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Moyen Orient et Monde - conflit

Les opposants syriens : entre déception et détermination

Ils ont longtemps pourfendu le régime baassiste. Ils s'y sont opposés avec engouement. En silence, ils ont rêvé de la révolution. Ils l'ont préparée au quotidien. Ces cinq figures engagées de l'opposition syrienne : Sabah al-Hallaq, Mohammad Berro, Wassim Haddad, Hassan Abbas et Shahnaz A. n'ont pas mis leur drapeau dans leur poche. Ils crient haut, même engloutis par leur désespoir collectif, « Liberté ! »

Mohammad, Wassim, et Shahnaz.

Quatre ans bientôt... Et le régime de l'oligarchie dépravée des Assad semble loin d'être éradiqué. Comme par un mimétisme infernal, la terreur de Bachar el-Assad se répand sur les territoires syriens aussi loin qu'est poussée la résistance du peuple syrien. Telle une tumeur fatale, les relents pestilentiels de la dictature s'immiscent dans chaque quartier, dans chaque rue, où, il n'y a pas longtemps, des jeunes Syriens et Syriennes réclamaient pacifiquement la chute du régime et le règne de la démocratie, dans un pays qui a vu mourir, au travers des décennies, ses propres enfants à coups de barils explosifs et de gaz toxique. Telle dans l'œuvre-phare de Lope de Vega, Fuenteovejuna, les habitants de Deraa, dont les aspirations ont été longtemps étouffées, se sont unis, en mars 2011, contre un commandeur non moins abject, sanguinaire et injuste : Bachar el-Assad.

Les revendications étaient pures et idéalistes, les rêves utopiques et inébranlables. Étendards en main et chants révolutionnaires s'élevant dans le ciel et sortant de gosiers assoiffés de crier à se faire péter les cordes vocales, les Syriens se sont mobilisés contre le pouvoir totalitaire qui sévit depuis le siècle dernier. Ils n'avaient rien à perdre. Depuis, l'interminable Golgotha du peuple syrien s'est enclenché. Et avant lui, des kyrielles d'histoires du même genre ; dont celle de Mohammad Berro, opposant syrien résidant à Istanbul et directeur du centre de recherche et de statistiques sis dans la même capitale turque, Sada. Mohammad a été arrêté en 1980. Son crime? Posséder un numéro du journal al-Nazir. Il avait 17 ans. « Pendant 13 ans, j'ai été quotidiennement torturé dans la prison de Tadmur et j'ai témoigné de la mort d'une centaine de prisonniers par pendaison et de celle d'une dizaine de mes amis, trépassés sous la torture. Le régime criminel des Assad m'a volé les plus belles années de ma jeunesse. Même après ma libération, j'ai été interdit de voyager pendant sept ans et contraint à subir, d'une manière régulière, des interrogatoires humiliants... On m'a même fait attendre 6 mois pour qu'on m'accorde le permis de me marier ! » raconte Mohammad Berro, le quinquagénaire.

Wassim Haddad, doctorant à l'Université de Vienne et membre du centre de dialogue interreligieux et interculturel KAICIID à Vienne, est issu d'une famille d'opposants chrétiens vivant à Tartous. Après l'arrestation de sa tante et de son oncle, et du licenciement injustifié de son père, professeur d'école, un sentiment de découragement s'est emparé du jeune Wassim. « J'ai grandi dans un environnement où la censure pesait lourd. On n'avait pas la possibilité de parler du régime qu'en huis clos. Et encore! On ne pouvait pas garantir que les agents des services secrets ne débarquent à des moments inopinés. On se passait les articles de Michel Kilo, de Aref Dalila et de Fayez Sara clandestinement comme s'il s'agissait d'un trafic de drogues. La Syrie est un pays où la dignité humaine est écrabouillée. Avant que ça ne soit pour le travail ou les hautes études, pour moi vivre à Vienne va de pair avec la sauvegarde de ma dignité », précise Wassim qui œuvre à l'étranger pour soutenir la cause de son peuple.

