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Liban - Janine Somma

Barrage de Janneh : entreprise insensée

Nous avons reçu, en réponse à l'article de M. Georges Melki « Barrage de Janneh : une polémique injustifiée », paru dans la rubrique Courrier des lecteurs, de notre édition du 27 décembre 2014, le texte suivant :

Le LEM se réjouit de votre lettre du 27/12/2014. Elle montre, que tout compte fait, les arguments qu'il avance portent, puisque vous prenez la peine de les relever.
Le LEM est une association de la société civile, formée de citoyens et de 60 ONG soucieux de la qualité de leur environnement et qui sont en droit de se demander si ces aménagements gigantesques, envisagés par un gouvernement de transition, sont indispensables et ne constituent pas une source de revenus pour des poches intermédiaires dans une société libanaise de plus en plus corrompue.
Nous aimerions à notre tour relever quelques incohérences et points mal documentés dans les propos de votre lettre.
Concernant les failles, vous dites : « L'important, c'est d'étudier la nature des failles et de savoir comment les traiter. Tout d'abord, il n'est absolument pas prouvé que ces failles sont "actives" du point de vue sismique... ». À ce propos, et sur une question aussi importante pour la sécurité des citoyens, comment se fait-il que le comité du barrage n'ait pas cherché à savoir si ces failles étaient actives ? Le centre de géophysique du CNRS libanais en collaboration avec l'IPGP (France) a mesuré plusieurs années de suite les mouvements de terrain pour déterminer l'activité des failles. Ce même centre a montré une carte très instructive lors d'un colloque sur les risques sismiques au Liban tenu en novembre dernier. Elle montre tous les épicentres récents des tremblements de terre ressentis au Liban. Il apparaît sur cette dernière que la région du Nahr Ibrahim est particulièrement active car il y a une très grande concentration d'épicentres à l'embouchure du Nahr Ibrahim.
Toujours lors de ce colloque une table ronde a soulevé beaucoup de questions et d'interventions autour des barrages. Parmi celles-ci mentionnons celle du Dr Alexandre Sursock (directeur du centre de géophysique) qui disait : « Il convient de parvenir à un zonage sismique assez fin au Liban pour tenir compte du facteur des failles sismiques dans le choix des sites... ». Cela a t-il été fait pour Janneh par le comité ? Si oui, qu'en est-il des résultats ?
Concernant le barrage lui-même, il y a un mois, il était question d'un barrage voûte. Tout d'un coup vous nous annoncez qu'il s'agit d'un barrage poids. En fait, si l'on tient compte du « EIA » révisé, il s'agit d'un barrage mi voûte, mi poids. Quoi qu'il en soit, rien que les 84 m d'épaisseur de béton à la base du barrage (votre lettre du 27/12) plus le poids de l'eau vont certainement favoriser un tremblement de terre plus tôt que ne le laisse prévoir les tensions purement terrestres. C'est ce que soulevait au même colloque Pierre-Yves Bard (ingénieur), et qui a été relevé dans un article de L'Orient-Le Jour (26/11/14) : « Il existe des indications sur la sismicité induite par le remplissage des barrages, mais que le phénomène est loin d'être cerné ou compris. L'exploitation du barrage mènerait à l'accélération d'un processus naturel, selon lui, et cela reste à surveiller. » Un géologue en poste au Liban confirme : « Le réseau faillé de Nahr Ibrahim reliant Yammouné à la faille marine s'associe à de grands décrochements verticaux dissymétriques de part et d'autre de la vallée, donc il faut envisager un karst profond absorbant une partie non négligeable de l'eau de surface (mesuré par les experts). Une mise en charge de l'eau dans le barrage ne peut que favoriser ces "pertes" en les augmentant. Il n'y a pas à s'attendre à une étanchéité totale des failles et des diaclases karstiques et des dolomites altérées par les matériaux basaltiques, puisqu'il y a effectivement "pertes". » Si dans l'optimum des choses le colmatage du fond tenait, avez-vous envisagé de colmater les versants ? Eux aussi sont bien fracturés et perméables.
Lorsque vous vous promenez sur la route de Qahmaz–Lassa vous pouvez observer en face au-dessus de Kartaba de grandes couches sédimentaires complètement redressées presqu'à la verticale par la « collision » de deux blocs de montagne. Cet accident géologique constitue une zone de faiblesse et de grande perméabilité. Preuve en est les nombreux gouffres alignés le long de celle-ci. Or le barrage se situe exactement au pied de cette ligne de faiblesse ! Comme celui de Balaa d'ailleurs. Truffé de gouffres lui aussi. Ça s'appelle faire des barrages dans des passoires. Ce sont des milliards de dollars qui seront engloutis dans ces passoires sans compter les coûts de maintenance, de colmatage...de pompage de l'eau vers le haut pour ce qui concerne Janneh.
Vous parlez de la dolomie du site de Janneh qui « n'a rien à voir avec la roche foliée de la région de Malpasset ». Avez-vous déjà tenu en main la roche de Janneh ? Elle est d'une extrême friabilité et porosité. Résistera t'elle aux énormes pressions une fois le barrage rempli ? Ce ne sera pas seulement le barrage qui risque de sauter mais des versants entiers.
Vous dites : « Le LEM ferait mieux de s'occuper des sites qui font des ravages au niveau de l'environnement. » Peut-on considérer l'innocence de Janneh en matière environnementale alors que des dizaines sinon des centaines de milliers d'arbres seront coupés, que déjà de nombreuses routes sont percées, que l'urbanisation et la spéculation foncière se préparent, qu'une superbe vallée patrimoniale est en train d'être saccagée ?
En lien avec ce dernier point, nous nous étonnons de voir que tous les barrages prévus au Liban seront construits dans les sites fortement recommandés dans le SDATL (Schéma d'aménagement du territoire libanais) pour être considérés comme réserves naturelles. Est-ce à dire que ce qui a été fait par un gouvernement précédent compte pour rien et que peu importe les milliers de dollars qui ont été investis pour cette étude qui reste lettre morte ? Vivement donc le remplacement du gouvernement actuel avant qu'il ne mène à la destruction irrémédiable des plus belles régions du Liban.
Enfin si la population libanaise « souffre à cause des pénuries d'eau », la solution passe en premier par les réparations des innombrables pertes de toutes sortes sur les réseaux de distribution. À elles seules, elles pourraient remplir un barrage en quelques jours.

