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Liban - Patrimoine

Petites églises, ermitages, basiliques... Une autre manière de (re)découvrir Saïda et ses environs

Les monuments chrétiens érigés à Saïda font partie de l'identité de la ville et de son histoire.

Au village d’Anane, les ruines de l’ermitage servent de chapelle votive dédiée à saint Élie.

Après Tripoli, à la quête de traces chrétiennes, un nouveau volume intitulé Sur les pas du Christ, Sidon, magna urbs Phoeniciaoe, publié par l'Université de Balamand, aborde le patrimoine religieux de Saïda et de ses environs. Sous la direction d'Élie Abi Nassif, professeur à l'Alba, assisté par les étudiants Rizkallah Chaaraoui et Najib al-Ghossein, l'ouvrage abondamment illustré de photographies, de détails architecturaux, de plans, de coupes et de perspectives, présente de façon didactique chacun des édifices, avec un focus particulier sur leur architecture. Toutefois la route empruntée par Jésus lors de sa visite à Tyr ou à Saïda n'est pas définie. « Nous n'avons comme référence que les évangiles et des informations glanées çà et là dans différents manuels d'histoire ou d'archéologie. Les traditions locales nous donnent aussi quelques pistes, mais les informations recueillies sont à prendre avec beaucoup de réserve », ajoute Élie Abi Nassif.

 

Des croix pattées à Boustan el-Cheikh
Les témoignages archéologiques attestent cependant de la présence chrétienne à Boustan el-Cheikh dès 400 après J.-C. À moins de cinq kilomètres du centre de la ville de Sidon, sur le site de l'ancien temple d'Echmoun, les ruines d'une église révèlent « des blocs de marbre timbré de croix pattées », ainsi que deux énormes fours à chaux. « Des bassins d'eau à proximité laissent penser que ce lieu de culte et les monuments qui l'entouraient servirent le sacrement du baptême et perpétuèrent la tradition du pèlerinage médical à Echmoun », signale l'auteur, soulignant que le bâtiment a connu deux phases de construction. Au cours de la première, une petite basilique a été bâtie sur une construction romaine qui lui a imposé son plan : oecus et péristyle. Dans la deuxième phase, l'édifice, réorienté vers l'est, a été transformé en « église à abside monumentale », qui aurait été détruite entre le VIe et le VIIe siècle soit par le tremblement de terre de 551, soit par l'arrivée de l'islam dans la région. On n'en sait rien. Trois mosaïques à motifs géométriques et floraux tapissent le sol.

 

(Lire aussi: Ces Durighello fous de Sidon !)

 

Les mosaïques d'Anane
Plus haut, à 600 mètres d'altitude, le village d'Anane a dévoilé les ruines d'un ermitage, les structures des pressoirs à huile et à vin et les traces d'une église. Cette dernière aurait été bâtie au VIe siècle par les deux moines Demianos et Lixianos, et ses façades nord et sud comportaient cinq à six colonnes. Ses mosaïques à motifs géométriques et floraux ont été découvertes en 1995, à l'époque où la zone était sous occupation israélienne. Pour les préserver, elles ont été démontées et transportées dans la cathédrale grecque-catholique de Saint-Nicolas à Saïda. Celle de la nef centrale comporte une inscription de cinq lettres disposées en croix, dont « la combinaison donne les deux termes de la définition johannique du christianisme, Lumière et Vie », explique Élie Abi Nassif, qui estime la largeur de l'église à environ 12,5 m. La longueur du bâtiment demeure inconnue.
Quant à l'ermitage, utilisé actuellement comme chapelle votive dédiée au prophète Élie, il se présente comme un couloir en forme de « L » aux murs revêtus de pierres grossièrement taillées. Certaines d'entre elles, plus grandes et bien taillées, semblent avoir appartenu à un édifice plus ancien. Une citerne de récupération d'eaux pluviales aux parois chaulées lui est accolée.

 

Le mur symbole du schisme
Élie Abi Nassif, Rizkallah Chaaraoui et Najib al-Ghossein vous invitent à entrer dans quelques églises qui ont marqué depuis des siècles le paysage de la vieille ville de Saïda et dont certaines ont rassemblé des communautés chrétiennes depuis plus de mille ans. Plantées dans les venelles étroites où s'imbriquent les uns dans les autres commerces, maisons et églises, on ne voit plus que leur portail.
La plus ancienne est l'église Saint-Nicolas dont la voûte construite d'un seul tenant est l'une des plus grandes de la région. Sa fondation remonte au VIIIe siècle, mais aucun des éléments architecturaux de cette époque n'a subsisté. La construction englobe cependant la cellule où saint Paul aurait passé la nuit lors de son voyage de captivité vers Rome. Elle a été transformée en chapelle et « fait l'objet d'une grande vénération ».
Jusqu'au XVIIe siècle, l'église Saint-Nicolas était exclusivement orthodoxe. Après le schisme, elle a été scindée en deux et un mur sépare la partie orthodoxe de la partie catholique qui a été abandonnée au XIXe siècle, lorsque la construction du couvent Saint-Sauveur à Joun fut achevée. Elle est actuellement en cours de rénovation en vue de sa transformation en musée.
Quant à la partie orthodoxe, elle abrite toujours le siège de l'évêché. Elle est décorée d'icônes de l'école de Jérusalem (fin XVIII-XIXe siècle), d'un plafond en bois peint et d'un mihrab au décor arabo-musulman. Selon l'auteur, « l'aspect de l'édifice suit plus ou moins la typologie d'une basilique avec nef centrale et deux collatéraux. Aucune abside ni absidiole ne termine l'ensemble ; à la place on voit juste un espace qui aurait abrité, à l'origine, trois autels ».