Shahnaz A., quant à elle, travaille auprès des veuves et des orphelins dans le Rif d'Idleb. « Quand l'armée syrienne libre a libéré le Rif, j'ai pris la tangente et m'y suis tout de suite installée, loin de la ville toujours assiégée par les troupes assadiennes », précise Shahnaz qui assure l'aide psychologique à une multitude de femmes et d'enfants dans les camps de réfugiés situés à la frontière syro-turque. « Nous nous sommes engagés dans un interminable tunnel noir. Dieu sait quand les injustices prendront fin. Dieu sait quand les barils explosifs cesseront d'être arbitrairement lâchés sur nos têtes », confie la jeune femme sur des accents de consternation.

 

(Pour mémoire : « Le régime d'Assad a réussi à occulter le peuple syrien »)

Au Liban, toujours tournant autour du même pot de blasement, Hassan Abbas, docteur en critique littéraire, activiste pour les droits de l'homme et fondateur de la ligue nationale pour la citoyenneté sise, avant l'éclatement de la guerre, en Syrie. Pour lui, toute personne qui respecte les droits de l'homme et la liberté d'expression entre, de facto, dans le front d'opposition contre le régime. « La Syrie, mon propre pays, était pour moi et pour tous les activistes un champ de mines. On était tellement livré aux aléas absurdes du régime qu'on ne savait pas à quel moment on pouvait être déféré aux tribunaux, licencié, interdit de voyager, etc. Moi-même, j'ai été convoqué 42 fois pour subir des interrogatoires, interdit de voyager 9 fois dans l'espace de douze ans, interdit d'enseigner dans les universités, etc. », précise Hassan.

Sabah, membre de la ligue nationale pour la citoyenneté, s'est toujours opposée au régime. Toutefois, sortir dans les rues et revendiquer la liberté tels les jeunes Syriens et Syriennes qui l'ont fait était inenvisageable pour elle au début : « J'avais l'heur de ne jamais être poursuivie en Syrie parce que je travaillais dans des organisations féministes apolitiques. Et donc, je ne constituais pas une menace politique d'envergure pour le régime. Ce qu'on ne savait pas est que la révolution commence par la femme! » précise Sabah qui aide les femmes et les enfants dans les camps des réfugiés au Liban en leur conférant le soutien matériel et psychologique dont ils ont besoin.

Que cache l'avenir ?
Pour ces opposants, un voile d'incertitude se jette sur l'horizon de l'avenir. Wassim trouve déjà que le régime a chuté depuis mars 2011. Hassan, malgré les dangers jihadistes et l'expansion des territoires contrôlés par l'EI, assume que ce phénomène d'hérésie religieuse s'anéantira aussitôt que les violences exercées par Bachar el-Assad tireront à leur fin. Shahnaz et Sabah, plus déterminées que jamais, exerceront toujours leur mission noble auprès des femmes et des enfants sinistrés. Pour Mohammad Berro, la solution viendra si « la lutte contre les régimes iranien et baassiste et leurs rejetons militaires infâmes comme le Hezbollah se poursuit ».

 

Pour mémoire
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Quatre ans bientôt... Et le régime de l'oligarchie dépravée des Assad semble loin d'être éradiqué. Comme par un mimétisme infernal, la terreur de Bachar el-Assad se répand sur les territoires syriens aussi loin qu'est poussée la résistance du peuple syrien. Telle une tumeur fatale, les relents pestilentiels de la dictature s'immiscent dans chaque quartier, dans chaque rue, où, il n'y...

commentaires (2)

LEUR GRAND PROBLÈME C'EST QUE... PERSONNE NE SAIT PLUS QUI... EST... QUI !

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 52, le 20 décembre 2014

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Commentaires (2)

  • LEUR GRAND PROBLÈME C'EST QUE... PERSONNE NE SAIT PLUS QUI... EST... QUI !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 52, le 20 décembre 2014

  • Témoignages qui démontrent une fois de plus qu’il faut combattre Daesh mais aussi le régime de Bachar el Assad, et, par voie de conséquence, la nécessité pour le Liban de se forger une armée nationale assez puissante pour se débarrasser du Hezbollah qui soutient sa dictature, même s’il assure une protection contre la menace d’Israël. Il appartient à l’armée libanaise d’assurer la défense du pays et non au Hezbollah.

    Jacques MARAIS

    11 h 03, le 20 décembre 2014

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