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Liban - Liban

Le plan pour les déchets gèle l’activité du gouvernement

Face aux divergences persistantes dans le dossier des déchets ménagers, le Premier ministre Tammam Salam a exprimé sa colère et levé sine die la réunion du Conseil des ministres.

Les ministres lors d’une session intense sur les déchets ménagers.

La réunion du Conseil des ministres d'hier, consacrée uniquement à la discussion du nouveau plan national de gestion des déchets ménagers, s'est soldée par un échec. Après cinq heures de discussions, aucune décision n'a été prise. Les divergences demeuraient trop fortes entre les ministres sur les points litigieux. Face à l'ampleur des divisions, le Premier ministre Tammam Salam a levé la séance sine die et déclaré qu'il ne convoquerait pas les ministres à une autre réunion tant qu'une entente sur cette question ne serait pas réalisée.


Les ministres étaient supposés discuter du plan national de gestion des déchets ménagers élaboré par une commission ministérielle. Le plan est fondé sur l'idée d'une division du Liban en six zones, chacune d'entre elles devant être gérée par une société privée. Le gouvernement devrait, après l'adoption éventuelle du plan, effectuer un appel d'offres par le biais du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) pour désigner les sociétés. Le 17 janvier arrive à expiration, le contrat de l'État avec Averda, la société qui gère actuellement les déchets d'une grande partie du Liban ainsi que sa plus grande décharge, située à Naamé-Aïn Drafil. Le temps presse donc, et une énième tentative d'adopter ce plan a échoué hier.
La contestation qui a fait voler en éclats cette réunion est venue des ministres du parti Kataëb, autour de la question de la partie responsable de la désignation du site des décharges sanitaires dans les cazas. Les déclarations tonitruantes se sont succédé au sortir de la réunion. Les ministres Waël Bou Faour et Akram Chehayeb (Parti socialiste progressiste, PSP) ont déclaré qu'« une grande crise des déchets est à prévoir » et que « l'activité dans la décharge de Naamé ne se prolongera pas après l'expiration du délai le 17 janvier ». Autant M. Chehayeb que le ministre Élias Bou Saab (bloc du Changement et de la Réforme) étaient d'accord sur le fait « qu'un retard dans l'adoption de ce plan est une prorogation de facto du contrat de Sukleen (Averda) ». Le ministre Hussein Hajj Hassan (bloc du Hezbollah) a dit craindre « que les déchets n'inondent les rues des villes dès demain (aujourd'hui) ». Pour défendre l'insistance des Kataëb, le ministre Alain Hakim a souligné que « c'est une question de transparence et de gouvernance ». Pour sa part, le ministre Sejaan Azzi s'est dit convaincu « qu'une entente sera trouvée dans les 24 heures ». Quoi qu'il en soit, le marathon des réunions avait commencé hier pour tenter de rapprocher les points de vue.

 

« Des remarques, encore des remarques »
Contacté par L'Orient-Le Jour, le ministre de l'Environnement Mohammad Machnouk a parlé de divergences entre les ministres des Kataëb. « Nous avions tenu avec eux plusieurs réunions la veille, poursuit-il. Nous avons tenu compte de leurs remarques, mais au cours de la dernière réunion qui a eu lieu dans mon bureau mercredi, ils en avaient d'autres encore. Je leur ai promis de les transmettre toutes au Conseil des ministres, mais à mon avis, ce n'est pas en cherchant à imposer son point de vue que l'on mène un débat ou que l'on cherche à obtenir des concessions. »
Au cours de la réunion du Conseil des ministres hier, ajoute M. Machnouk, les points litigieux étaient résolus les uns après les autres, notamment la question de la répartition par zones et d'autres points ayant fait l'objet de modifications. « Nous sommes arrivés à un point où les divergences sont apparues entre les ministres des Kataëb, dit-il, refusant de préciser le point en question. D'un côté, Sejaan Azzi et Ramzi Jreige étaient prêts à discuter d'un accord sur ce point, d'un autre Alain Hakim s'est montré intransigeant dans son rejet. Quand la discussion s'est prolongée, le Premier ministre Tammam Salam, excédé, a levé la séance et annoncé qu'il ne convoquerait plus les ministres à une autre réunion avant qu'une entente ne soit trouvée sur le dossier des déchets ménagers. »


Que pense-t-il de la déclaration du ministre Waël Bou Faour, qui a réitéré que son parti refuserait la prorogation de l'activité dans la décharge de Naamé après l'expiration du délai, le 17 janvier, sachant que lui-même a assuré à plus d'une reprise qu'une prorogation « technique » de quelques mois serait inévitable ? « Je n'ai pas ressenti une négativité de la part des ministres du PSP, répond le ministre. Au contraire, ils ont une attitude responsable face au problème. À mon avis, tous les ministres étaient prêts à approuver le projet. »
Que se passera-t-il donc à partir de là ? « Le Premier ministre ne convoquera pas une autre réunion tant que l'entente ne sera pas garantie, dit-il. Si les ministres qui ont des remarques l'avertissent du fait qu'ils sont prêts à dépasser les divergences et discuter du projet en vue de son adoption, il invitera alors les ministres à un nouveau Conseil. »

 

(Lire aussi : Résoudre le problème des déchets en un seul clic !)

