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Liban - Liban

« L’émirat islamiste » de Roumieh s’effondre sans effusion de sang

Machnouk crie victoire, le Front al-Nosra menace.

À gauche, le ministre de l’Intérieur Nouhad Machnouk crie victoire... À droite, un soldat des forces spéciales qui a participé à l’opération surprise de transfert des détenus islamistes de Roumieh.

Il a fallu obtenir préalablement la fameuse couverture politique pour pouvoir en finir avec l'émirat installé à la prison de Roumieh par les détenus islamistes.
La fin du règne de ces prisonniers pas comme les autres a été annoncée hier par le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, à l'issue d'une opération sécuritaire dans le bâtiment B qui s'est conclue par le transfert des islamistes vers le bâtiment D.
Les répercussions de cette opération n'ont pas tardé à se faire ressentir sur le dossier des militaires otages, détenus par le Front al-Nosra qui a menacé de riposter dès les premières heures de l'opération qui s'est déroulée à l'aube.
« En réponse à l'opération sécuritaire menée depuis ce matin à Roumieh, nous posons une question aux familles des militaires otages : Nous est-il demandé d'exécuter vos fils ? » C'est le message lancé par le front islamiste sitôt après l'opération.
En fin de journée, al-Nosra a encore fait monter les enchères publiant les photos des otages couchés dans la neige, des fusils pointés vers leur tête. Une image qui a ébranlé un peu plus le moral des familles qui ont bloqué l'axe de la rue des Banques, affirmant envisager l'escalade. Une troisième mise en garde a été lancée tard en soirée, toujours via Twitter, par le front islamiste qui a appelé « toutes les communautés à assumer les résultats et les répercussions des comportements irréfléchis de l'armée libanaise ».

 

(Lire aussi: "Les autorités ne pouvaient ni entrer, ni contrôler ce qui se passait dans le bâtiment B de Roumieh")

 

Les kamikazes en contact avec les détenus
Deux jours après le double attentat-suicide meurtrier qui a visé samedi soir un café de Jabal Mohsen, les commandos des Forces de sécurité intérieure (FSI) soutenus par l'armée ont lancé une vaste opération surprise au sein de la prison de Roumieh, au niveau du bloc B où sont incarcérés des islamistes, dont des membres de Fateh el-Islam et d'al-Nosra, les partisans de cheikh Ahmad el-Assir, ainsi que des détenus accusés d'être derrière des agressions qui ont visé l'armée.
En fin d'après-midi, le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk a crié victoire.
« Après une opération menée par les FSI qui a duré 9 heures, nous pouvons parler d'une victoire de l'État et de la justice », a déclaré M.
Machnouk dans le cadre d'une conférence de presse depuis la prison de Roumieh.
« Toutes les histoires que vous avez entendues ces dernières années, de 2009 jusqu'à aujourd'hui, sont finies », a-t-il assuré affirmant que la « chambre d'opérations de la prison de Roumieh qui coordonnait des actes terroristes » n'est plus.
Rappelons que la prison de Roumieh, plus particulièrement le bloc B qui regroupe les prisonniers les plus dangereux, était devenue une sorte de base d'opération pour les criminels islamistes qui, à partir du troisième étage où ils étaient regroupés, concoctaient, coordonnaient et lançaient des opérations à partir de là. Munis de téléphones, et bénéficiant d'une connexion Internet cellulaire, pour ne citer que ces facilités, les islamistes se sont avérés être, à plus d'une reprise, derrière plusieurs opérations sécuritaires à caractère terroriste.
Des histoires hallucinantes dignes d'un thriller étaient rapportées par les geoliers, interdits par ailleurs d'accéder chez les détenus, par peur pour leur propre vie. Les islamistes avaient même défini des règles inspirées de la charia qu'ils imposaient aux détenus. On raconte qu'une petite cellule avait été réservée à l'étage pour torturer les récalcitrants. Bref une situation ubuesque qui a valu à ce bâtiment le qualificatif de « forteresse ».


Longtemps inaccessible aux forces de l'ordre, le bâtiment B était le lieu de tous genres de trafics, notamment de substances illicites. Il faisait régulièrement l'actualité, notamment pour des mouvements de mutinerie et la difficulté des forces de sécurité à le contrôler. Les détenus de ce bâtiment, dont des islamistes dangereux, jouissaient d'une certaine impunité. Ces détenus refusaient notamment de comparaître devant le tribunal lorsqu'ils y étaient convoqués. Le nom de plusieurs d'entre eux ont circulé dans le cadre d'un éventuel échange avec les militaires retenus en otages par les islamistes dans le jurd de Ersal.

 

Le bon timing ?
Le ministre de l'Intérieur a estimé avoir « choisi le bon moment pour mener l'opération et pour qu'elle soit menée sans violence ». Lors d'une conférence de presse tenue à la prison même, le ministre a affirmé : « C'est la fin de la légende de la prison de Roumieh. Une nouvelle étape vient de commencer », a-t-il dit, précisant que les moyens de communication qui étaient aux mains des détenus n'existent plus. Il a en outre affirmé que la prison de Roumieh sera réhabilitée « de manière à ce qu'elle respecte les droits de l'homme ».
Dans la matinée, il avait indiqué que la mise en œuvre du plan de sécurité au sein de la prison de Roumieh a débuté après que les enquêtes eurent montré que certains détenus sont liés aux deux attentats de Jabal Mohsen.
M. Machnouk a précisé à la LBCI que des appels ont été interceptés entre des individus se trouvant dans le bloc B et des membres du groupe État islamique (EI) dont il avait indiqué hier qu'il était derrière les attentats de Jabal Mohsen.
Les FSI ont précisé dans un communiqué que certains détenus du bloc B ont été transférés au bloc D. Lors de l'opération, des prisonniers ont brûlé des matelas, ont indiqué les FSI, qui ont précisé que la situation est néanmoins sous contrôle et qu'il n'y a pas de blessés. Les forces de l'ordre ont voulu rassurer les familles des détenus, soulignant que l'opération se déroule dans le calme et que les prisonniers se portent tous bien. Un peu plus tôt, des proches des détenus avaient brièvement bloqué une route à Bhanine, dans le Akkar.

