Beyrouth, 5 décembre 2014 : après 115 jours de siège, le bâtiment principal d'Électricité du Liban (EDL) est évacué par ses travailleurs journaliers en grève. Cet épisode met provisoirement fin au long conflit social qui les a opposés à leur direction sur la question du statut de près de 2 000 travailleurs temporaires utilisés depuis 1995 par l'établissement public.
Un conflit dont les premiers coups de semonce remontent aux manifestations des étés 2012 et 2013, avant de prendre une nouvelle tournure au printemps 2014. Le 2 avril, les députés réunis en assemblée plénière approuvent le projet de loi n° 287 organisant la titularisation de certains journaliers par le biais d'un concours fermé et organisé par le Conseil de la fonction publique. Le législateur laisse à l'établissement public le soin de fixer le nombre de postes ouverts « en fonction de ses besoins ». Tout se précipite début août lorsqu'une circulaire publiée par la direction d'EDL fixe le nombre de postes vacants à 897 et reçoit l'aval du Conseil des ministres pour l'organisation d'un concours d'entrée sur cette base. Compte tenu de la limite d'âge fixée à 56 ans, seuls 1 700 candidats peuvent concourir et un peu plus de la moitié d'entre eux être admis.
(Lire aussi : Baisse du prix du carburant : quel impact sur les tarifs des générateurs ?)
Estimant que cette décision « dénature » la loi adoptée par les parlementaires, les journaliers décident d'assiéger le bâtiment central d'EDL, à Beyrouth, et réclament l'intégration de l'ensemble des travailleurs concernés, avec ou sans concours. Les semaines suivantes sont marquées par une intensification de la mobilisation à Beyrouth qui force la direction d'EDL à délocaliser ses services dans les locaux de la centrale thermique de Zouk. Parallèlement, une contagion du mouvement frappe Saïda, Tyr, et, dans une moindre mesure, certaines zones de la Békaa et du Nord. Les démonstrations de force, allant des routes et des centrales bloquées aux tentatives d'automutilation, s'enchaînent ainsi au rythme des déclarations des deux parties qui se rejettent mutuellement la responsabilité des dommages collatéraux provoqués par ce conflit.
(Pour mémoire : Obscurité ou obscurantisme : le secteur de l'électricité, otage des enjeux politiques)
Négociations politiques en coulisses
Ces dommages concernent principalement les usagers. D'abord, la suspension des réparations de la centrale du quartier de l'Unesco, victime d'une avarie, accentue les heures de rationnement dans la capitale, les autres régions étant relativement épargnées par ces perturbations. Ensuite, les opérations de facturations aux usagers sont suspendues : la direction d'EDL arguant que le matériel d'émission des bordereaux se trouve dans les locaux du bâtiment central occupé.
(Pour mémoire : Électricité de Zahlé : un projet de réhabilitation sur le point d'aboutir)
Alors que la mobilisation des journaliers commence à s'essouffler à partir de novembre, des rumeurs font état de négociations en coulisses sous la houlette de responsables politiques. Elles se vérifient le 5 décembre, lorsque le ministre de l'Énergie, Arthur Nazarian, le ministre de l'Agriculture, Akram Chehayeb, et le directeur d'EDL, Kamal Hayek, pénètrent dans le siège de l'établissement pour annoncer la fin de son occupation. M. Nazarian salue alors « les efforts du député Walid Joumblatt, du président du Parlement, Nabih Berry, ainsi que du député Michel Aoun », désignés comme à l'origine du compromis.
Si le retour au calme semble se confirmer depuis et que la direction d'EDL a promis aux usagers une réclamation différée des factures non payées, la teneur exacte de l'accord brisant la grève n'a pas été officialisée à ce jour. Le bilan des pertes enregistrées par EDL pendant ces 115 jours de siège et le sort réservé à l'organisation du concours administratif prévu par la loi restent, eux aussi, encore inconnus. De même que la nature des relations contractuelles entre l'établissement public, ses journaliers et les trois sociétés privées chargées depuis juin 2012 de la distribution du courant (voir encadré).
Un conflit...
commentaires (0)
Commenter