bonne volonté y est.


« L'application du nouveau code de la route est très lente, explique ainsi Ziad Akl, fondateur de la Yasa, association pour la prévention routière. Il faut savoir en fait qu'un tel projet est colossal et requiert des efforts monstrueux. Par ailleurs, la nouvelle loi met en place un cadre, une structure générale, mais comme toute nouvelle législation, elle a besoin aujourd'hui de plus de 10 décrets ministériels (ratifiés en Conseil des ministres) et d'une quarantaine de décisions ministérielles prises au sein des ministères concernés, afin de pouvoir être exécutée. » Et d'expliquer : « Le nouveau code de la route instaure par exemple un système où chaque citoyen perd des points à chaque infraction, déductibles d'un certain nombre initial de points. Mais cela requiert la mise en place d'une base de données pour tous les citoyens afin de comptabiliser les points de chacun, et cela ne peut se faire sans décision ministérielle. Autre exemple : si l'on veut faire en sorte qu'il y ait des gendarmes spécialisés dans la sécurité routière et éviter que des policiers soient parachutés du jour au lendemain d'un poste de police au beau milieu de la route, ou que les gendarmes qualifiés pour la surveillance des routes ne se voient confier des tâches d'un tout autre genre, cela nécessite une altération de la structure des FSI et requiert donc également un décret ministériel... »

 

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Sanctionner plus sévèrement
Avec ses 420 articles, le nouveau code de la route diffère substantiellement de la loi de 1967, comme par exemple au niveau de l'obtention du permis de conduire et de la qualité des véhicules pouvant circuler sur les routes. Mais c'est surtout au niveau des sanctions que la nouvelle loi présente un changement drastique. Preuve que les autorités ont compris que la première cause du chaos sur les routes est bien le manque de responsabilité et de bon sens du citoyen qui, souvent, se croit au-dessus des lois. C'est ainsi que le nouveau système de points a été créé, que les amendes ont été réajustées et leurs montants considérablement augmentés. Dépasser la vitesse maximale permise de plus de 60 kilomètres par heure (infraction de la cinquième catégorie) fait ainsi perdre au conducteur, selon la nouvelle loi, 6 points (sur un total de 12) et la saisie du véhicule jusqu'au paiement d'amendes colossales variant entre un et trois millions de livres libanaises et un séjour en prison allant d'un mois à deux ans. Conduire en causant du bruit qui gênerait le voisinage ou en utilisant des sirènes d'alarme fait perdre 4 points au conducteur. Une fois tous les points perdus, le permis de conduire est confisqué pour une durée de six mois et le conducteur doit intégrer une autoécole.


« Cette loi n'était pas exactement à la hauteur de nos attentes », assure Ziad Akl, dont l'association Yasa avait auparavant émis plusieurs critiques, notamment le fait que l'argent récolté des contraventions n'est pas réinvesti pour renforcer la sécurité routière, mais qu'il profite aux municipalités, à la mutuelle des juges et aux FSI. « Cependant, il faut faire un compromis à un moment donné, poursuit le fondateur de la Yasa. Une nouvelle législation était nécessaire après plus de 45 ans. En 1967, nous pouvions compter 600 000 véhicules au Liban, alors qu'aujourd'hui on en recense 1 400 000. » Et de poursuivre : « Cette loi reste un exploit réalisé avec les FSI qui y ont contribué énormément, et il est temps de l'appliquer. Les FSI sont en train de former des équipes au nouveau code de la route et ils reçoivent un nouvel équipement de travail à cet effet, mais l'application est assez lente. Il faut dire que la situation sécuritaire a eu un grand impact négatif sur la sécurité routière qui n'est peut-être pas la première priorité du ministre de l'Intérieur actuellement. »

 

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Une application plus effective à partir d'avril
Du côté du ministère de l'Intérieur, en effet, le conseiller de Nouhad Machnouk, Jad Akhaoui, affirme que le dossier de la sécurité routière fait partie des priorités du ministre, mais qu'il s'agit de sa deuxième priorité après le dossier de la situation sécuritaire au Liban. En ce qui concerne les décisions et décrets ministériels nécessaires pour appliquer le nouveau code de la route, Jad Akhaoui a assuré que cela ne se fera qu'après la formation des membres des FSI au nouveau code. « Nous ne pouvons rien faire avant l'entraînement des officiers ; c'est la première chose à régler avant tout », a-t-il confié.


Du côté des FSI, le capitaine Rabih Fakhri a effectivement indiqué à L'Orient-Le Jour que le processus de formation des cadres est actuellement en cours et se poursuit depuis déjà quelques mois. « Nous avons commandé de nouveaux équipements pour mieux appliquer le nouveau code et avons même invité le ministère des Finances à émettre de nouveaux timbres dont les valeurs correspondent aux montants des amendes ajustées. À ce jour, toutefois, nous continuons à rédiger des procès-verbaux selon les anciens montants, mis à part les infractions dites de la cinquième catégorie, et qui sont essentiellement relatives à l'abus d'alcool et aux excès de vitesse, et pour lesquelles nous appliquons la nouvelle loi. Le montant de ce genre d'amendes peut maintenant atteindre un million de livres libanaises, mais nous n'appliquons pas, bien sûr, le retrait de points du fait que le système n'a pas encore été mis en place, ni la peine de prison. En principe, il faudra attendre le mois d'avril pour adopter l'ensemble des nouvelles sanctions du nouveau code de la route, et pour tout genre d'infractions. »