 

Tweet d'al-Nosra
Plus tard, le Front al-Nosra a menacé, via un de ses comptes Twitter, d'agir en raison de la « dégradation sécuritaire au Liban ». « En conséquence de la dégradation sécuritaire au Liban, attendez-vous à une surprise en ce qui concerne les prisonniers de guerre que nous détenons », peut-on lire dans un tweet.
Sur le même compte, une photo, retweetée d'un autre compte, est publiée, montrant un homme allongé sur un matelas. Il semble gravement blessé à la tête. Cette photo est accompagnée d'un commentaire : « C'est ce qu'on fait les adorateurs de la Croix à nos frères incarcérés à Roumieh. »
Et d'ajouter : « En réponse à l'opération sécuritaire menée depuis ce matin à Roumieh, nous posons une question aux familles des militaires otages : Nous est-il demandé d'exécuter vos fils ? Ne nous accusez pas si nous commençons à changer de comportement avec les militaires. »
Sur un des comptes Twitter qui semble être lié au Front al-Nosra, une photo a été diffusée en fin d'après-midi, sur laquelle l'on voit cinq hommes armés et cagoulés tenir en joue une douzaine d'hommes allongés sur la neige. Un message est écrit sur la photo « Qui paiera le prix ? » Cette phrase est régulièrement utilisée par les jihadistes quand ils menacent d'exécuter leurs otages.

 

(Pour mémoire : Le mufti de Tripoli : les détenus de Roumieh sans procès sont opprimés)

 

Pas de blessés parmi les prisonniers
Interrogé sur la sécurité des militaires otages, M. Machnouk a répondu : « Nous n'avons agressé personne, nous n'avons fait de mal à personne, nous les avons transférés d'un bâtiment à un autre, nous avons arrêté les contacts qui facilitaient le terrorisme. » Le ministre a souligné en outre que « rien ne justifie par ailleurs que les ravisseurs fassent du mal aux otages ». Et d'ajouter : « Les menaces ne nous font pas peur, il n'arrivera rien aux otages. »
Les FSI ont, via leur compte Twitter, à nouveau indiqué qu'aucun membre des forces de sécurité n'a été blessé dans l'opération. Ils précisent en outre que les photos de blessés circulant sur les réseaux sociaux sont des montages.
Cela n'a pas pour autant intimidé les parents et épouses des détenus qui ont manifesté à Tripoli et à Saïda, en signe de protestation contre les mesures prises à Roumieh.

 

(Pour mémoire : Joumblatt appelle à un jugement rapide des islamistes à Roumieh)

 

Les parents des otages en alerte
Le 8 janvier, les proches des militaires retenus en otage avaient affirmé qu'ils reprendraient leur sit-in place Riad el-Solh au centre-ville dans les quelques jours à venir, après avoir suspendu leur mouvement en raison des conditions climatiques et des dégâts causés par la tempête. Le porte-parole des familles, Hussein Youssef, avait affirmé que le sit-in se poursuivrait, souhaitant que l'optimisme exprimé par certains responsables concernant ce dossier aboutisse à la libération de leurs fils.
Hier, le changement de ton était notoire dans le discours des parents d'otages.
Adressant une question au ministre de l'Intérieur, M. Youssef lui a demandé « pourquoi avoir choisi ce timing pour lancer l'opération de Roumieh ? N'aurait-il pas pu attendre un peu ? » « J'espère que le danger qui menace nos fils n'augmentera pas », a-t-il ajouté, affirmant que les familles envisagent sérieusement l'escalade si la situation devait encore se dégrader.
Le porte-parole a annoncé avoir contacté en cours de journée l'un des membres de la cellule de crise qui leur a assuré que la situation était bonne, « jusqu'à ce que nous parviennent les photos de nos fils – couchés, leurs têtes à même le sol et les fusils pointés en leur direction ».

 

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commentaires (1)

Le ministre a souligné en outre que « rien ne justifie par ailleurs que les ravisseurs fassent du mal aux otages ». Et d'ajouter : « Les menaces ne nous font pas peur, il n'arrivera rien aux otages. » Avez-vous des garanties en ce sens, M. le Ministre? Ou croyez-vous avoir affaire à une société de bienfaisance qui est réputée pour respecter la Charte des Droits de l'Homme dans tous ses détails??

Georges MELKI

10 h 35, le 13 janvier 2015

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Commentaires (1)

  • Le ministre a souligné en outre que « rien ne justifie par ailleurs que les ravisseurs fassent du mal aux otages ». Et d'ajouter : « Les menaces ne nous font pas peur, il n'arrivera rien aux otages. » Avez-vous des garanties en ce sens, M. le Ministre? Ou croyez-vous avoir affaire à une société de bienfaisance qui est réputée pour respecter la Charte des Droits de l'Homme dans tous ses détails??

    Georges MELKI

    10 h 35, le 13 janvier 2015

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