Aïtou la nuit : ce village du Liban-Nord continue d’habiter les pensées des fils et petits-fils d’émigrés dans l’Illinois, malgré tout le temps écoulé.
Découvrir la société Itoo, son histoire, ses projets et ses activités nous confirme à quel point les migrants libanais portent dans leur cœur leur village d'origine. Dans ce cas, Aïtou. Cet attachement, parti pour durer longtemps, peut être perçu à la seconde même où nous pénétrons dans les locaux de cette société.
Un succès qui se conforte
Dans le hall, des photos en noir et blanc des premiers immigrés. Leurs visages, leurs yeux montrent clairement leur détermination à réussir. Il y a aussi des documents, des signatures. Ici, au sein de la société Itoo, les souvenirs défilent et démontrent de facto les liens indestructibles avec le passé.
Mais comment sont nés ces liens et qu'est-ce qui distingue cette organisation, qui vient de célébrer les cent ans de sa création ? Pour répondre à ces questions, il faut remonter des années plus tôt, lorsque Tanous Lahood, un villageois âgé de 23 ans, quitte le Liban en 1886 pour s'assurer un meilleur avenir. Il cherche un domicile permanent, et finit par s'installer dans cette bourgade éloignée.
Ce n'est que onze ans plus tard que sa situation financière lui permet de faire venir auprès de lui sa femme et ses enfants, qui débarquent ainsi à Peoria. Pour la petite histoire, l'un d'entre eux aura un petit-fils qui sera secrétaire aux Transports. Il s'agit de Ray Lahood, l'enfant du pays, qui se rend très souvent à Peoria.
Tanous donne l'exemple, et l'émigration d'Aïtou vers cette ville de l'Illinois s'intensifie en 1907. Deux facteurs l'ont facilitée : des amis et des membres de la famille étaient déjà sur place, et les emplois dans les chemins de fer et les distilleries abondaient à cette époque. Dans les années 1920, de nombreux immigrants changent de métiers et décident d'ouvrir des épiceries, des restaurants et des tavernes. Dix ans plus tard, ils sont si nombreux à s'orienter vers ce secteur que sur la douzaine de tavernes locales, plus de la moitié sont détenues par les émigrés d'Aïtou et leurs descendants.
Au fil des ans, la place que les Libanais occupent à Peoria devient primordiale. En 1930, ils ont déjà conquis l'espace public et politique : ils deviennent conseillers de la ville, maires... Les Peters, Williams, Anthony qui ont « américanisé » leur nom de famille sont des célébrités par ici. Dans les années 40, ils ont tenu à servir dans l'armée américaine. Par la suite, chaque année, ils tiennent à lever des fonds pour leur pays d'adoption.
Membre dès sa naissance
Au fil de toutes ces années, leur succès outre-Atlantique ne leur fait pas oublier le village d'où ils viennent. Il suffit de parler aux membres de la société Itoo pour le comprendre. Même si on grandit à Peoria et non pas à Aïtou, on connaît toute l'histoire du village de ses ancêtres, on le visite souvent et on devient dès son plus jeune âge membre de la société.
Randi Couri, ex-président de la société et l'un de ses membres actifs, résume bien la situation : « Nos parents ont tenu à ce que nous fassions partie de l'organisation dès notre naissance. Ils veulent nous montrer dès le début qu'on devrait être fier de l'accomplissement de nos aînés et tendre la main aux membres de la communauté originaires de notre village. »
Les accomplissements d'Itoo sont divers et variés. La société assure des soins médicaux aux personnes âgées et aux malades, apporte un soutien important aux projets communautaires comme la construction d'églises, et envoie des fonds au pays lors des diverses fêtes annuelles. En un siècle d'existence, Itoo compte des milliers de bénéficiaires.
« Au début, relate Couri, la société a apporté une assistance à ses propres membres et à leurs familles vivant à Aïtou. Rapidement, nos activités de bienfaisance se sont élargies pour inclure nos amis et nos voisins de Peoria. » Un activisme et un dynamisme qui devraient durer un bon siècle encore, sinon plus...
Un succès qui se conforteDans le hall, des photos en noir et...