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Moyen Orient et Monde - Témoignage

Bob Ghosn, le Libanais qui soignait les victimes d’Ebola au Liberia

Bob Ghosn, chef adjoint au sein du CICR, raconte à « L'Orient-Le Jour » son expérience au Liberia en pleine épidémie d'Ebola.

Bob Ghosn lors de sa mission au Liberia.

Envoyé en mission au Liberia il y a un an, Bob Ghosn était loin de s'imaginer se trouver face à une épidémie redoutable qui a fait couler tellement de sang... et d'encre. Venu apporter son aide dans cette zone déjà fragilisée par des conflits internes, rongée par les problématiques des pays voisins et par l'afflux de réfugiés, ce Libanais, adjoint du chef de la délégation au Comité international de la Croix-Rouge, a surtout dû faire face à la résurgence du virus Ebola, survenue en mars dernier.

« Du jour au lendemain, tout s'est alors effondré », témoigne M. Ghosn. « Au début, personne ne s'est douté de l'ampleur de la vague qui allait frapper l'Afrique de l'Ouest », ajoute-t-il. En effet, Ebola n'est pas un phénomène nouveau puisque, depuis 38 ans, elle fauche des vies comme un monstre avide de chair humaine et s'en va, rassasiée, sans qu'une cure n'ait été encore trouvée. Mais cette fois-là, l'épidémie a terrassé et terrasse toujours de nombreuses personnes. Aussi, au jeu des pronostics, Bob Ghosn admet s'être « trompé ». Comme la plupart de ses collègues d'ailleurs. D'autant plus qu' « après avoir semé un vent de panique dans les régions rurales, c'est une fois qu'il a atteint Monrovia, la capitale libérienne, que le virus a réellement été difficilement gérable », explique l'humanitaire.

Au départ, dans les zones reculées, « le contrôle social permettant de lutter contre la propagation était plus ou moins facile car il suffisait de prévenir les chefs de village afin qu'ils prennent les mesures adéquates », confie M.Ghosn. Mais à Monrovia, avec plus de 1,5 million d'habitants, pour la plupart vivant ou plutôt survivant avec moins d'un dollar par jour, le défi devenait quasi insurmontable pour les ONG. Comment pouvaient-elles mettre en place des mesures de prévention et éviter la contagion, alors que l'eau vient à manquer et que des corps jonchent les rues ? « Les centres de santé sont devenus rapidement des centres de contamination, ont fermé leurs portes et les gens mouraient de diverses maladies qu'on arrivait, jusque-là, à contrôler assez bien », répond-il. « Il a fallu développer des programmes alimentaires adéquats, donc nous étions toujours dans la recherche-action. Aussi, nous avons dû venir en aide aux autorités libériennes qui étaient dépassées par un tas de problèmes comme le traitement des déchets, l'assainissement de l'eau, etc. », précise-t-il encore.

Rouvrir des établissements et trouver du personnel qualifié sur place ou de l'étranger n'ont pas été chose facile. D'autant plus que, selon Bob Ghosn, les médias internationaux ayant diabolisé Ebola, toutes les compagnies aériennes ont brutalement supprimé leurs vols pour le Liberia. Seules Royal Air Maroc et une compagnie bruxelloise n'ont pas cédé à l'angoisse générale véhiculée par les Occidentaux. « Ce n'est donc pas facile de pouvoir venir apporter son aide dans les pays sinistrés lorsque la planète les met en quarantaine. »
 

(Lire aussi : Ebola, la pire des missions pour des humanitaires endurcis)

 

