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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Ces gens qui pleurent et ces gens qui rient...

Quel bilan, quelles répercussions diplomatiques et politiques du rapprochement choc entre les États-Unis et Cuba ?

La première poignée de main entre Barack Obama et Raul Castro : c’était en Afrique du Sud, lors des funérailles de Nelson Mandela. Photo archives/AFP

L'effondrement d'un mythe n'est pas toujours mauvaise chose. Le monde, sur presque trois générations, s'était fait à l'idée que les 170 km d'océan qui séparent leurs deux rives resteraient à jamais comme l'indestructible mur de Berlin des Amériques. Dans l'inconscient collectif de la planète, les États-Unis et Cuba sont destinés à se regarder, forever, en chiens de faïence, dernière survivance un peu naphtalinée tout de même de ce concept hier paléolithique, aujourd'hui de nouveau très hype : la guerre froide. Même le cinéma hollywoodien s'en était inspiré, accouchant en 2011, année de la condamnation du mystérieux Alan Gross à 15 ans de prison pour avoir introduit du matériel de transmission satellitaire à Cuba, d'un X-Men : First Class furieusement sympathique. Et ne voilà-t-il pas qu'avant-hier mercredi, Washington et La Havane se fendaient ensemble d'une annonce-choc : un rapprochement simplement historique, dont la comptabilité se révèle déjà particulièrement intéressante : qui gagne, qui perd, qui (sou)rit, qui enrage ?

 

L'œil sur la Perse
Todos somos americanos. Ce que le seul locataire catholique de la Maison-Blanche, John F. Kennedy, a défait, Barack Obama, le seul président noir, l'a raccommodé. À deux ans de la fin de son mandat, donc, probablement, de sa carrière politique, à moins d'une sarkozite aiguë dans six ans, M. Obama peut tout se permettre. En réalité, il doit tout se permettre : à bout de souffle ou à bout d'idées sur la scène locale (Obamacare, immigration, mariage gay...), il n'a plus que le domaine extérieur s'il veut se donner une chance d'entrer dans l'histoire. Le monde arabo-musulman a totalement oublié les accents lincolniens de son discours du Caire qui l'avait pourtant enthousiasmé, et les relations israélo-palestiniennes n'ont jamais été aussi tragiques, le dictateur sanguinaire Assad aussi peu inquiété, l'Irak et l'Afghanistan aussi peu apaisés... Heureusement pour Barack Obama, la gifle des élections de mi-mandat a été retentissante. Psychologiquement, ce désaveu affligeant l'a libéré. Dans la forme, le ton, son body language, mais aussi dans le fond : hier, c'était l'accord inédit avec la Chine sur rien moins que le climat, et aujourd'hui, c'est le coup politique de maître avec Cuba, même si, bien sûr, il a fallu plus de dix-huit mois d'intenses labourages diplomatiques pour en arriver là, même si le Congrès risque de se plier en quatre pour jouer les trouble-fête. Mais peu importe : Barack Obama, sans conteste le grand gagnant de toute cette telenovela américano-américaine et grisé par cette victoire, a déjà la tête, les oreilles et les yeux ailleurs : en Iran.

 

Caïn et Abel
L'autre bénéficiaire reste naturellement Raul Castro. Le frère de. Arrivé à la tête de l'île par défaut, le cadet de la dynastie vient de se faire un prénom en or. Nous ne sommes pas, naturellement, chez Caïn et Abel, mais il vient d'y avoir là l'un des fratricides politiques symboliques les plus intéressants depuis des lustres. Même si Raul continuera encore et encore à dire et redire, les murs auront toujours des oreilles, que Fidel est irremplaçable, que les Cubains n'ont rien cédé sur l'essentiel. En réalité, quand son frère aîné n'aura fait, face à onze présidents américains, que du castrisme, Raul Castro, lui, vient de montrer, par son pragmatisme et sa patience, qu'il est là pour faire primer l'intérêt supérieur d'un pays. Pour lui, le meilleur reste à venir. Ne serait-ce que dans la réunion, la fédération des Cubains de l'île et de ceux de Floride, et dans la résurrection promise de l'économie cubaine.

 

(Lire aussi : "Notre vie à tous va changer", espèrent les Cubains)

 

Salomon
Troisième gagnant, ex aequo avec Raul Castro, l'incontournable pape François. Icône planétaire et transcommunautaire, ce successeur iconoclaste et impressionnant de saint Pierre a joué un rôle prépondérant dans la réconciliation américano-cubaine, redonnant un joli coup de fouet à la diplomatie vaticane, au premier plan avec Jean-Paul II, surtout au moment de la chute du Rideau de fer, plutôt endormie avec Benoît XVI. Mais aussi somptueux soit-il en pasteur, François reste assez inégal en chef d'État. Avec ce coup d'éclat sur son continent, et sans oublier sa prière devant le mur de séparation entre Israéliens et Palestiniens, les regrets resurgissent pourtant : et s'il avait dénoncé avec la véhémence et la clarté qui sont les siennes les exactions de Bachar el-Assad en Syrie ? Et s'il n'avait pas utilisé le terme terrorisme d'État pour mettre en garde ceux qui luttent contre les terroristes islamistes de Daech et consorts ? François doit juste se souvenir qu'il n'est pas, qu'il ne doit ni ne peut être Salomon.

