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Moyen Orient et Monde - Reportage

En Égypte, un Noël copte chargé d’espoir malgré les désillusions

En août 2013, la ville d'al-Minya au sud de l'Égypte était la cible d'islamistes en colère. Églises brûlées, magasins pillés, enlèvements et meurtres. Un an et demi après l'effroi, les habitants vont célébrer leur Noël dans des églises qui portent encore les stigmates des attaques. Une quinzaine ont été saccagées. Une seule est en cours de reconstruction.

Des femmes coptes touchant des icônes dans une église au Caire. Asmaa Waguih/Reuters

« Voilà, c'est ici », lance Shérif Zekry. Au bout de son doigt, une crèche dorée, un Jésus en céramique, et quelques loupiotes surplombées par deux immenses tourelles arrondies. Elles n'ont pas encore leur croix et de longues planches de bois soutiennent la structure qui n'a encore ni enduis ni vitraux. « L'église SantaTadros est la première de la ville à être reconstruite », explique le médecin cinquantenaire.
À al-Minya, bastion copte du sud de l'Égypte, il y a un an et demi, trois lieux saints ont été entièrement détruits, 14 églises sur l'ensemble du gouvernorat et une cinquantaine d'habitations et de boutiques, mangés par les cocktails Molotov et pillés dans des attaques attribuées aux Frères musulmans. Lors du renversement de l'ancien président Mohammad Morsi, de nombreux islamistes radicaux ont accusé les chrétiens, l'équivalent de 8 % de la population, d'avoir organisé en sous-main la destitution de leur chef. Ils se sont vengés.


À l'intérieur de SantaTadros, des hommes prient face à un mur en briques et des amas de croix et de ciment. Des enfants braillent et se bousculent entre les chaises en plastique qui ont remplacé les bancs en bois ciré d'autrefois. « On n'a presque rien sauvé de celle-là », soupire Shérif.

 

(Pour mémoire: Egypte : le pape plaide devant Sissi en faveur de la "coexistence pacifique")


Waël est venu avec son fils. Aujourd'hui, la veille de Noël (le 7 janvier chez les coptes), il viendra prier avec toute sa famille, pour la première fois depuis les incidents d'août 2013. « L'année dernière, on avait installé un camp et nous avions prié dehors. Nous sommes contents de voir que les travaux sont en route, les autorités font leur maximum, mais ça va prendre du temps », explique-t-il. Malgré les tentures cache-misère et les portraits de la Vierge, l'église ressemble à un vieux hangar, mais c'est un réconfort pour les fidèles de célébrer cette date symbolique dans un bâtiment qui renaît de ses ruines. Pourtant, à quelques centaines de mètres de là, dans le quartier jésuite bien plus populaire d'al-Minya, le spectacle est effroyable. La carcasse est encore partiellement debout. Tout est noir, réduit en poussière. « Attention, le sol n'est plus stable ! » avertit l'homme qui tient la garde à l'entrée de l'église Moïse. Il se souvient avec tristesse de cette nuit où une cinquantaine d'hommes armés sont entrés dans la bâtisse pour y mettre le feu avec une voiture-bélier. « On ne se sent pas en sécurité », souffle-t-il.


Un sentiment partagé par de nombreux coptes à travers tout le pays. Eux qui, avec la bénédiction du pape Tawadros II, avaient massivement soutenu l'ex-maréchal al-Sissi lors de l'élection présidentielle en mai dernier continuent à garder espoir mais s'avouent impatients. Al-Sissi devait sonner le glas des inégalités entre musulmans et chrétiens après une année de présidence sectaire des Frères musulmans. Il n'en est rien.
« La situation des copte est mieux que sous Morsi, mais on a encore d'énormes problèmes. Franchement, al-Sissi est une énorme déception, lâche Ahmad dans un petit café de Garbage City sur les hauteurs du Caire, et notre pape est silencieux face aux violations que nous subissons. Tout ce qu'il dit est pris au pied de la lettre. Il a appelé à voter al-Sissi, il nous dit de ne pas manifester pour réclamer nos droits, et tout le monde suit. »


Si les violences tendent à diminuer ces derniers mois, quatre ans après la révolution, les inégalités sont persistantes. Les ONG font état d'une centaine de morts dans des attaques sectaires depuis le 25 janvier 2011 et déplorent toujours un manque criant de reconnaissance de la diversité religieuse en Égypte. « On n'est toujours pas égaux aux musulmans, explique Ahmad, ils continuent à se croire supérieurs à nous. »

 

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