« Des sessions de yoga »
Même si le Liberia n'est pas le pays comprenant le plus de ressortissants libanais, il y vit bel et bien une diaspora depuis de nombreuses années. « Tous les Libanais ont envoyé leur famille hors du pays, d'autant plus que les écoles ne sont pas prêtes d'ouvrir à nouveau. » Quoi de plus normal que de protéger les siens, lorsque, début septembre, les chiffres étaient « affolants, avoisinant les 250 morts par semaine »? Quid de l'impact économique ? « Ça va de pair », explique M.Ghosn. Même si les marchés sont restés achalandés, les gens n'ont plus eu les moyens de vivre décemment. Les Libériens continuent de gérer avec dignité le lourd fardeau qu'ils portent depuis plusieurs mois. « L'état d'urgence a été décrété et ils ont accepté des mesures impopulaires. »

Applaudissant au courage des Africains, Bob Ghosn met en avant le contraste flagrant entre les pays occidentaux qui ont tourné le dos et pris parfois des mesures extrémistes, alors que les Libériens ont par exemple accepté, sans résistance, d'incinérer leurs victimes, même si les religions, chrétienne et islamique, ne leur permettent pas un tel acte. « C'est dur de se dire que vous n'enterrez pas vos morts, qu'ils n'auront pas de sépulture. Sans parler du traumatisme des familles, ayant perdu un proche à cause d'Ebola et que tout le monde fuit comme la peste », raconte-t-il.


Et la vie au quotidien d'un humanitaire sur place ? « On commence à 7h et on rentre chez soi à 21h, nous rappelant n'avoir pas encore mangé de la journée. Même si, parfois, on doute sincèrement de notre efficacité, on ne baisse jamais les bras », dit Bob Ghosn. Car oublier sa journée de « travail » n'est sûrement pas chose facile. « Il nous arrivait de faire des fêtes, mais bon, l'esprit n'y est forcément pas. J'ai même instauré des sessions de yoga. » Anecdote plutôt drôle et même symptomatique, Bob Ghosn avoue que les Libériens sont surpris du fait qu'il soit « libanais et dans l'humanitaire. Comme si les deux étaient incompatibles ! Car, dans la mémoire collective des Africains, les Libanais sont tous des businessmen », raconte en plaisantant le responsable du CICR.
De quoi, peut-être, piquer certains au vif et déclencher des vocations. Car l'énergie positive qui règne au sein des organisations humanitaires comme le CICR ne cessera sûrement pas de se diffuser partout dans le monde.

 

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Envoyé en mission au Liberia il y a un an, Bob Ghosn était loin de s'imaginer se trouver face à une épidémie redoutable qui a fait couler tellement de sang... et d'encre. Venu apporter son aide dans cette zone déjà fragilisée par des conflits internes, rongée par les problématiques des pays voisins et par l'afflux de réfugiés, ce Libanais, adjoint du chef de la délégation au Comité...

commentaires (1)

Ce que Bob fait est éminemment louable , il fait bien de dire que c'est par reflexe que les libériens disent être surpris qu'un libanais fasse ce job , du fait que les libanais sont en majorité des businesmen, mais croyez moi , des missions d'aide aux populations africaines démunies par des médecins libanais d'Afrique n'est pas une anecdote . Je connais personnellement des jeunes médecins libanais d'origine avec passeport "étranger" , ce qui pourrait expliquer que les autochtones ne s'en rendaient pas compte qui font un service humanitaire dans les brousses africaines . C'est vrai aussi que le libanais ne sait pas se faire de la pub! pourtant le talent est certain .

FRIK-A-FRAK

13 h 24, le 24 décembre 2014

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Commentaires (1)

  • Ce que Bob fait est éminemment louable , il fait bien de dire que c'est par reflexe que les libériens disent être surpris qu'un libanais fasse ce job , du fait que les libanais sont en majorité des businesmen, mais croyez moi , des missions d'aide aux populations africaines démunies par des médecins libanais d'Afrique n'est pas une anecdote . Je connais personnellement des jeunes médecins libanais d'origine avec passeport "étranger" , ce qui pourrait expliquer que les autochtones ne s'en rendaient pas compte qui font un service humanitaire dans les brousses africaines . C'est vrai aussi que le libanais ne sait pas se faire de la pub! pourtant le talent est certain .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 24, le 24 décembre 2014

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