 

(Lire aussi:Trois mille ans plus tard, la résurrection du « prêtre phénicien » à Saïda)

 

Le clocher ? Sur la terrasse d'une habitation !
À Saïda, il n'existe intra-muros qu'un seul édifice de rite maronite : l'église Saint-Élias. C'était en fait une savonnerie achetée en 1616 par Assaf Abou Taleh de Bécharré à la famille Arkaoui et réaménagée pour répondre aux exigences du culte. Située rue Rijal Arbaïn près du château de Fakhreddine, l'église est aujourd'hui squattée et dans un état de délabrement avancé. Élias Abi Nassif raconte qu'elle a été profanée lors de la guerre civile et utilisée comme lieu de torture et de détention. Par ailleurs, les constructions qui se sont greffées au bâtiment dissimulent sa présence et son clocher se trouve « intégré au niveau de la terrasse supérieure des habitations ». L'auteur signale également que l'intérieur offre différents types d'arc « tudor », « rampant », « en ogive », « bombé » et « plein cintre ».
Il y a l'église Saint-Nicolas divisée en deux depuis le schisme. Il y a aussi la cathédrale Saint-Nicolas des grecs-catholiques. Un manuscrit issu de l'évêque Basilios Hajjar relate les différentes étapes de sa construction, l'achat du terrain en 1890 et la fin des travaux en 1895. Bâtie à la limite de la vieille ville, elle fait partie d'un complexe religieux qui abrite le siège de l'évêché grec-catholique de Saïda. Elle est constituée d'un plan rectangulaire entouré de trois côtés par des galeries voûtées et se termine à l'est par « trois autels surplombés de ciboriums en marbre finement sculpté ». Son iconostase en marbre comporte des colonnettes et des motifs décoratifs religieux. « Cette typologie est typique de la période et on trouve des exemples similaires à Tripoli (cathédrale orthodoxe de Saint-Georges), à Beyrouth (Saint-Démétrius, l'ancienne église Saint-Nicolas) ainsi qu'à Zahlé. »

 

La veuve Sarepta
Une église latine se dresse sur le front de mer, au nord de Saïda. Fondée en 1830, restaurée en 1911, elle est reliée au centre de l'ancienne ville par la place du Sérail. De toiture cruciforme avec charpente en bois recouverte de tuiles et d'un faux plafond en « beghdadi » muni d'une corniche décorée d'anges et de draperies, l'église renferme les tombes de la famille Catafago.
L'ouvrage consacre aussi des pages aux sanctuaires et églises de Magdouché, village dédié au culte de la Vierge Marie. Selon l'histoire locale, c'est dans une grotte qui porte désormais le nom de « Saydet al-Mantra » que la Vierge Marie a séjourné en attendant que son fils revienne de sa prédication à Sidon. Il y a aussi Maqam el-Khodr à Sarepta (Sarafand) où le prophète Élie accomplit le miracle de la résurrection du fils de la veuve Sarepta (citée dans l'Ancien Testament). La maison de la veuve était devenue un espace de culte vénéré par les premiers chrétiens. Sous les croisés, Sarepta devient un évêché et la maison est aménagée en église dédiée à saint Georges. Après leur départ, les lieux sont reconvertis en maqam dédié à l'imam el-Khodr, figure vénérée de l'islam. L'auteur rappelle également que « la mosquée al-Omari était l'ancienne église Saint-Jean des hospitaliers (1291) ». Construite au XIIIe siècle, près de la citadelle, surplombant la mer, la tradition veut que cet édifice ait été une ancienne église du temps des croisés ou peut-être la salle de l'hospice Saint-Jean.
Quelle que soit l'appartenance des uns et des autres, ces lieux invitent à la méditation ou à la prière et font partie de l'histoire et de la culture du pays. L'ouvrage est un appel à « soutenir les initiatives de restauration de cet héritage ».

 

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commentaires (1)

Prions que le patrimoine religieux de Saïda soit toujours bien conservé.

Sabbagha Antoine

18 h 15, le 21 janvier 2015

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Commentaires (1)

  • Prions que le patrimoine religieux de Saïda soit toujours bien conservé.

    Sabbagha Antoine

    18 h 15, le 21 janvier 2015

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