Le Premier ministre français Manuel Valls l'a clairement souligné, fort à propos : « Il y aura un avant et un après-7 janvier 2015. »
En France, et en Occident en général, ce tournant s'est d'ores et déjà manifesté dans la rue. Le slogan « Je suis Charlie » qui a mobilisé des millions de personnes pendant plusieurs jours sur les places publiques des différentes villes et communes de France, ainsi qu'en Europe et dans les grandes agglomérations aux États-Unis, au Canada, en Australie et ailleurs, n'est pas une simple réaction épidermique à un crime barbare. Ce slogan et cette mobilisation populaire illustrent plutôt un fait fondamental : l'opinion publique française et occidentale a, enfin, pris conscience du fait que ce sont les valeurs humanistes – républicaines – auxquelles elle reste foncièrement attachée qui sont réellement menacées dans leur essence.
Le danger n'est plus une vue de l'esprit, une spéculation d'analyste politique. Il est désormais bien réel, il a pris d'assaut la scène française, au cœur de Paris. Car les auteurs du carnage qui a visé Charlie Hebdo avaient pour objectif idéologique, à n'en point douter, de distiller la peur dans les esprits, de saper à la base les valeurs occidentales, de tenter d'ébranler le mode de pensée fondé sur la liberté d'expression et la tolérance. Et c'est vraisemblablement parce qu'ils ont réalisé, peut-être pour la première fois, que leurs valeurs sont véritablement menacées que les Français sont descendus massivement dans la rue dans une mobilisation historique qui n'a, semble-t-il, pas de précédent en France, du moins depuis la Libération. Ce à quoi nous avons assisté dimanche correspond à un véritable soulèvement républicain.
Mais ces valeurs que les jihadistes tentent de dynamiter sont-elles des valeurs exclusivement occidentales? Certes pas... Elles sont devenues des valeurs tout simplement humaines, à l'ombre de la barbarie et du haut degré d'inhumanité qui a été atteint et qui va sans cesse crescendo dans un certain nombre de pays, dans ce qui paraît comme une tentative d'imposer par la terreur un tout autre système de pensée et de comportement. Refuser qu'un otage soit égorgé devant les caméras, qu'une petite fille soit sauvagement agressée parce qu'elle mène campagne pour la scolarisation des enfants, que des élèves soient enlevés par dizaines de leur école et séquestrés pendant des mois, qu'une jeune fille soit jetée en prison (à Téhéran) parce qu'elle a assisté à un match de volley-ball, que des fillettes de dix ans soient poussées à perpétrer des attentats-suicide (au Nigeria), que des actes de violence gratuite soient exercés en masse contre des civils, à grande échelle, dans le but évident de saper les fondements de la pensée libérale, ou parce que ces civils sont chrétiens ou juifs, ou encore chiites ou sunnites... S'indigner contre de tels actes ne revient pas à s'attacher à des valeurs occidentales. Ce sont des valeurs tout bonnement humaines qu'il s'agit aujourd'hui de défendre.
C'est à ce niveau qu'apparaît la nécessité d'un après-7 janvier d'une toute autre nature que celui qui s'est manifesté en France. Les leaders et responsables musulmans dits « modérés » se doivent en effet, plus que jamais, d'assumer un rôle primordial dans le contexte démentiel présent. Il faut aujourd'hui se rendre à l'évidence. L'islam a besoin sans tarder d'une révolution culturelle, pédagogique. C'est dans les écoles, les écoles coraniques surtout, les mosquées, les lieux de culte, dans les quartiers populaires, au niveau des prêches du vendredi que les responsables musulmans éclairés doivent mener une campagne d'éducation, intensive et généralisée, afin d'inculquer à leurs coreligionnaires, dès le plus jeune âge, les valeurs humanistes fondées sur la liberté de pensée et d'expression, sur la tolérance, le respect de l'autre... Les déclarations et les condamnations publiques ne suffisent plus.
Des initiatives louables ont déjà été prises à cet égard, à l'instar de la réunion interreligieuse contre l'extrémisme et le terrorisme organisée début décembre par al-Azhar, au Caire, ou aussi l'audacieuse visite effectuée en novembre 2007 par le roi Abdallah d'Arabie saoudite au Vatican pour obtenir la coopération du Saint-Siège à la création du Centre de dialogue des religions et des cultures, établi à Vienne. Mais c'est surtout au niveau de l'éducation, de l'école, que l'islam éclairé doit concrètement, et radicalement, prendre les choses en main pour promouvoir la culture de la tolérance et de la liberté. D'une certaine façon, c'est l'avenir même de l'islam qui est aujourd'hui plus que jamais en jeu.
Pour un « après- 7 janvier » d’une autre nature
OLJ / Par Michel TOUMA, le 13 janvier 2015 à 00h00
commentaires (8)
Bonne Fête à vous Soeur Yvette ( c'est pile le jour sur le calendrier) Et grand merci , chaleureux et fraternel merci à vous Michel Touma. Joël. En France.
Neuschwander Joël
21 h 09, le 13 janvier 2015