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Nos Lecteurs ont la Parole - Charbel Antoine JEMHA

La France à l’heure du jihad

Les deux attaques terroristes qui ont frappé la France en moins de 24 heures les 7 et 8 janvier ont représenté un choc pour la société française, tant au niveau de la population civile, de la classe politique ou encore de la structure sécuritaire du pays.
Les premières réactions face à ce séisme ont reflété un embarras, voire une confusion générale, mais surtout ont révélé un certain nombre de failles dans le dispositif sécuritaire dues en premier lieu à une définition inadéquate de « l'ennemi », et, par conséquent, à l'absence d'une réelle politique pertinente et efficace pour lui faire face.
C'est dans ce cadre que le débat, au lieu d'être à la hauteur de la situation extrêmement délicate, s'est perdu dans les méandres des questions politiciennes, de l'ordre de la participation ou pas du Front national à la marche républicaine, la tentative des instances officielles représentant le culte musulman en France de se présenter comme interlocuteurs, le droit ou pas de publier des caricatures portant atteinte aux religions, etc. La marche républicaine s'interprète à deux niveaux : au niveau politique, c'est une tentative de récupération, une sorte de fuite en avant, alors qu'au niveau populaire, la grande participation a été inconsciemment motivée par la crainte d'un avenir incertain.
Il serait donc plus utile de commencer par prendre conscience que nous sommes véritablement en état de guerre, mais surtout que cette fois-ci, l'ennemi n'est ni traditionnel ni conventionnel, et, par conséquent, les meilleures mesures à prendre ne peuvent pas être conventionnelles. Le 22 septembre dernier, le porte parole de l'État Islamique, Abou Mohammad al-Adnani al-Chami, s'adressait aux « loups solitaires » présents en Europe ou sur le continent américain, les appelant à lancer des attaques avec les moyens de bord dont ils disposent : armes à feu, couteaux ou simplement renverser des « kouffars » (infidèles) avec leurs véhicules. Or l'attaque contre Charlie Hebdo n'est pas l'œuvre d'un « loup solitaire », du moment que son exécution requiert des moyens matériels et logistiques organisés, voire quelque peu sophistiqués, plusieurs mois de reconnaissance des lieux et des cibles, un entraînement militaire, un minimum de financement, des armes, des caches, des contacts, etc. Par conséquent, une opération aussi spectaculaire au cœur de la capitale française, c'est une ligne franchie et ne peut qu'inciter spontanément d'autres « loups solitaires » à passer à l'action, de nouveau.
Si le 11 septembre 2001 symbolise le jour où le monde s'est lancé dans sa lutte contre le terrorisme, quatorze ans plus tard, le bilan en matière de résultats concrets laisse à désirer, et l'attentat de Paris et ceux qui suivront sont la preuve incontestable d'un échec douloureux des services de sécurité, mais aussi des politiques « schizophrènes » des gouvernements.
En effet, l'échec présumé et manifeste des services de sécurité est dû principalement à une mauvaise connaissance du monde islamique, jihadiste en particulier. Par conséquent, comment lutter contre un ennemi dont on ignore la nature même ? Au niveau opérationnel, les frères Kouachi, ainsi que Coulibaly, étaient connus des services antiterroristes français. Or ils circulaient en toute liberté, sans même se soucier d'une quelconque surveillance ou d'autres mesures dissuasives. La France, comme de nombreux pays européens, savait bien que nombreux sont les jihadistes qui se sont rendus en Syrie (via la Turquie, membre de l'Otan) pour participer à leur « guerre sainte », et gagner le paradis. Mehdi Nemmouche, l'auteur de la tuerie de Bruxelles en juin dernier, en est un exemple frappant. Aujourd'hui, plusieurs sources révèlent que le nombre de jihadistes potentiels sur le sol français s'élève à plus de 1 500, pour la plupart nés en France, donc détenteurs de la nationalité française. Se lancer dans un débat européen sur de nouvelles législations manque d'efficacité. Par contre, la lutte contre ce fléau commence par donner les moyens matériels, mais aussi une plus grande marge de manœuvre, aux services de sécurité afin de procéder aux surveillances nécessaires dans les milieux suspects. Des mesures dissuasives à l'égard des sujets eux-mêmes, mais aussi de leurs familles, comme le gel des biens et des avoirs, ou la suspension des bénéfices sociaux (Sécurité sociale, assurance chômage, allocations familiales, etc.), voire le retrait de la nationalité et la déportation, sont impératives. Au niveau juridique, s'impose aussi la mise en place d'un régime similaire au « 41-bis » proposé en Italie par le juge Giovanni Falcone, comme mesure de restriction et de surveillance spéciale des mafieux dans les prisons.
D'autre part, dans quelle mesure les « généreux investissements » de certains pays du Golfe en France, et en particulier en région parisienne, sont-ils contrôlés ? En effet, des imams, sous différents prétextes, continuent d'obtenir des financements douteux, alors qu'ils jouent le rôle de recruteurs de futures bombes humaines. Ce cas de figure n'est bien sûr pas à généraliser du moment que nombreux sont les religieux musulmans qui prêchent un islam pacifique et respectueux des valeurs du pays hôte.
Cependant, au niveau de la politique étrangère, la France intervient au Mali contre le mouvement Boko Haram, mais appuie en Syrie, de manière directe ou indirecte, le Front al-Nosra et l'État slamique, à travers ses partenaires du Qatar, de Turquie ou d'autres pays directement impliqués dans le bourbier syrien.
Conséquemment, lutter contre le terrorisme restera un slogan, et des innocents continueront de payer de leur vie. Dans le même sillon, lutter contre le terrorisme takfiri, tout comme lutter contre n'importe quel fléau, nécessite une connaissance poussée de la nature de cette entité, comment elle se nourrit humainement, financièrement et logistiquement, mais aussi en matière d'endoctrinement, donc comment elle opère, et comment elle réagit.

Charbel Antoine JEMHA
Analyste auprès de l'Osservatorio Geopolitico Medio Orientale – OGMO

Les deux attaques terroristes qui ont frappé la France en moins de 24 heures les 7 et 8 janvier ont représenté un choc pour la société française, tant au niveau de la population civile, de la classe politique ou encore de la structure sécuritaire du pays.Les premières réactions face à ce séisme ont reflété un embarras, voire une confusion générale, mais surtout ont révélé un...

commentaires (1)

"Lutter contre le terrorisme takfiri (celui sunnite vous voulez dire ?), nécessite une connaissance poussée de la nature de cette entité." ! Quid alors, Monsieur, de la "connaissance poussée de la nature de l'entité" du terrorisme takfiri Fakkihiste et donc Chïïte ? Merci.

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

08 h 29, le 29 janvier 2015

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Commentaires (1)

  • "Lutter contre le terrorisme takfiri (celui sunnite vous voulez dire ?), nécessite une connaissance poussée de la nature de cette entité." ! Quid alors, Monsieur, de la "connaissance poussée de la nature de l'entité" du terrorisme takfiri Fakkihiste et donc Chïïte ? Merci.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 29, le 29 janvier 2015

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