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Culture - Performance

Samir Khaddaje, être et ne plus être

« Autoportrait à la clarinette et les deux témoins silencieux » est un spectacle multidimensionnel qui se déroule au théâtre Tournesol* jusqu'au 31 janvier. On y retrouve Samir Khaddaje en questions, visions, images en 3D et surtout en émotions.

Samir Khaddaje observe et (s’)interroge.

Il n'est pas absolument nécessaire de vouloir expliquer ou même interpréter ce qu'on a vu ou vécu durant l'heure que propose l'artiste à ceux qui désirent partager son univers. Il est seulement important d'y pénétrer. À l'entrée (libre) du théâtre, un homme masqué sur écran joue de la clarinette. Il impose le respect. Ainsi, les personnes qui se ruent en bavardant – et chahutant même – à l'entrée du théâtre sont obligées de garder le silence. Le ton est donné d'avance. Samir Khaddaje a trop de respect pour le travail artistique et il entend bien le faire comprendre.
L'œuvre qu'il propose à l'intérieur est inhabituelle (il en a fallu du temps et du labeur pour l'élaborer, la compléter). Mais avec Khaddaje, rien n'a une fin. C'est un éternel recommencement.

 

Esprit libre et libéré...
Depuis ses débuts, Khaddaje refuse de rentrer dans les rangs et de se soumettre aux codes et aux acquis. Prétendu artiste, nihiliste, anarchiste, c'est ainsi qu'il se questionnera lui-même à la fin du spectacle, refusant même de se coincer dans un genre, un label. Cet esprit libre qui a su repousser les contraintes de la mode a réussi à développer son intérêt pour la peinture, dit Roger Assaf « conjuguant deux expériences : d'une part, la connaissance de la peinture européenne moderne grâce à de nombreuses visites dans les capitales européennes et, d'autre part, la pratique au Liban dans des ateliers collectifs et dans la création picturale de décors pour des spectacles de théâtre politique populaire. » Par la suite, il continuera de « squatter » les espaces de la ville, de les habiter jusqu'à les métamorphoser afin de les intégrer à son univers tout en respectant leurs spécificités. Le respect de l'autre, de l'art, des lieux a toujours été son obsession. Une obsession qui se nourrira de ses œuvres précédentes en les phagocytant.


Encore une fois, Samir Khaddaje revient à Shams, avec son alter ego, son autre, qu'il avait tué dans l'espace de l'ancien al-Madina (Clemenceau) pour l'interroger sur les grands archétypes de l'art, de l'amour, de la vie. Au moyen de quelques rideaux, de la toile, un ordinateur et un matériel de projection, l'artiste fait le tour de l'imaginaire et du réel et met en scène (puisqu'il est dans un théâtre) sa vie et ses visions. La vidéo prise comme une nouvelle aire de jeu le fascine. Il va y plonger et en ressortir avec une tridimensionnalité nouvelle. Lui qui n'est pas versé dans l'Internet, comme il le dit, utilise cette nouvelle technologie et l'asservit au profit de l'image... en mouvement. Reproductions et expériences vécues se bousculent, se mélangent et caracolent dans un ordre non chronologique, voire en un fabuleux désordre. Photos d'écrivains, de musiciens, de toiles et autres s'enchaînent sous un bruitage harmonieux et parfois dissonant. Car qui peut contenir et répertorier des sentiments, des émotions ? L'artiste devient à la fois réalisateur, monteur et chroniqueur, silencieux de mots, mais bavard d'images.


Entre sublime élévation et chute, construction et destruction, assemblage et triage, perception en écran large du monde et son rejet le plus intimiste, Samir Khaddaje, tel un Pierrot lunaire, se balade en observateur anonyme, sans visage. Ce masque blanc lui permet de dissimuler ses intentions jusqu'au moment de la décision finale : le délestage. Dans cette mise à nu, l'artiste, don Quichotte sans le vouloir, se dévoile et repousse voiles et rideaux. Encore une fois, comme il le dit, il se débarrasse de ce témoin gênant, bien logé en lui. Allégé de tout, il disparaît et s'en va, laissant la salle perplexe mais assouvie de ce beau et troublant visuel.
Le geste de disparaître (contenant le préfixe de négation «dis») n'est-il donc pas l'essence même de son « être »?

 

*Au théâtre Tournesol (Shams), tous les soirs à 20h30, jusqu'au 31 janvier. Entrée libre

 

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Il n'est pas absolument nécessaire de vouloir expliquer ou même interpréter ce qu'on a vu ou vécu durant l'heure que propose l'artiste à ceux qui désirent partager son univers. Il est seulement important d'y pénétrer. À l'entrée (libre) du théâtre, un homme masqué sur écran joue de la clarinette. Il impose le respect. Ainsi, les personnes qui se ruent en bavardant – et chahutant...

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