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Moyen Orient et Monde - Analyse

Un tournant stratégique pour l’État islamique ?

En diffusant la vidéo du pilote jordanien brûlé vif, l'EI a pris le risque de se mettre à dos les populations arabes et de perdre dans le même temps une partie de sa base populaire.

Des Jordaniens portant la photo du pilote brûlé vif par l’État islamique. - © Khalil Mazrawi/AFP

La diffusion de la vidéo montrant le pilote jordanien, Moaz al-Kassasbeh, en train de brûler vif enfermé dans une cage avait probablement un objectif déterminé. Guidé par son besoin existentiel d'occuper la scène médiatique, l'État islamique (EI) devait se réinventer et proposer, à l'instar d'une grosse production hollywoodienne, des images inédites pour capter l'attention d'un public des plus désabusés.

Tout juste quelques jours après avoir perdu la ville de Kobané, après plus de cinq mois de combat, les jihadistes de l'EI avaient l'obligation de frapper un grand coup. Non seulement pour montrer que leur détermination reste intacte malgré une défaite, avant tout symbolique, qui a mis en évidence leur vulnérabilité, mais aussi pour alimenter le sentiment de terreur parmi les populations des États engagés dans la coalition pour combattre l'organisation. Sur un autre plan, le nouveau châtiment infligé au pilote jordanien devait permettre à l'EI de se différencier encore un peu plus d'el-Qaëda alors que les deux organisations jihadistes se livrent une course à l'horreur depuis déjà plusieurs mois.

 

(Lire aussi : Les aviateurs traumatisés par les images du pilote jordanien brûlé vif par l'EI)



En ce sens, la diffusion de la vidéo semble avoir produit l'effet escompté. Mais il est permis de s'interroger sur sa pertinence stratégique. En d'autres termes, en voulant à tout prix faire du sensationnel, l'EI n'a-t-il pas remis en question ses fondements idéologiques et perdu de la sorte une partie de sa base populaire ? Jusqu'alors, le succès de l'EI dépendait avant tout de sa capacité à proposer un discours en conformité avec la situation régionale. Les jihadistes pouvaient s'appuyer sur une partie de la population sunnite ayant le sentiment d'être humiliée par les chiites, mais aussi sur un fort sentiment d'anti-américanisme assez diffus parmi les populations du Proche et du Moyen-Orient.

 

(Lire aussi : « Le message de l'EI : je suis Tout »)


En assassinant un pilote arabe, qui plus est sunnite, de cette façon, l'EI est peut-être allé trop loin, même pour une partie de ses sympathisants. D'autant plus que, contrairement aux vidéos précédentes où les modes d'exécution se référaient directement aux textes religieux, cette fois-ci aucune jurisprudence, même celle d'Ibn Taymiyya, ne semble pouvoir donner une légitimité à cet acte de pure cruauté. En outre, alors que la plupart des pays arabes avaient rejoint la coalition presque à reculons, cet assassinat devrait, à l'instar de la réaction de la Jordanie, renforcer leur détermination à éradiquer l'organisation jihadiste. Cela implique non seulement d'intensifier les frappes aériennes, mais aussi et surtout de combattre, de manière encore plus ferme, l'idéologie jihadiste à l'intérieur de leur frontière.

Sans le vouloir, sans le savoir, l'État islamique vient peut-être de se tirer une balle dans le pied. Mais à vrai dire, personne ne risque de s'en plaindre...

 

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La diffusion de la vidéo montrant le pilote jordanien, Moaz al-Kassasbeh, en train de brûler vif enfermé dans une cage avait probablement un objectif déterminé. Guidé par son besoin existentiel d'occuper la scène médiatique, l'État islamique (EI) devait se réinventer et proposer, à l'instar d'une grosse production hollywoodienne, des images inédites pour capter l'attention d'un public...

commentaires (3)

Oui qu 'attendent les pays arabes pour bouger à l'instar de la Jordanie et punir l'EI.

Sabbagha Antoine

11 h 19, le 07 février 2015

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Commentaires (3)

  • Oui qu 'attendent les pays arabes pour bouger à l'instar de la Jordanie et punir l'EI.

    Sabbagha Antoine

    11 h 19, le 07 février 2015

  • Fallait il attendre autant dans l'horreur pour voir des reactions du monde arabe ? Les decapitations d'arabes sunnites et tous les viols sur des femmes sunnites mineures ne suffisaient pas au monde arabe pour reagir a temps ? minable comme raisonnement , le pilote etait arabe Sunnite et fils de Bedouin , ce qui veut dire que l'horreur a touché une classe socio-politique qui ne pardonnera jamais a la creation ei des usurpateurs. Parce qu'en Palestine 5 jeunes colons avaient bien brule vif le jeune palestinien , la reaction des usurpateurs etaient de bombarder Gaza , n'oublions pas . Je ne voudrai pas gacher la fete de vengeance des sunnites entre eux , mais je pari que le roitelet Hussein va beaucoup temporizer sur ses declarations de guerre et d'eradication de l'ei , en effet comment pourra t il se battre contre les amis de ses amis ??? on a l'exemple d'erdo en turquie , veritable pont entre les salafowahabites et les occicons !

    FRIK-A-FRAK

    10 h 21, le 07 février 2015

  • Il ne faut plus jamais parler à demi-mots, mais le crier fort avec la plus grande franchise : les peuples arabes et musulmans ont toujours été et sont dans une torpeur doctrinaire mortelle. Il n'y a qu'à parcourir un peu les commentaires au bas des vidéos publiées par Daech sur le Net, pour voir le soutien stupéfiant à cette organisation barbare. Il est strictement impossible de réveiller ces peuples de ladite torpeur, impossible de combattre et d'éliminer cette organisation barbare et ses affiliées dans le monde arabe et musulman, sans une "VERITABLE REVOLUTION RELIGIEUSE" dans l'islam, comme l'a réclamé avec le plus grand courage le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Mais qui va faire cette révolution ? Al-Azhar dont la réaction à la monstruosité de Daech de brûler vif le pilote jordanien a été surprenante, prônant de "guérir le mal par le mal", comme l'écrivait hier dans l'OLJ M Fady Noun ? Tout ce qu'al-Azhar a trouvé de dire, c'est qu'"il faut couper les mains, les pieds et la tête à ces malfaiteurs". Il a oublié le pénis ! C'est lamentable.

    Halim Abou Chacra

    06 h 52, le 07 février 2015

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