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Nos Lecteurs ont la Parole - Nasri MESSARRA

Le plus dur métier du monde

Il y a des métiers vraiment très, très durs. Évidemment, tu penses tout de suite aux mines de charbon et à ces pauvres types qui y crèvent bien avant l'âge. Tu as aussi le métier de cascadeur qui est vachement ingrat : tu te casses le fémur pendant que tout le monde crie : « Vas-y, Rambo ! Vas-y, Stallone. » Tu cries : « Non, non, je m'appelle John. » Mais on a déjà coupé le son. Il paraît aussi qu'être conseiller de certains politiciens libanais, c'est pas Byzance, surtout si tu as un conseil à donner et que le politicien a un cendrier à proximité.
La liste est longue mais le métier, le dur de dur, c'est être Miss Liban. Mec, c'est vraiment l'horreur de l'horreur de l'apocalypse de la fin des temps de la mort. L'histoire commence pourtant bien. Si elle est arrivée à l'étape de la question, elle peut passer rubis sur l'ongle si elle met dans la réponse les expressions suivantes : « i-jnawb » (le Sud), « ij-jaych » (l'armée), « el-mar'a (la femme) et « el-ta3ayoch » (la coexistence). Style de question : « C'est quoi ton plat préféré ? » Réponse : « Ma grand-mère était une femme du Sud qui nous a appris à aimer l'armée et le taboulé, une salade où plusieurs légumes coexistent comme c'est le cas des communautés du Liban. » Et tant pis pour toi qui fantasmes que, juste pour une fois, la réponse soit : « Achrafieh » pour qu'on sente que quelqu'un nous aime. Mais bon...
Toujours est-il que si la belle réussit à mettre le sujet avant le verbe et le complément, tout le monde s'émeut et tu entends la réponse dans la salle comme un écho : « Jnawb... jaych... jnawb... ta3ayoch... mar'a... »
Elle, elle est très heureuse parce qu'elle ne sait pas encore ce qui l'attend : la compét' Miss Monde. Soit l'expérience la plus horrible qui soit donnée à une Libanaise :
Les copines sont toutes là en maillot qui l'appellent : « Viens prendre une photo avec nous, Miss Liban. » Mais shit ! Miss Israël va être dans la même photo et si la photo passe au Liban, elle ne pourra plus jamais revoir sa maman, et son papa sera obligé de la répudier. Elle panique : « Note tounayte, I have a hédekke ! » Elle s'enfuit et passe pour une chieuse devant les copines.
La nuit, c'est les cauchemars : et si elle était finaliste avec Miss Israël ? Comment faire pour ne pas s'en approcher et ne pas paraître dans le même cadre à la télé ? Elle se réveille en criant. Elle veut rentrer chez elle et elle pleure toute seule dans un coin du loft surtout que Miss USA, Miss France, Miss UK, Miss Jordanie et Miss Égypte sont copines avec Miss Israël et qu'il n'y a plus beaucoup de monde qui nous aime depuis tu sais quand.
Il y a aussi la pause déjeuner. Malheur ! Elle va être sur la même table. « J'ai pas faim », dit-elle en volant un bout de pain tombé par terre qu'elle ira manger dans la cage d'escalier.
Comme si ce n'était pas assez, tu as aussi les paparazzi qui ont fait le pari de les prendre toutes les deux dans la même photo juste pour la faire baver. La pauvre Miss Liban! Elle court avec ses talons et trébuche, et eux, ils rigolent, ils rigolent...
Et c'est pas tout. Le plus grave, c'est lorsque cette chipie de Miss Israël fait exprès de se mettre à côté et qu'elle tweete la photo le lendemain sous le pseudo @AbouAli2015, juste pour faire souffrir Miss Liban.
Tu peux pas imaginer comme c'est carrément horrible d'être Miss Liban ! Heureusement que j'ai choisi un autre métier.

Nasri MESSARRA

Il y a des métiers vraiment très, très durs. Évidemment, tu penses tout de suite aux mines de charbon et à ces pauvres types qui y crèvent bien avant l'âge. Tu as aussi le métier de cascadeur qui est vachement ingrat : tu te casses le fémur pendant que tout le monde crie : « Vas-y, Rambo ! Vas-y, Stallone. » Tu cries : « Non, non, je m'appelle John. » Mais on a déjà coupé...

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