 

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Motards, vitesse maximale et PV non payés
Sur un autre plan, le capitaine Fakhri a déclaré qu'en moyenne 600 à 700 excès de vitesse sont enregistrés quotidiennement par les radars qui couvrent aujourd'hui la plus grande partie du territoire libanais. Si la Yasa déplore un retard atteignant parfois cinq ans dans la collecte des contraventions en général, ce qui annule l'effet dissuasif des sanctions du code de la route, le capitaine Fakhri a appelé les citoyens à régulièrement visiter le site des FSI pour s'assurer des amendes éventuelles qu'ils doivent payer. « Le retard n'est pas toujours causé par le fait que les citoyens veulent se dérober au paiement, mais il est parfois dû au fait que LibanPost, institution chargée de faire parvenir le procès-verbal aux citoyens, ne possède pas les adresses exactes de ces derniers, a-t-il ajouté. D'où l'importance pour les citoyens de visiter le site des FSI une fois par semaine pour s'informer de tous les PV rédigés à leur encontre. »


Une mesure quasi nécessaire, en effet, étant donné que LibanPost n'informe pas par téléphone les contrevenants de l'existence du procès-verbal, et qu'au terme d'un délai de 14 jours, les PV sont rendus à la brigade de la circulation qui les renvoie aux autorités judiciaires compétentes pour qu'elles émettent un jugement. Il s'agit alors du début d'une longue procédure judiciaire, un véritable calvaire à éviter en visitant le site des FSI une fois par semaine et en appelant alors LibanPost pour s'assurer que l'adresse exacte est présente dans leur base de données, au cas où un PV existe. « Rectifier les données une fois suffira pour qu'il n'y ait plus d'erreur de livraison dans le futur », confirme ainsi LibanPost.


Interrogé par ailleurs sur les motocyclistes, qui souvent échappent à la loi, le capitaine Fakhri indique que les deux lois de 1967 et de 2012 consacrent des articles spécifiques aux motards qui sont d'ailleurs soumis aux codes des véhicules, mais ils n'ont pas toujours été mis en application. « Malheureusement, le travail commence par le citoyen lui-même, a-t-il dit. C'est une question d'éthique. Nous faisons toujours notre possible et nous avons souvent poursuivi des motocyclistes qui conduisaient de manière irresponsable. Ces poursuites se terminaient parfois par un grave accident qui coûtait la vie au conducteur de la moto, une mort bête. C'est pourquoi nous préférons aujourd'hui identifier le véhicule et rédiger des procès-verbaux, quitte à ce que les motocyclistes reçoivent les PV à leur domicile. »
Répondant aussi aux plaintes de nombreux citoyens qui ont critiqué les vitesses maximales imposées par des panneaux sur des voies publiques, et qui varient parfois de manière brusque et sans préavis en passant de 100 km/h à 40 km/h, l'officier a assuré que la mise en place de ces panneaux est du ressort des municipalités et du ministère des Travaux publics.


Enfin, et en attendant le mois d'avril qui devrait apporter une application plus effective du code de la route, le capitaine Fakhri a appelé les citoyens à se préparer psychologiquement aux nouvelles mesures. « Les nouveaux montants des amendes font vraiment mal, mais cela n'aura pour but que de protéger les citoyens et de garder nos routes sûres », a-t-il souligné. À vos marques ! Prêts ? Ralentissez !

 

 

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Le Liban a un nouveau code de la route depuis octobre 2012, étalé sur quelque 180 pages. Un code de la route que de nombreuses parties, y compris les ONG de la société civile, ont vite fait de qualifier d'« exploit », puisqu'il vient remplacer une loi désuète datant de 1967. Et pourtant, plus de deux ans plus tard, le paysage routier n'a pas vraiment changé. Les contrevenants sont...

commentaires (4)

Parce qu'il y avait déjà un code de la route au Liban ...?

M.V.

12 h 18, le 17 février 2015

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Commentaires (4)

  • Parce qu'il y avait déjà un code de la route au Liban ...?

    M.V.

    12 h 18, le 17 février 2015

  • AU POINT ZÉRO... COMME TOUJOURS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 40, le 17 février 2015

  • ..."plus de 10 décrets ministeriels et une quarantaine de décisions minsisterielles..." on croit rêver, et on comprend où le bat blesse ! SIMPLIFIEZ, Messieurs, SIMPLIFIEZ, et tout se fera plus rapidement!!! ..."la sécurité routière n'est peut-être pas la première priorité du ministre de l'Interieur actuellement..." Monsieur le Ministre de l'Interieur, Monsieur Nouhad Machnouk: enlevez le mot routière...reste le mot sécurité, qui nous concerne nous tous, citoyens, sur chaque métre de nos routes que nous empruntons chaque jour, et qui sont un vrai cauchemar !!! Pourquoi notre pays doit-il toujours être le plus arrièré en tout ? Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 43, le 17 février 2015

  • Si déjà les flics faisaient leur boulot le plus élémentaire, cad s'assurer que les conducteurs s'arrêtent au feu rouge, verbaliser les personnes qui parlent au téléphone en conduisant ou n'attachent pas leur ceinture de sécurité, cela rapporterait des sommes colossales à l'Etat et financerait au moins une partie de l'application du nouveau code de la route.

    NAUFAL SORAYA

    08 h 41, le 17 février 2015

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