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Liban - Interview

L’ébauche d’un nouveau printemps de Beyrouth

« Le projet communautariste a atteint ses limites. Il est temps de passer à un autre niveau », explique l'ancien député Samir Frangié à « L'Orient-Le Jour ».

L’ancien député Samir Frangié lors de la réunion préparatoire du Congrès permanent pour la paix au Liban.

L'état actuel d'extrême lassitude des Libanais constitue un terrain fertile pour des idées nouvelles.
La réflexion n'est plus un luxe : elle est un impératif de survie face à la déformation du legs institutionnel libanais. Elle est aussi une agitation instinctive devant le tumulte des violences déshumanisantes et perverses.
Le Congrès permanent pour la paix au Liban, qui doit être officiellement lancé dans les prochaines semaines, est une émanation, une réadaptation du Congrès permanent pour le dialogue. Créé en 1992, à l'initiative de penseurs et d'activistes civils, dont l'uléma Hani Fahs, cette plateforme nationale pluriconfessionnelle devait réparer les liens entre les communautés meurtries, « les retisser », pour reprendre l'expression pure de l'ancien député Samir Frangié.


Ce réajustement minutieux et patient des rapports devait accompagner le rétablissement de la formule libanaise, la définition de la souveraineté du pays et ses assises démocratiques, en vue d'amorcer les réformes pour un système laïc. L'émancipation citoyenne et celle du pays prouvaient ainsi leur corrélation. Celle-ci devait s'exacerber dans la lutte contre la tutelle syrienne, une lutte à laquelle le Congrès pour le dialogue devait étroitement contribuer. Cette initiative a en effet participé à la mise en place du Rassemblement de Kornet Chehwane, en stimulant l'idée d'un partenariat islamo-chrétien contre l'occupant. Ce partenariat devait se muer en une véritable alliance, consacrée par la déclaration de Beyrouth en 2004, document fondateur d'une opposition nationale pluraliste, ayant insufflé à l'insurrection citoyenne de mars 2005 son élan spontané.
« Cela ne fait aucun doute que le 14 Mars 2005 était un mouvement spontané, qui avait d'ailleurs surpris les plus grands décideurs », souligne Samir Frangié dans un entretien à L'Orient-Le Jour, où il explique les objectifs de la relance du Congrès permanent pour le dialogue, sous la dénomination différente de Congrès permanent pour la paix. C'est justement « à cause de l'échec que connaît le mouvement issu du 14 Mars 2005 que la question de lancer une nouvelle dynamique s'est posée ».


Si le congrès est placé sous le thème de la paix, et non plus du dialogue, c'est parce que le risque d'une nouvelle guerre civile est aujourd'hui « effrayant ». C'est aussi surtout parce que la paix constitue le degré supérieur du dialogue, comme l'est, pour la coexistence, le vivre-ensemble. La paix renvoie l'image la plus sincère, la plus profonde des liens qui se tissent. Et le vivre-ensemble, porté par Samir Frangié comme une relique parmi les sceptiques, est l'outil conceptualisé du pacifisme. Si ce pacifisme a été pensé d'abord par rapport au système libanais, il est à même de composer un modèle avancé, universel, de l'équilibre entre l'individu et le groupe, nécessaire pour contrer la montée mondiale aux extrêmes.
« Il faut comprendre que le rapport à l'autre est d'autant plus riche que nous sommes conscients de la multiplicité des appartenances, des nuances de chaque individu. Cet autre nous forme comme nous le formons », affirme l'auteur du Voyage au bout de la violence, reprenant ainsi l'essence du vivre-ensemble.
Si elle est assimilée par les Libanais, cette approche devra se traduire par un détachement progressif des liens communautaires viscéraux, qui dissipent l'individu dans un groupe et réduisent ses nuances à une seule identité, un seul stigmate.


