Accusé depuis son arrivée au pouvoir en 2012 de mollesse et d'indécision dans la gestion des affaires courantes, le socialiste François Hollande, président le plus impopulaire depuis un demi-siècle, a montré résolution et fermeté dans l'exceptionnelle crise des otages qui a suivi le massacre à Charlie Hebdo.
"Le Président de la République a rempli ses devoirs de Président de la République", n'a pas hésité à dire, samedi, un élu de l'opposition, Bruno Beschizza, maire UMP (droite) d'Aulnay-sous-Bois, en banlieue parisienne.
Une appréciation plutôt rare en France, où, traditionnellement, opposition comme majorité rechignent à approuver toute décision ou comportement venant du bord opposé.
"L'ensemble du gouvernement, l'ensemble des décisions du gouvernement n'ont pas été critiquées par les rivaux politiques que nous sommes", a ajouté cet ancien officier de police sur la radio France Inter, alors que la plupart des commentaires, tous élogieux, allaient aux forces de l'ordre qui ont fait face vendredi à deux prises d'otages simultanées, à Paris et dans une petite localité du nord-est de la capitale.
(Lire aussi : Le triple appel solennel de Hollande aux Français)
En trois jours, trois tueurs islamistes ont assassiné 17 personnes, dont 12 dans l'attaque du journal satirique Charlie Hebdo, qu'ils ont accusé de profaner l'islam, et les autres dans la rue ou dans une prise d'otages à caractère antisémite, dans un supermarché cacher de Paris.
Durant ces 72 heures dramatiques, François Hollande a enchaîné pas moins de cinq réunions de crise, il a lancé autant d'appels à l'unité, que ce soit à la télévision ou devant différentes audiences, les policiers notamment, il s'est rendu au journal Charlie Hebdo, et a battu le rappel des dirigeants européens, dont plusieurs seront présents dimanche à Paris pour une grande manifestation d'unité et de solidarité.
Il a activé en parallèle les volets décisionnel et politique: la gestion de la crise a été élaborée dans son bureau, en particulier la décision d'intervenir en même temps dans les deux prises d'otages, et il a reçu les principaux dirigeants de partis, dont l'ancien président de droite Nicolas Sarkozy - une première depuis la passation de pouvoir entre les deux en 2012 - et la présidente du Front national (extrême droite), Marine Le Pen.
(Lire aussi : "Moi, je suis désolé, je ne suis pas Charlie", lance Jean-Marie Le Pen)
Concilier les contraires
Autant de décisions et de choix, nets et rapprochés, qui ne manquent pas d'étonner les commentateurs, généralement prompts à dénoncer ses hésitations ou reculades, après une première moitié de mandat chaotique émaillée de scandales.
"Cette fermeté est remarquable chez un homme qui a un côté Janus", le dieu romain "des portes", qui est représenté avec deux visages parce que chaque porte ouvre sur deux possibilités, explique le politologue Philippe Braud. "François Hollande a ce côté 'rad-soc' (radical-socialiste) des gouvernements de la Troisième république. Ce côté 'je suis près des petites gens, je ne fais de peine à personne, je veux concilier les contraires et je recule dès que ça résiste'", ajoute cet expert, dont la 11e édition de l'ouvrage de référence "Sociologique politique" a paru l'an dernier.
(Lire aussi : Anciens et nouveaux suspects jihadistes : les services français submergés)
Et cependant, c'est le même François Hollande, 60 ans, qui n'hésite pas à engager l'armée française au Mali (décision prise en 24 heures), pour combattre les islamistes qui menacent Bamako, au Centrafrique pour stabiliser le pays, en Irak pour combattre l'organisation Etat islamique, et a tenté, en vain, de rallier les alliés américains à une intervention en Syrie. Autant, et peut être plus, que ne le ferait un président de droite, dont on attend logiquement plus d'inclination pour l'action militaire.
Alors qu'il dirigeait le Parti socialiste (de 1997 à 2008), François Hollande était célèbre pour ses capacités à ménager les uns et les autres, et finalement obtenir des différents courants l'indispensable "synthèse" des fins de congrès. "Ça me fait penser à ces gens qui ont peur de leur femme et sont des dictateurs au bureau", s'amuse Philippe Braud, qui déclare ignorer si la bonne gestion de l'épisode tragique de Charlie Hebdo permettra à François Hollande de regagner des points dans les sondages et améliorer ses chances de réélection à la présidentielle de 2017.
Anlayse
Quand le terrorisme change de méthode et de visage
Lire aussi
Prénoms Charlie, l’éditorial de Issa Goraïeb
Tu n'es pas Charlie ? Vraiment ?, l'article de Ziyad Makhoul
Charlie's angels, le billet de Médéa Azouri
commentaires (5)
Je conteste l'article ainsi que le politologue Un opportuniste restera un opportuniste Un incompétent restera un incompétent 17 morts , c'est toujours triste mais pas au point d'oublier les centaines de milliers de morts délaissés et abandonnés par les dirigeants qui ont défilé aujourd'hui Obama à leur tête Je suis arabe, avec ma valeur humaine et je meurs pour vous
FAKHOURI
00 h 14, le 12 janvier 2015