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À La Une - L'Orient Littéraire

Relire Hani Fahs

Membre du Conseil supérieur chiite et co-fondateur du Haut comité pour le dialogue islamo-chrétien, Hani Fahs a incarné l'espérance d'un monde où nous pourrions "vivre tous ensemble comme des frères".

Photo L'Orient Litteraire.

Le 28 septembre 2014, Hani Fahs meurt des suites d'une longue maladie. L'événement suscite une très grande émotion aussi bien au Liban que dans le monde arabe. Le lendemain même de la mort de cet uléma chiite, paraissent dans la presse libanaise et arabe plus d'une trentaine d'articles qui lui sont consacrés. Les témoignages affluent de partout. Aux obsèques qui ont lieu dans son village natal de Jibchit au sud du Liban, participent chrétiens et musulmans, sunnites et chiites, Libanais et Palestiniens. Une cérémonie, organisée quelques jours plus tard par les associations Offre-joie, Reconstruire ensemble et le Mouvement culturel d'Antélias, est célébrée à l'église Saint-Élie d'Antélias où dignitaires chrétiens et musulmans s'associent dans une même prière. À la cérémonie qui s'est tenue à l'UNESCO, quarante jours après sa mort, prennent la parole des personnalités arabes qui l'ont bien connu, du Palestinien Mahmoud Abbas, aux kurdes Irakiens Jalal Talabani et Massoud Barazani ; au Soudanais, Sadek el-Mahdi, au Syrien Berhan Ghalioun, aux Égyptiens Amr Moussa et Samir Morcos...

Le premier ouvrage qui lui est consacré paraît un mois après sa mort. Il est publié par La Voix du Liban qui a repris toutes ses interventions à la radio. Comment expliquer l'intérêt suscité par cet homme qui n'a jamais occupé de fonction officielle, n'a été membre d'aucun parti politique et n'a jamais aspiré à représenter sa communauté ?

Hani Fahs est un homme qui a eu le courage de s'engager pour les causes auxquelles il croyait. Il a beaucoup lutté dans sa vie, lutté aux côtés des planteurs de tabac au Sud, lutté aux côtés de la Résistance palestinienne, lutté aux côtés de la révolution islamique en Iran, mettant notamment en contact l'ayatollah Khomeyni avec Yasser Arafat qu'il a accompagné lors de son premier voyage en Iran après la victoire de la révolution en 1979.

De toutes ces expériences menées ici et ailleurs, Hani Fahs a tiré beaucoup d'enseignements. Contrairement à beaucoup d'autres, cet homme a eu le courage d'assumer la responsabilité de son passé et de tirer les leçons de ses multiples expériences, refusant la « sécurité » que procure l'enfermement dans une « tribu » qu'elle soit communautaire ou partisane, traditionnelle ou moderne. Il a eu également l'intelligence de comprendre que l'identité de l'individu n'était pas une identité simple, mais complexe et de saisir que le rapport à l'autre n'est pas seulement une nécessité qu'impose la vie dans une société diversifiée, mais est source de richesse pour chacun et pour tous, car cet autre nous forme comme nous le formons.

J'ai connu cet homme en 1992. La guerre venait de se terminer et nous étions tous encore sous le choc du traumatisme occasionné par cette violence qui nous avait pourtant semblé familière. Nous décidions avec d'autres, venus d'horizons politiques divers, de créer le Congrès permanent du dialogue libanais pour essayer ensemble de comprendre ce qui s'était passé et d'en tirer des enseignements pour l'avenir.

Cet homme, et c'est là le secret de ce rayonnement qui émanait de lui, était doté d'une capacité d'empathie rare qui lui faisait ressentir ce que ressentait l'autre comme s'il était lui-même cet autre. La bonté qui se dégageait de cet homme avait pour effet de faire tomber tous les murs de séparation. Son sourire affectueux, empreint de malice, lui permettait de désamorcer la violence toujours prête à ressurgir dans le rapport à l'autre.

Cette empathie se manifestait dans le rapport qu'il entretenait avec son épouse. Cet homme de religion est le seul, à ma connaissance à parler de sa femme dans ses écrits qu'elle était du reste la première à lire et la seule à laquelle il accordait le droit de censure. "Faites confiance à la femme" est d'ailleurs le titre d'une de ses interventions faite à La Voix du Liban.

Dans cette période de violence extrême, Hani Fahs a incarné une espérance, l'espérance d'un monde où nous pourrions "vivre tous ensemble comme des frères" pour éviter, comme le dit Martin Luther King, de  "mourir tous ensemble comme des idiots", un monde où l'empathie serait appelée à remplacer la rivalité et l'exclusion qui conduisent nécessairement à la violence, une violence qui menace désormais de tout submerger.

Pour retrouver le parcours de cet homme, il est nécessaire de relire ses ouvrages, notamment Un passé qui ne passe pas dont Tarek Mitri avait fait la critique dans les colonnes de L'Orient littéraire en février 2011. D'autres ouvrages méritent également d'être lus notamment celui consacré aux deux imams Moussa el-Sadr et Mohamed Mehdi Chamseddine et ceux qui traitent du dialogue et de l'identité culturelle.

 

Retrouvez l’intégralité de L'Orient Littéraire ici

Le 28 septembre 2014, Hani Fahs meurt des suites d'une longue maladie. L'événement suscite une très grande émotion aussi bien au Liban que dans le monde arabe. Le lendemain même de la mort de cet uléma chiite, paraissent dans la presse libanaise et arabe plus d'une trentaine d'articles qui lui sont consacrés. Les témoignages affluent de partout. Aux obsèques qui ont lieu dans son village...

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