Samir Frangié estime que les chances d'une émancipation individuelle et d'un éveil citoyen libanais sont optimales. « Le projet communautariste a atteint ses limites : il ne peut plus déboucher que sur la violence », explique-t-il. Pour lui, « le 8 Mars a perdu sa bataille, et le Hezbollah ne fait que se débattre pour tenter de retarder la chute du régime syrien ». Néanmoins, « la défaite de l'un ne signifie pas la victoire de l'autre. Le communautarisme a atteint un niveau tel que celle-ci est devenue impossible ».
La minorité de blocage et l'esprit de consensus, puisés soi-disant dans l'accord de Taëf, ne sont-ils pas les marques de cet immobilisme malsain, figé dans la peur de l'autre et peut-être aussi de soi, qui a fini par démonter les mécanismes constitutionnels ?
« Il est temps de passer à un niveau supérieur », déclare l'ancien député.
L'un des éléments-clés de ce passage sera de « tourner la page de toutes les guerres et de toutes les résistances qui se son succédé dans l'histoire contemporaine : la Résistance chrétienne, la Résistance musulmane et la Résistance islamique ».
Ce processus implique un travail collectif et courageux de mémoire. « Compte tenu de la faillite politique du système, même un retour aux tabous du passé n'est pas risqué », affirme-t-il, en réponse à une question.
En politique, les gains de cette approche sont certains, y compris pour le Hezbollah. « Assimiler le vivre-ensemble, c'est parvenir à ne pas reprocher au Hezbollah, le jour où il rentrera au Liban, d'avoir mené sa propre résistance, comme d'autres avant lui », affirme Samir Frangié.


La feuille de route qui doit lancer le Congrès permanent pour la paix doit prévoir en outre une coopération entre les différentes initiatives de réforme civile (la reconstruction de Tripoli, le dialogue islamo-chrétien, les droits de la femme, le lobbying pour le statut de neutralité du Liban...). « Chaque initiative faite dans un secteur sera soutenue par l'ensemble », conclut-il.

 

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commentaires (6)

Le 8 et le 14 Mars devraient SE METTRE D’ACCORD sur un nombre minimal de sujets qui ne seraient pas susceptibles de prêter à controverses. Nous suggérons: 1.Nous ne pouvons plus continuer ainsi, car nous allons tous ensemble vers la faillite. 2.Le système de gouvernance couramment employé, qui ignore souvent de larges tranches de la population et certaines régions du pays, menace d’ébranler et/ou de détruire le système démocratique et favorisera, de la sorte, la création de mouvements extrémistes dangereux pour l’unité et la stabilité du pays. 3.En conséquence, il devient impérieux, pour les 2 parties de s'entendre sur un minimum de réformes urgentes à introduire selon un calendrier prédéterminé et pré-agréé.L’entente entre les 2 parties devrait couvrir: 1)La nature des reformes à introduire 2)Le calendrier d’introduction et de mise en place de ces reformes 3)Les moyens (financiers et autres) pour introduire ces réformes et les appliquer 4)Les personnes et/ou les institutions qui seraient chargées de l’introduction et du suivi des reformes. 5.A notre avis, ces sujets ne peuvent pas prêter a controverses, et devraient être facilement agréés par les 2 parties. 6.Nous estimons qu’un tel travail d’équipe nécessiterait un délai minimum de six mois pour être achevé. Durant cette période, les deux parties devraient éviter, si possible, tous conflits ou controverses susceptibles de mettre ce projet national en péril.

George Sabat

22 h 00, le 07 février 2015

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Commentaires (6)

  • Le 8 et le 14 Mars devraient SE METTRE D’ACCORD sur un nombre minimal de sujets qui ne seraient pas susceptibles de prêter à controverses. Nous suggérons: 1.Nous ne pouvons plus continuer ainsi, car nous allons tous ensemble vers la faillite. 2.Le système de gouvernance couramment employé, qui ignore souvent de larges tranches de la population et certaines régions du pays, menace d’ébranler et/ou de détruire le système démocratique et favorisera, de la sorte, la création de mouvements extrémistes dangereux pour l’unité et la stabilité du pays. 3.En conséquence, il devient impérieux, pour les 2 parties de s'entendre sur un minimum de réformes urgentes à introduire selon un calendrier prédéterminé et pré-agréé.L’entente entre les 2 parties devrait couvrir: 1)La nature des reformes à introduire 2)Le calendrier d’introduction et de mise en place de ces reformes 3)Les moyens (financiers et autres) pour introduire ces réformes et les appliquer 4)Les personnes et/ou les institutions qui seraient chargées de l’introduction et du suivi des reformes. 5.A notre avis, ces sujets ne peuvent pas prêter a controverses, et devraient être facilement agréés par les 2 parties. 6.Nous estimons qu’un tel travail d’équipe nécessiterait un délai minimum de six mois pour être achevé. Durant cette période, les deux parties devraient éviter, si possible, tous conflits ou controverses susceptibles de mettre ce projet national en péril.

