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Liban - Médias

Les lignes rouges à ne pas dépasser en matière de couverture de la justice internationale

Invités par le Tribunal spécial pour le Liban deux jours durant, une quinzaine de journalistes libanais ont pu rencontrer à tour de rôle les différents représentants de l'institution judiciaire, l'occasion d'un échange qui s'est déroulé en marge des audiences qui se poursuivaient dans le même bâtiment.

Théoriquement « chapeautée » par le président de l'ordre des journalistes, Élias Aoun, la délégation a très vite répercuté les multiples clivages propres au paysage politique libanais surtout pour ce qui est de l'attitude à prendre vis-à-vis du TSL. Plus que jamais, cette institution, contestée depuis sa naissance par une partie de la population, continue de susciter une polémique qui a fini par s'étendre sur le corps des journalistes également.
Parmi les sujets évoqués lors des débats, la question de la procédure engagée par le TSL contre nos confrères d'al-Jadeed et d'al-Akhbar, que le président de l'ordre des journalistes a contestée à sa manière, plaidant la cause des médias et des personnes incriminées, non sans rappeler au passage que la justice libanaise pourrait bien se saisir de l'affaire. L'intervention de M. Aoun, qui a affirmé s'exprimer au nom des journalistes présents, n'a évidemment pas manqué de susciter quelques contestations parmi certaines personnes présentes qui n'étaient vraisemblablement pas sur la même longueur d'onde que le président de l'ordre.


Au TSL en tout cas, on persiste et signe : la procédure de l'outrage contre le tribunal prendra son cours, et, quelles que soient les « circonstances atténuantes » invoquées par le président de l'ordre, les journalistes en cause sont pour l'heure en faute. À cette fin, le bureau de presse du tribunal a estimé pertinent d'inclure notamment un débat sur la question de la couverture des procédures internationales, en présence de journalistes étrangers spécialisés, réputés pour leur crédibilité, et du porte-parole de la Cour pénale internationale, Fadi Abdallah.

 

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« Les décisions des tribunaux internationaux ne sont pas liées à la politique et ne sont pas soumises à l'agenda des journalistes », devait affirmer sans ambages ce dernier. M. Abdallah a critiqué les décisions éditoriales qui poussent les journalistes à se concentrer lors des audiences sur les personnalités connues, les « stars », « ce qui confère forcément à la procédure un caractère politique qu'elle n'a pas au départ », ajoute-t-il. Selon lui, la question de la confidentialité est on ne peut plus claire : « Un journaliste ne doit pas publier des informations frappées du sceau de confidentialité. Si elles sont confidentielles, c'est bien pour une raison », a-t-il dit, expliquant que certaines informations pourraient exposer des États ayant des considérations sécuritaires légitimes ou remettre en cause la crédibilité de l'institution judiciaire. Révéler des informations confidentielles risque en outre de mettre en danger la vie des témoins.


Pour Janet Anderson, secrétaire de rédaction de l'International Justice Tribune, les réponses ne sont pas toujours aussi tranchées et les zones grises sont parfois nombreuses : dans le cas de Florence Hartman, ancienne employée au bureau du procureur du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, qui avait publié un ouvrage dénonçant certaines pratiques au sein de l'institution judiciaire, les avis sont toujours partagés concernant son inculpation par la cour. Ont été également condamnés par le TIPY d'autres journalistes pour avoir révélé la transcription de sessions à huis clos et pour avoir révélé les noms de témoins bénéficiant d'un programme de protection.
Après avoir longuement défendu la liberté de presse, en citant les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, le chef du bureau de la défense, François Roux, s'est adressé à son tour aux journalistes leur disant : « Le TSL vous donne des droits mais aussi des responsabilités. »

 

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Les étapes à venir
La rencontre a par ailleurs été mise à profit par les organisateurs pour faire le point sur les activités du TSL et rappeler les étapes à venir de la procédure. Le procureur, Norman Farrell, dont les apparitions devant les médias sont plutôt rares, a insisté sur le fait que l'accusation préfère s'exprimer à travers les preuves présentées à la cour. Aux journalistes, il recommande un suivi assidu des audiences et la nécessité d'expliquer ce qui se passe à ce niveau, en reflétant notamment les développements légaux et la jurisprudence, tout en reconnaissant la difficulté de la tâche. Le procureur a saisi l'occasion pour rappeler les trois phases du procès du côté de l'accusation : la présentation des preuves médico-légales et scientifiques liées à la scène du crime, le contexte et la préparation du crime, et enfin l'identité des accusés.


C'est seulement à ce moment que la défense pourra entrer en scène et présenter ses propres témoins notamment, a renchéri M. Roux. « Il faut toujours garder à l'esprit la présomption d'innocence », a ajouté le chef du bureau de la défense. « Après 40 ans d'exercice, j'ai retenu un mot : le contradictoire. La vérité doit jaillir du contradictoire », a-t-il dit, soulignant qu'il ne peut y avoir de verdict avant d'avoir entendu l'autre.
« Les juges sont juges mais ils seront aussi jugés. C'est l'histoire qui jugera les juges, notamment à travers le travail que font les journalistes », a-t-il dit.

 

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On apprendra également de Peter Haynes, le représentant des victimes, que la souffrance endurée par ces dernières sera intégrée au texte du jugement final et que les victimes pourront demander compensation auprès d'un État tiers. Du greffier Daryl Mundis, on apprendra entre autres que 60 % du budget du TSL est dépensé en salaires de fonctionnaires et d'employés. Le président du TSL enfin, David Baragwanath, a insisté sur la contribution du TSL aux efforts déployés par les Libanais pour réhabiliter la règle du droit.
Plus pragmatique, Iva Vukusic, ancienne journaliste et chercheuse, a donné un dernier conseil aux journalistes présents : « Les tribunaux internationaux, dit-elle, peuvent tout au plus contribuer à susciter le débat et établir les faits, parce qu'ils ont des attentes plus réalistes. »

 

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