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Économie - Énergie

Le pétrole bon marché, cadeau inespéré pour les consommateurs libanais ?

Le prix du baril de brut a plongé de plus de 50 % depuis juin pour s'établir à moins de 50 dollars, un niveau jamais atteint depuis 2009. Cela va-t-il créer un effet d'aubaine pour la consommation des Libanais ? A priori oui, mais il devrait être contrasté.

Les prix à la pompe ont baissé de 30 à 35 %, ce qui représente une économie mensuelle de 85 millions de dollars potentiels. Crédit : Ghadi Smat

Au Liban, la consommation d'essence représente quelque cinq millions de litres par jour, celle de mazout quelque 3,5 millions de litres par jour également. Pour les particuliers, qui consacrent un peu plus de 13 % en moyenne de leurs dépenses aux transports en 2012 (dernier chiffre connu) selon l'Administration centrale de la statistique, l'effet de la chute des cours mondiaux du pétrole a été immédiat : les prix à la pompe sont passés de 32 700 livres libanaises début septembre 2014 à 22 400 livres libanaises début janvier 2015 (de 21,8 à 14,9 dollars) pour les 20 litres d'essence sans plomb 95, l'essence la plus vendue sur le marché. Le mazout a connu la même bascule : de 25 300 livres libanaises début septembre 2014 à 16 300 livres libanaises (16,9 à 10,7 dollars).
Cette chute de 30 à 35 % des prix à la pompe redonne aux particuliers du pouvoir d'achat. Si on se base sur les prix de septembre 2014, les Libanais dépenseraient quelque 85 millions de dollars en moins mensuellement pour les deux principaux carburants (essence SP 95 et mazout). Une économie non négligeable, qui pourrait être réinjectée dans la consommation d'autres biens ou services.
En revanche, les transports collectifs (bus, services ou taxis) n'ont pas répercuté cette baisse. Quant aux propriétaires de générateur, ceux-ci ont commencé à réduire leur tarif, mais de manière encore trop timorée et non systématique.

 

(Lire aussi : Baisse du prix du carburant : quel impact sur les tarifs des générateurs ?)


Une essence moins chère pourrait théoriquement se répercuter sur l'ensemble des dépenses de consommation des ménages, à travers un effet prix résultant de la baisse des coûts de transport et de fabrication des produits manufacturés. Mais pour Anthony Massoud, PDG des Établissements Antoine Massoud (EAM), importateurs de produits de consommation courante, ce scénario est peu probable : « Les prix des biens importés ne baissent jamais. Le coût des transports est en fait minime dans leur structure. Il faut savoir, en outre, que les distributeurs ne décident pas seuls de la baisse (ou de la hausse) des prix : ils coordonnent toujours avec les représentants des marques importées. Et pour l'heure, la tendance n'est pas à la baisse. Il est toutefois possible que les marques et les importateurs mettent en place des promotions plus systématiques. »
Les prix ne devraient pas non plus être tirés à la baisse par l'effet conjugué de la chute parallèle du cours de l'euro et le risque de déflation dans la zone euro : la plupart des importateurs libanais négocient en effet en dollars, même lorsqu'ils traitent avec des clients européens, qui prennent éventuellement des positions de couverture de change.

 

(Lire aussi : Le plongeon des cours du pétrole va exacerber les tensions géopolitiques)


Certaines inconnues subsistent cependant sur les effets indirects à moyen terme de la baisse des prix sur les revenus des ménages. D'abord parce qu'elle pourrait inciter l'État à revoir en partie sa fiscalité. Déjà revigoré par l'impact probable de la baisse des cours sur le montant des transferts à EDL, qui pèse pour près de la moitié du déficit public et pourrait chuter de 35 à 50 %, le gouvernement pourrait être tenté de revenir sur les exonérations consenties (droit d'accises et de douanes, TVA) sur l'essence et le mazout au moment où les cours étaient au plus haut, entre 2011 et 2012. Avant que ses cadeaux fiscaux ne soient appliqués, les taxes perçues représentaient un peu plus de 30 % du prix de l'essence. Si elles étaient à nouveau appliquées, l'effet de la baisse des cours mondiaux pourrait se retrouver atténuée pour le consommateur.

 

(Dans la presse : Quand l'Iran subit la chute des cours du pétrole, le Hezbollah doit se serrer la ceinture)

 

Quel impact sur les remises ?
Enfin, reste la question de l'impact de la chute des cours du pétrole sur le montant des remises des émigrés qui constituent un complément de revenus très important pour de nombreux ménages. Au total, leur montant est aujourd'hui de 7,7 milliards de dollars et représente quelque 20 % du PIB, selon les chiffres communiqué dans un rapport publié début décembre par Bank Audi. À moyen et long terme, il risque cependant d'y avoir une baisse de la capacité d'épargne des Libanais expatriés dans le Golfe dont le niveau de revenus est lié aux cours du pétrole. Nassib Ghobril, de la Byblos Bank, n'y croit pas : « Les pays producteurs de pétrole dans la région du Golfe disposent d'excédents financiers et sont peu portés à réduire les dépenses publiques. » Pour lui, les expatriés libanais du Golfe ne devraient pas sentir de réduction de leur train de vie.

 

 (Cet article a été édité le 15 janvier 2015 à 15h30)

 

Au Liban, la consommation d'essence représente quelque cinq millions de litres par jour, celle de mazout quelque 3,5 millions de litres par jour également. Pour les particuliers, qui consacrent un peu plus de 13 % en moyenne de leurs dépenses aux transports en 2012 (dernier chiffre connu) selon l'Administration centrale de la statistique, l'effet de la chute des cours mondiaux du pétrole a...

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