À l'approche de la fête de Noël, le pays devrait entrer dans ce qu'on appelle communément « la trêve des confiseurs », une espèce de débrayage, de douce torpeur fêtarde où une sourdine est mise à (certaines de) nos angoisses.
Malgré l'incident isolé d'un sapin géant qu'on a tenté d'incendier à Saïda, crèches, sapins et pères Noël décorent le pays, du Nord au Sud, aux couleurs de la fête. Et comme dit le pape François, la crèche et le sapin de Noël touchent « les cœurs de tous », même « de ceux qui ne croient pas (...) car ils parlent de fraternité, d'intimité, et d'amitié, appelant les hommes de notre temps à redécouvrir la beauté de la simplicité, du partage et de la solidarité ».
En tout état de cause, l'année 2014 s'achève sur des signes d'espoir politiques, diplomatiques et même militaires. Ainsi, les dialogues internes s'amorcent entre le Hezbollah et le courant du Futur, d'une part, les Forces libanaises et le Courant patriotique libre, d'autre part.
Certes, il ne faut pas demander à une hyène de changer de peau, ni au Hezbollah de troquer la kalachnikov pour le rameau d'olivier. Il reste que, selon des sources proches des deux camps, la première réunion de dialogue sera pour le lundi 29 décembre, et qu'elle regroupera le directeur du cabinet de Saad Hariri, Nader Hariri et le conseiller politique du secrétaire général du Hezbollah, Hussein Khalil. La réunion se tiendra à Aïn el-Tiné, en présence de Nabih Berry et, peut-être, de Walid Joumblatt. L'horizon d'un tel dialogue reste très étroit, bien entendu, mais ne porterait-il que sur la nécessité d'élire un président de la République, que cet horizon serait assez large aux yeux de beaucoup de Libanais.
Le second dialogue dont l'amorce se dessine se déroulerait entre le général Michel Aoun et Samir Geagea. Là aussi, on peut déplorer que le pays soit toujours otage d'une rivalité désuète et suicidaire entre deux hommes qui ont fait couler tant de sang. Que les maronites ne soient pas parvenus, en plus de vingt ans, à renouveler leurs élites, prouve à quel point ils manquent d'imagination et d'initiative. Mais enfin, le fait est là. On ne sait pas quand ces deux ego surdimensionnés se parleront. Sans doute début 2015, estiment leurs proches. À moins que, prenant leur courage à deux mains, ils ne se souhaitent Joyeux Noël au téléphone !
Ces « rapprochements » se font non pas gratuitement, mais sur la base de certaines mutations diplomatiques de première importance. Sans négliger le forcing français, qui se concrétisera en 2015 par des livraisons d'armes vitales pour la bataille de Qalamoun, c'est sans doute celle de la Russie de Poutine qui semble la plus prometteuse, comme l'a bien noté l'ancien député Samir Frangié, dans un entretien récent accordé à notre confrère an-Nahar.
M. Frangié y affirmait notamment, avec un optimisme qu'on ne lui connaît pas d'habitude, que « les projets triomphalistes s'achèvent », et que les Libanais sont en passe de réaliser qu'ils doivent s'asseoir autour d'une même table et composer.
Pour M. Frangié, le Hezbollah, le parti triomphaliste par excellence, mène désormais en Syrie, « une guerre qu'ils ne pourra pas gagner » sans pouvoir faire autre chose que de « retarder la chute du régime syrien ».
Mais surtout, note M. Frangié, en proclamant son appui à la déclaration de Baabda, par la voix de Mikhaël Bogdanov, et en invitant les protagonistes de la crise syrienne à s'asseoir autour d'une même table, à Moscou, la Russie désavoue poliment l'implication du Hezbollah en Syrie et abandonne l'option d'une victoire encore possible de la Syrie de Bachar el-Assad. En d'autres termes, Moscou déclare avec réalisme que le temps de composer est également venu pour le régime syrien, un signal clair que devraient capter aussi bien la Syrie et l'Iran et, par le biais de l'Iran, le Hezbollah.
C'est du reste en fonction probablement de cette mutation que l'Arabie saoudite a reçu récemment Samir Geagea, confirmant aux yeux de ses rivaux régionaux qu'elle conserve des atouts non négligeables au Liban grâce à ses alliés chrétiens, et démontrant qu'elle est capable de paralyser le processus d'élection d'un nouveau président tout aussi bien que l'Iran.
Hélas, il n'y aura pas de trêve de confiseurs pour les militaires otages ni pour leurs familles. L'odieux chantage des jihadistes se poursuit en effet. Il n'y en a pas non plus dans la Békaa, où le régime syrien s'emploie à prouver que sa capacité de nuisance n'est pas finie.
C'est ainsi que le mufti de Zahlé et de la Békaa, Khalil el-Meiss, a remercié hier les services de renseignements de l'armée pour avoir démantelé un réseau qui enlevait des opposants syriens dans la Békaa et les livrait au régime. Certains des membres de ce réseau sont du Baas. L'un des opposants, Mohammad al-Naamani, aurait été livré à un colonel syrien, a affirmé la LBCI. La cruauté humaine ne connaît pas de trêve.
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commentaires (5)
CORRECTION ! MERCI : ".... Certainz-ébaubis éhhh libanais(h) purs ne vont pas perdurer en haute politique...."
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
11 h 51, le 22 décembre 2014