 

« Protéger les sociétés des leaders locaux influents »
Interrogé sur la position du parti Kataëb et sur ce qui s'est passé hier en Conseil des ministres, l'ancien ministre Sélim Sayegh, porte-parole du parti sur la question du plan de gestion des déchets, a démenti qu'il y ait une quelconque dissension entre les ministres du bloc. « C'est le parti qui décide de la position à prendre, pas les ministres, dit-il. Or notre parti est connu pour la discipline qui y règne. »
Selon lui, quelles que soient les discussions qui ont eu lieu, l'insistance du ministre de l'Économie Alain Hakim à refuser l'adoption du plan avant que le point litigieux ne soit résolu exprime bien la position du parti. Et il explique pourquoi : « Une feuille de route très développée avait été élaborée la veille lors de la réunion qui avait eu lieu au ministère de l'Environnement entre le ministre Machnouk, les responsables du CDR et les représentants du parti, dit-il. C'est bien cette feuille de route qui a été mise sur la table aujourd'hui. On y trouve une répartition des zones acceptable par tous, l'idée de l'établissement d'une décharge sanitaire dans chaque caza, la séparation des services pour éviter le monopole et les pratiques d'ententes illégales entre sociétés (en d'autres termes une même société ne peut pas se présenter pour plus d'un appel d'offres, etc.). »
Il poursuit : « Il restait un point en suspens, celui de savoir qui choisit le site des décharges sanitaires. Le plan initial de la commission ministérielle prévoit de laisser ce choix aux sociétés privées elles-mêmes. Nous sommes défavorables à cette idée, car cela les mettrait à la merci des leaders locaux influents et privilégierait celles qui se conformeraient à leurs exigences. Nous proposons que l'État désigne les sites de décharges en collaboration avec les municipalités avant les adjudications. Ce serait l'idéal pour que l'État protège les sociétés au lieu de les laisser assujetties au rapport de force sur le terrain. »
Selon l'ancien ministre, plusieurs voix se sont élevées pour rejeter cette proposition, préférant un compromis qui consisterait à donner au ministère de l'Environnement la mission d'élaborer un plan directeur. « Or un plan directeur n'est jamais contraignant, dit-il. Pourquoi ne pas s'en tenir à la feuille de route bien étudiée préparée par le ministre et le CDR en collaboration avec les responsables du parti ? »


Sur les mesures à venir, M. Sayegh a assuré qu'un nouveau marathon de réunions est en préparation pour aplanir les différences. Pour ce qui est de la déclaration de M. Bou Faour (que nous n'avons pu joindre hier) sur le refus d'une prorogation du travail à la décharge de Naamé, il répond : « Nous sommes tous contre une telle prorogation. Mais nous savons aussi qu'il faudra du temps pour que les appels d'offres aient lieu. Toutefois, nous comprenons qu'ils veuillent garder la pression pour que le plan soit adopté. »

 

(Lire aussi : Un jeune Libanais invente une machine pour trier les déchets... avec récompense à la clé)

 

« Pourquoi les décharges seraient-elles nécessaires ? »
Comment toute cette polémique est-elle vue par la société civile ? Paul Abi Rached, président du Mouvement écologique libanais (LEM) qui suit de près cette question, déplore que « le groupe formé par la société civile, les municipalités et les industriels du recyclage soit maintenu hors du débat, qui semble monopolisé par les politiques ». Il réitère sa conviction que « ce plan de gestion des déchets proposé en Conseil des ministres n'est pas écologique ». « Si le litige porte sur la partie devant décider des sites de décharges, nous nous sommes évertués à leur expliquer que suivant notre vision, les décharges ne seraient plus nécessaires, dit-il. Entre tri, compostage et recyclage, il ne resterait plus que les déchets inertes qui pourraient servir à la réhabilitation de carrières désaffectées, ce qui serait facilement acceptable par la population. »
Selon Paul Abi Rached, la société civile ne désire nullement voir les rues des villes inondées par les déchets, mais assure qu'elle n'a d'autre choix que de s'opposer aux décisions gouvernementales si celles-ci poursuivent dans la même voie. Rappelons que la Campagne civile pour la fermeture de la décharge de Naamé a clairement fait savoir qu'elle bloquerait la route aux camions de l'entreprise en charge de Naamé si le travail dans la décharge se prolongeait ne serait-ce que d'un jour. Elle l'a réitéré mercredi soir dans une conférence de presse.
« Toutefois les solutions existent et peuvent être mises en application avant le 17 janvier, en donnant plus de responsabilité aux municipalités », estime M. Abi Rached.

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