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Moyen Orient et Monde - Analyse

Le mythe du « loup solitaire » dynamité

« Derrière les attentats islamistes, on trouve toujours un donneur d'ordre », explique Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po à Paris.

Capture d’écran d’une vidéo postée le 11 janvier 2015 sur les réseaux sociaux islamistes d’un homme se présentant comme Amedy Coulibaly. Photo AFP

Les attentats à Paris et le démantèlement de cellules en Belgique font voler en éclats le concept du « loup solitaire », qui se radicalise et passe à l'action seul, sans lien avec une organisation jihadiste, estiment des experts.

Que ce soient les frères Kouachi, tueurs de Charlie Hebdo, Amedy Coulibaly, preneur d'otages de l'épicerie casher à Paris, ou les autres jihadistes qui sont passés à l'action au cours des dernières années dans des pays occidentaux, les enquêtes démontrent ou vont démontrer qu'ils avaient tous un lien, plus ou moins ténu mais incontestable, avec des organisations ou la mouvance islamiste radicale, engagée dans le jihad mondial.


(Lire aussi : Face à la menace terroriste, l'Europe passe sérieusement à l'action)

« Le démantèlement de réseaux constitués en France et en Belgique démontre une fois encore l'inanité du mythe du loup solitaire », assure Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po à Paris. « Cette figure largement fantasmée est une création intellectuelle apparue aux États-Unis lorsque la guerre globale contre la terreur, lancée par l'administration Bush en 2001, donnait ses premiers signes d'essoufflement. L'absence de cibles facilement accessibles dans les terres de jihad amenait une cohorte de supposés experts (...) à alimenter la thèse d'une menace diffuse. Cette construction d'un ennemi intérieur, par définition insaisissable et omniprésent, tendait à justifier les dispositifs liberticides de type Patriot Act, dont l'efficacité est pour le moins discutable, ajoute ce spécialiste du jihadisme. Agiter le spectre du loup solitaire ne sert qu'à semer la confusion et à éviter de désigner les vrais responsables de la terreur, soit les donneurs d'ordre implantés au Moyen-Orient. »

Pour rappel, Saïd et Chérif Kouachi avaient été en contact avec el-Qaëda dans la péninsule Arabique (Aqpa), considérée comme la franchise la plus dangereuse du réseau créé par Oussama Ben Laden. Quant à Amedy Coulibaly, il s'est réclamé de l'État islamique (EI).

Manipulation exceptionnelle

« Coulibaly, même s'il semble qu'il n'ait pas eu de contact direct avec Daech, s'est fait leur bras armé, explique Louis Caprioli, ex-chef du contre-terrorisme à la DST. Il s'est inspiré de leurs menaces contre la France, en a fait son combat (...) C'est la force du discours jihadiste : il pousse à des opérations-suicide des gens qui, deux mois auparavant, n'y auraient pas pensé. Leur manipulation des esprits est exceptionnelle. »

Pendant longtemps, l'exemple ultime du « loup solitaire » a été le major Nidal Malik Hassan, psychiatre de l'armée américaine, qui en septembre 2009 a tiré sur une assemblée de soldats sur la base de Fort Hood au Texas, faisant 13 morts. S'il a bien agi seul, l'enquête a prouvé qu'il avait été en contact avec Aqpa. « Derrière les attentats islamistes, on trouve toujours un donneur d'ordre », assure Jean-Pierre Filiu. La façon dont ces ordres sont donnés peu varier : même si el-Qaëda ou l'EI, dans leurs revendications, affirment souvent que « les héros » passés à l'action avaient reçu des instructions précises, les enquêtes démontrent que les jihadistes ont été le plus souvent laissés libres de choisir leurs cibles et leur mode d'action. Ils doivent aussi en assurer le financement, qui ne représente jamais de grosses sommes.

(Eclairage : Après Charlie Hebdo, la théorie du complot relancée)


Pour le centre de réflexion new-yorkais Soufan Group, il faudrait substituer au concept erroné de « loup solitaire » celui de « loups connus », car il apparaît que la quasi-totalité des jihadistes qui passent à l'action étaient connus, et souvent surveillés, par les forces de l'ordre. « Ces individus, qui agissent seuls ou en petits groupes, étaient dans le radar de différentes agences et organisations, écrit-il dans un rapport publié vendredi. Cela illustre la difficulté qu'il y a à surveiller efficacement des individus qui sont à la croisée de la criminalité et du terrorisme. » « Il apparaît qu'en Belgique, les autorités ont croisé avec succès des renseignements sur des déplacements en terre de jihad des adeptes d'idéologies violentes avec des renseignements sur des individus ayant des antécédents criminels, ce qui a permis de monter des opérations destinées à empêcher de possibles attentats », selon ce rapport. « Il sera fondamental en 2015 et au-delà de continuer à contrecarrer les plans des loups connus, à la croisée des idéologies extrémistes et des comportements criminels. »

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Pourquoi les appelle-t-on des loups ? Les loups sont des animaux nobles, libres et ne chassent que pour se nourrir. Les djihadistes sont des criminels déshumanisés et sanguinaires. Chers amis journalistes, appelez les choses par leur nom et cessez de diaboliser le monde naturel. La bête immonde, c'est en l'homme qu'elle vit.

Sophie Schoucair

23 h 57, le 19 janvier 2015

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Commentaires (1)

  • Pourquoi les appelle-t-on des loups ? Les loups sont des animaux nobles, libres et ne chassent que pour se nourrir. Les djihadistes sont des criminels déshumanisés et sanguinaires. Chers amis journalistes, appelez les choses par leur nom et cessez de diaboliser le monde naturel. La bête immonde, c'est en l'homme qu'elle vit.

    Sophie Schoucair

    23 h 57, le 19 janvier 2015

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