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Moyen Orient et Monde - Quatre questions à...

« Une victoire d'Essebsi signifierait une perte de temps considérable »

Nabil Labassi, avocat, membre du Comité supérieur des droits de l'homme et responsable du développement et de la planification à l'Observatoire Chahed.

Des partisans du candidat à la présidentielle tunisienne Béji Caïd Essebsi à Tunis. Fethi Belaid/AFP

OLJ : Béji Caïd Essebsi accuse son rival Moncef Marzouki d'être le candidat des islamistes, quand ce dernier se pose en défenseur de la révolution face au retour des tenants de l'ancien régime. Où se situent réellement ces deux candidats sur l'échiquier politique ? Qu'est-ce qui les différencie ?
N.L. : Béji Caïd Essebsi est un vieux de la première heure de Bourguiba. Il était responsable du système sécuritaire après l'indépendance, puis a occupé la fonction de ministre de l'Intérieur. Il a donc participé à des opérations visant à torturer et éradiquer l'opposition socialiste et communiste. Il fut ensuite ministre des Affaires étrangères à la fin du règne de Bourguiba et président du Parlement sous la période de Ben Ali. C'est un homme qui connaît très bien les rouages de l'État. Au vu de tous ces éléments, il semble clair que M. Essebsi est le candidat de l'État profond, c'est-à-dire de l'ancien système. Et ce système possède des lobbies influents dans l'administration, au ministère de l'Intérieur et dans les réseaux affairistes. Car il est important de rappeler que même si le clan Ben Ali n'est plus directement au pouvoir, le système économique tout entier est fondé sur les gens de Ben Ali et que ce système n'a pas été réformé. De son côté, Moncef Marzouki n'est pas un proche des islamistes, comme il en a été accusé, mais plutôt une figure de la lutte contre l'ancien régime.


(Lire aussi : Essebsi revendique la victoire, Marzouki conteste)

 

La Tunisie est souvent présentée comme la seule véritable réussite des pays du printemps arabe. Mais alors qu'un candidat de 88 ans, M. Essebsi, a des grandes chances de l'emporter, on se demande : où est passée cette jeunesse ? La révolution est-elle morte dans l'œuf ?
Les jeunes ont allumé la mèche de la révolution, mais ce ne sont pas avec leurs idées que la transition a été menée. Pour comprendre cela, il faut revenir sur les années Ben Ali. Ce dernier a essayé de détruire plusieurs générations au niveau de l'enseignement en leur enlevant tout sens critique. Aussi, il n'y avait aucune vie associative, à part celle strictement contrôlée par le gouvernement et les jeunes n'avaient que très peu d'éducation politique. Ils ont donc été marginalisés du processus politique. En fait, Ben Ali a complètement figé la vie politique depuis son arrivée au pouvoir. En 2011, on a appuyé sur « Play », mais on a retrouvé les mêmes débats, les mêmes idées, les mes mêmes slogans qu'en 1988, comme s'il n'y avait eu aucune évolution pendant 23 ans. Aujourd'hui, les jeunes constituent la catégorie de la population qui vote le moins, et lorsqu'ils votent, ils choisissent plutôt Marzouki.

 

(Pour mémoire : Le premier Parlement post-révolutionnaire prend ses fonctions)

Le résultat de l'élection est-il moins important que son bon déroulement? Autrement dit, la révolution a-t-elle été sacrifiée au nom des principes démocratiques ?
C'est un choix difficile. Il y avait la possibilité de voter une loi qui exclut les anciens de Ben Ali, mais lorsqu'on voit les débordements qu'il y a eus en Égypte et en Libye, on se dit qu'il n'y a pas de solution idéale. Le problème, c'est que si M. Essebsi gagne, on va se retrouver dans une situation où le président du Parlement, le chef du gouvernement et le président de la République appartiennent tous les trois au même parti : Nidaa Tounès. Aussi, si ce parti concentre tous les pouvoirs, on revient finalement à un système dictatorial. Une victoire d'Essebsi signifierait une perte de temps considérable. Il faudrait au moins 3 à 4 ans de plus pour tourner la page de l'ancien régime. Ce serait le retour du système policier, des méthodes d'exclusions, des camps de jugements contre l'opposition. De son côté, l'opposition devra revoir toute sa stratégie.

Enfin, quel est le sentiment sur place ?
On a le sentiment que la Tunisie est coupée en deux. La moitié de la population est favorable au changement, à la révolution et à la démocratie. L'autre moitié voit la révolution comme une mascarade dictée par les Occidentaux. Pour une partie de la population, on retourne finalement à l'ère de Ben Ali où les libertés sont sacrifiés au nom du principe de sécurité. Il faut ajouter qu'il y a un réel problème au niveau de l'information, puisque l'État profond a la mainmise sur les médias.

 

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OLJ : Béji Caïd Essebsi accuse son rival Moncef Marzouki d'être le candidat des islamistes, quand ce dernier se pose en défenseur de la révolution face au retour des tenants de l'ancien régime. Où se situent réellement ces deux candidats sur l'échiquier politique ? Qu'est-ce qui les différencie ?N.L. : Béji Caïd Essebsi est un vieux de la première heure de Bourguiba. Il était...

commentaires (2)

MAIS POURUOI ? EST-CE ICI AUSSI LE : YIA ANA YIA MA GHAYRI ???

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 54, le 22 décembre 2014

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Commentaires (2)

  • MAIS POURUOI ? EST-CE ICI AUSSI LE : YIA ANA YIA MA GHAYRI ???

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 54, le 22 décembre 2014

  • Le mythe du printemps arabe a fait long feu, en Tunisie qui l’a vu naitre, comme ailleurs. Ce n’est pas Assebsi, ex-premier ministre de Bourguiba, loin d’incarner le renouveau et aspirant de rétablir l’ancien régime, en quelque sorte une dictature, qui instaurera une réelle démocratie s’il est élu. Et encore moins Marzouki, un pro-islamiste notoire, qui, s’il était élu, finirait par imposer la charia à tous les Tunisiens. Alors le printemps annoncé risque fort de faire place à un hiver précoce, et aussi à des affrontements entre ceux qui voulaient voir élu l’un ou l’autre, et les jeunes qui espéraient plus de justice et de liberté.

    Jacques MARAIS

    12 h 16, le 22 décembre 2014

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