    George Sabat

    22 h 00, le 07 février 2015

  • Comme je l'ai dis ultérieurement il ne fair pas mettre dans le même sac tous les chef politique car une horde primitive ou civiliser a besoin d'une référence d'un chef sinon se sera retour à l'âge de pierre ou pour etre le chef de cet horde il faudrait se battre je lis bcp de personne qui par déception qui par dérision amalgame tous les chefs politique mais non il y en a ki se rapproche bcp des standard

    Bery tus

    18 h 56, le 03 février 2015

  • Humant ce vent éhhh éhhh Printanier, les islamistes Takfiristes chïïtiques en doucine et en force dans cette bise Printanière infiltrés, réagissent comme à l’accoutumé i.e. en houriééétes-vierges vindicatives et effarouchées; en Pucelles d’Orient quoi; exigeant sur quel ton svp!, ce qu'exigent des Kapos enturbannés : i.e. des fatwas und des sanctions, sinon crochets de boucher "halal?" à la clé. Faut les contrer sèchement ces biaisés bariolés enturbannés à chemises noircies chiffonnées, qui n'ont jamais supporté la Liberté et se sont battus comme des chiffonniers pour imposer leur rétro-réac statuquo ; n'ayant de cesse de faire pression pour. A propos de "déontologie" heZébbollâhie toujours sur fond d’expanSion Per(s)cée; car il est de bon ton chez ces hurluberlus hirsutes de rituellement suçoter ce mot comme 1 chewing-gum ; il est urgent que ces énergumènes remettent à l'ordre du jour le concept déontologie humaine qui leur restera always allogène. S'interroger sur ce concept ne doit pas consister à s'épuiser en considérations sur leur férocité, dont les modalités sont d'ailleurs dépiautées ad nauseam since l’éternité ! C'est faire en sorte qu’ils se grattent les "grimpions" enfin là ou ça les démange : i.e. dans leurs vibrisses et les méandres de leur fanatisme monté de manière telle, que la réalité est altérée par une idéologie archaïque et funeste, et par leurs verrous d'à priori néfastes et infects à l’égard de ces éhhh Printanières Dignes filles, elles, de ce 21ème !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 13, le 03 février 2015

  • La faillite politique du système de de Taëf a bien échoué, il faudra en effet autour d'une table ronde sortir avant tout du systeme tribal , réveiller ensuite la justice et éloigner le spectre du trafic d'influence qui nuit trop au pays .

    Sabbagha Antoine

    14 h 51, le 03 février 2015

  • QUAND LE PRINTEMPS SE TRANSFORME EN AUTÔMNE... LES MÊMES ROSIERS CONVERTIT EN RONCIERS NE PEUVENT PLUS REFLEURIR... LE CHANGEMENT S'IMPOSE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 36, le 03 février 2015

  • La question à se poser c'est quelles sont les raisons de l'échec de l'esprit du 14 mars 2005... L'échec du 14 mars 2005 c'est le fait que cet élan citoyen spontané a été pris en otage par les barons et anciens chefs de guerre, pour le transformer en coup politique, en exclusion de l'autre, la version la plus abjecte du manichéisme, en s'arrogeant TOUJOURS le monopole du patriotisme, comme justement cet autre s'arroge lui aussi le monopole de la résistance. Messieurs du 8 et du 14, vous ne les avez pas ces monopoles. Dialoguez, insufflez une bonne dose de modération dans vos propos, modération ne veut pas dire consensus mou, consensus de façade.

    Ashjian Andreas

    09 h 00, le 03 février 2015

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