« J'aurais trente ans, je foutrais le camp », résume Laurent, juif d'origine polonaise. Cible d'une attaque meutrière vendredi à Paris, la communauté juive de France, la première d'Europe, ne cache pas son angoisse face à la flambée des actes antisémites dans le pays.
La journée de mobilisation historique à Paris et en France hier contre le jihadisme international s'est ouverte par un long entretien au palais de l'Élysée entre les représentants des 500 000 juifs de France et le président François Hollande. Le président « nous a dit que toutes les écoles, toutes les synagogues seraient protégées, si nécessaire, au-delà de la police, par l'armée », a déclaré pour sa part Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) qui avait évoqué plus tôt une « situation de guerre » pour les juifs de France. La rencontre a duré plus d'une heure, signe du degré d'inquiétude des responsables juifs après les attentats contre Charlie Hebdo et un supermarché cachère à Paris. Tout en déclarant respecter la décision des juifs tentés par un départ en Israël, Roger Cukierman a estimé hier que « nous devons combattre en France contre tous les ennemis du judaïsme », précisant que parmi les autres sujets évoqués avec le chef de l'État figurait la surveillance des « réseaux sociaux » et des télévisions satellitaires « où des messages antisémites sont diffusés » et contre lesquels il a demandé des mesures pénales. Il faut aussi « que l'on cesse de former dans nos prisons au jihadisme », a-t-il poursuivi, annonçant que « des mesures seront annoncées dans les prochains jours ».
Dans la soirée, M. Hollande et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ont été accueillis sous les ovations par les fidèles de la Grande Synagogue de Paris, noire de monde. Dans l'assistance réunie pour rendre hommage à « toutes les victimes » des attentats de Paris, certains ont scandé « Bibi », le surnom de Netanyahu, et « Israël vivra, Israël vaincra », agitant le drapeau de l'État hébreu. Placée sous très haute surveillance dans un quartier bouclé, la Grande Synagogue de la Victoire a également accueilli sous les acclamations l'ancien président Nicolas Sarkozy et le Premier ministre Manuel Valls. Les présidents des deux chambres, Claude Bartolone (Assemblée nationale) et Gérard Larcher (Sénat), la maire de Paris Anne Hidalgo et plusieurs responsables religieux, comme le cardinal-archevêque de Paris André Vingt-Trois et l'ancien président du Conseil français du culte musulman Mohammad Moussaoui, assistaient également à la cérémonie, qui a débuté par des psaumes.
Bibi remercie Lassana Bathily
Cette visite intervenait sur fond de polémique avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, attendu dans l'après-midi à la manifestation parisienne, et qui a affirmé samedi qu'Israël est le « foyer » des juifs de France. Le Premier ministre Manuel Valls lui a très vite répondu que « la France, sans les juifs de France, n'est plus la France ».
Geste notable, Benjamin Netanyahu a « remercié », toujours hier soir, Lassana Bathily, l'employé musulman du supermarché cachère de Paris qui a sauvé vendredi la vie à plusieurs clients du magasin en les aidant à se cacher du preneur d'otages Amedy Coulibaly. Dans un discours à la Grande Synagogue de Paris, le chef du gouvernement de l'État hébreu a également salué « la position très ferme » et la « détermination » de François Hollande et de Manuel Valls « contre le nouvel antisémitisme et le terrorisme. Notre ennemi commun c'est l'islam radical, extrémiste, pas l'islam normal », a-t-il remarqué. Avant d'ajouter, dans la langue de Molière cette fois : « Ça, c'est la vérité ! » Citant plusieurs organisations islamistes, dont l'État islamique, le Front al-Nosra, Boko Haram, le Hamas et le Hezbollah, Benjamin Netanyahu a souligné qu'elles étaient selon lui « toutes des branches du même arbre, même si elles mènent des guerres parfois terribles entre elles. Lorsque nous nous défendons, nous défendons l'ensemble des valeurs de l'Occident », a-t-il martelé, soulignant qu'« Israël est au côté de l'Europe ».
Parmi les victimes, 17 au total, figurent quatre juifs. Un responsable communautaire a annoncé hier qu'ils seraient inhumés demain matin en Israël, au cimetière du Mont des Oliviers à Jérusalem. De son côté, le député-maire de Sarcelles, François Pupponi, qui défilait aux côtés de la famille Cohen, a annoncé qu'il se rendrait « très probablement » en Israël pour accompagner la famille. « Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive, ils ne réalisent pas », a indiqué M. Pupponi, ajoutant qu'après les événements de cet été, « ça commence à faire beaucoup » pour Sarcelles, qui a inauguré en mars la place Sandler et Monsénégo, du nom des victimes de l'attentat commis par Mohammad Merah à l'école juive de Toulouse en mars 2012.
Isabel MALSANG/AFP
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ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
11 h 05, le 13 janvier 2015