Janine Somma
Membre du LEM

Le LEM se réjouit de votre lettre du 27/12/2014. Elle montre, que tout compte fait, les arguments qu'il avance portent, puisque vous prenez la peine de les relever.Le LEM est une association de la société civile, formée de citoyens et de 60 ONG soucieux de la qualité de leur environnement et qui sont en droit de se demander si ces aménagements gigantesques, envisagés par un gouvernement de...

commentaires (6)

Bandes de "vendus", en train de vendre le pays !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

14 h 14, le 24 janvier 2015

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Commentaires (6)

  • Bandes de "vendus", en train de vendre le pays !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 14, le 24 janvier 2015

  • AU LIEU DE RECTIFIER LES PETITS PROBLÈME... ON SE CRÉE UN GRAND... CAR AU GRAND... DU GRAND 3ABBI IL JAYBÉ !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 27, le 23 janvier 2015

  • Voici ma dernière réaction a TOUTE cette polémique: 1- La géologie du barrage a été longuement étudiée et soumise à des essais de toutes sortes par des spécialistes de renommée internationale, tels que MM.Robert Huber, François Guiguon, Jean-Thomas Méchin...le tout avalisé par le Professeur Pierre Antoine. 2- La conception du barrage est le fruit de plusieurs années de travail par la société Khatib&Alami, secondée par la société française Artélia(ex-Sogreah), sous la direction de l'expert barragiste et membre du Comité International des Grands Barrages(CIBG, en anglais ICOLD) M. Alain Yziquel. 3- Toute l'étude, y compris l'étude sismique, a été approuvée par l'un des plus grands barragistes au monde, M. Bernard Tardieu. Elle a ensuite été approuvée par la société SAFEGE. 4- La fable du BGR, à laquelle certains "experts" du LEM croient encore, cad la fuite de l'eau du bassin du Nahr Ibrahim vers Jeita, a été définitivement enterrée par une campagne de mesures hydrogéologiques, dont un essai de coloration à partir d'un puits de 300 m foré à Seraaita, et qui a prouvé que pas une trace de colorant n'est apparue dans aucune source à l'aval, sauf une seule, qui se déverse dans le fleuve: celle dite "Nabaa el Hakim" à 1200 mètres du puits, cad 3km à l'amont du barrage. Ceci confirme ce qu'on a dit dès 2008: le bassin en question est un "graben". Devant toute cette évidence, excusez-moi, mais je persiste à croire à la faisabilité de ce projet "insensé"...

    Georges MELKI

    07 h 59, le 23 janvier 2015

  • "...de pompage de l'eau vers le haut pour ce qui concerne Janneh." Oui! La station de pompage de Dbayeh se trouve à une cote plus élevée que celle de la station de traitement de Janneh...Encore une trouvaille géniale!

    Georges MELKI

    14 h 49, le 22 janvier 2015

  • Oh pardon! Le rayon du chateau d'eau devrait être de 1693 mètres à peu près! Mais où avais-je la tête? Obnubilé par cette solution géniale au problème de l'eau au Liban...

    Georges MELKI

    13 h 13, le 22 janvier 2015

  • "Enfin si la population libanaise « souffre à cause des pénuries d'eau », la solution passe en premier par les réparations des innombrables pertes de toutes sortes sur les réseaux de distribution. À elles seules, elles pourraient remplir un barrage en quelques jours." Excellente idée! Mais l'une de vos collègues nous a donné hier une meilleure solution: la récolte des eaux de pluie dans 15 chateaux d'eau, ayant chacun une capacité de 9 millions de mètres cubes!!! C'est plus que le volume de la retenue du barrage de Chabrouh...A supposer qu'une telle structure puisse être construite, quelle devrait être sa surface pour collecter 9 millions de mètres cube par saison de pluie? C'est très simple: une bonne année de pluie, c'est une moyenne de 1000 mm, donc la surface du réservoir conique devrait être 9 kilomètres carrés, soit un rayon de 955 mètres! C'est beau, hein?

    Georges MELKI

    12 h 52, le 22 janvier 2015

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