 

Tinder géopolitique
Et puis il y a les perdants. Les absents, quelles que soient les causes : Fidel Castro. Les héritiers : le Vénézuélien Nicolas Maduro, auquel Hugo Chavez a légué un très lourd contentieux avec Washington, vient de surprendre son principal allié en flagrant délit d'adultère. Surtout que les observateurs pensent dur comme fer que Raul Castro n'a jamais évoqué ses négociations secrètes avec M. Maduro, désormais bien seul. Les laissés sur le banc de touche : les républicains américains, qui ont immédiatement dégainé, accusant Barack Obama de se comporter comme un empereur et dénonçant la récompense accordée aux odieux frères-dictateurs Castro. Ont-ils seulement lu les résultats d'un sondage réalisé par la Florida International University, selon lequel plus de deux tiers de la population américano-cubaine de Miami est favorable à l'établissement de relations diplomatiques avec La Havane ?


Et puis, enfin, Vladimir Poutine. Bien sûr. Voilà Cuba, l'allié traditionnel, historique et tellement symbolique de la Russie, de cette URSS qui fait tellement fantasmer l'actuel minitsar du Kremlin, en pleine opération de flirt et de drague avec l'hyperimpérialisme, selon M. Poutine, yankee : le match, l'affinité, sur le Tinder géopolitique entre Washington et La Havane est tellement énorme que Moscou n'a même pas eu envie de réagir. Pékin l'a fait à sa place en saluant cette normalisation. Moscou se contente désormais juste de prendre acte, et de commenter abondamment, ce passage de relais : le mur s'écroule dans l'Atlantique, il se construit entre la Russie et l'Occident. Reste ce sourire jaune : à l'exact instant, ou presque, où les États-Unis annoncent le renforcement des sanctions contre la Russie, ils admettent que celles imposées à Cuba pendant plus de cinquante ans n'auront servi à rien.
Maigre consolation pour Vladimir Poutine. Surtout qu'un voyage de Barack Obama à Cuba ou de Raul Castro à la Maison-Blanche est de plus en plus évoqué.
Rideau...

 

Pour mémoire

Rapprochement historique entre les États-Unis et Cuba

 

L'effondrement d'un mythe n'est pas toujours mauvaise chose. Le monde, sur presque trois générations, s'était fait à l'idée que les 170 km d'océan qui séparent leurs deux rives resteraient à jamais comme l'indestructible mur de Berlin des Amériques. Dans l'inconscient collectif de la planète, les États-Unis et Cuba sont destinés à se regarder, forever, en chiens de faïence,...

commentaires (3)

Certains vieux révolutionnaires Cubains vont très loin. Même beaucoup loin ! A les entendre, Fidel n’avait plus, à leurs yeux, aucun crédit : "Il a démontré son insuffisance, il devait sûr céder le relais à ce Raoul." ! Cet ex-bouée de sauvetage d’el comandante et aléatoire und éternel vice- presidente pressenti des forces armées, a les faveurs de feu la "jeunesse communiste!" cubaine : "Si ce Raoul parfait était aux commandes, on aurait été déjà dominants depuis bien longtemps." ! Excessif, mais traduisant bien la très grande lassitude ayant pris ses quartiers au sein de l’état-major du castrisme "canal historique tout au long des dernières années de Fidel. Lassitude, dit-on, mais aussi méfiance à l’égard d’un assuré hypothétique futur castriste dont la plupart des Cubains doutent déjà de la pérennité: "Même s’ils sont capables de survivre encore un peu dans ce XXIème, intervient un Sain Cubain, ils ne seront plus capables de gouverner avec leurs semblables Malsains autocratiques. On est au-delà de la limite de crédibilité."! Ce que même 1 historique castriste traduit plus violemment encore par ceci : "Je ne vois pas comment ce pseudo-new régime soi-disant encore enfant et bâtardisé par cet épigone Raoul et sa clique de Che de gouttières puinés, pourra survivre et d’une façon viable. Si ce régime subsiste, ce ne sera que sous la forme d’un avorton-monstre !". Que viva la revolucion !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

17 h 26, le 19 décembre 2014

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Commentaires (3)

  • Certains vieux révolutionnaires Cubains vont très loin. Même beaucoup loin ! A les entendre, Fidel n’avait plus, à leurs yeux, aucun crédit : "Il a démontré son insuffisance, il devait sûr céder le relais à ce Raoul." ! Cet ex-bouée de sauvetage d’el comandante et aléatoire und éternel vice- presidente pressenti des forces armées, a les faveurs de feu la "jeunesse communiste!" cubaine : "Si ce Raoul parfait était aux commandes, on aurait été déjà dominants depuis bien longtemps." ! Excessif, mais traduisant bien la très grande lassitude ayant pris ses quartiers au sein de l’état-major du castrisme "canal historique tout au long des dernières années de Fidel. Lassitude, dit-on, mais aussi méfiance à l’égard d’un assuré hypothétique futur castriste dont la plupart des Cubains doutent déjà de la pérennité: "Même s’ils sont capables de survivre encore un peu dans ce XXIème, intervient un Sain Cubain, ils ne seront plus capables de gouverner avec leurs semblables Malsains autocratiques. On est au-delà de la limite de crédibilité."! Ce que même 1 historique castriste traduit plus violemment encore par ceci : "Je ne vois pas comment ce pseudo-new régime soi-disant encore enfant et bâtardisé par cet épigone Raoul et sa clique de Che de gouttières puinés, pourra survivre et d’une façon viable. Si ce régime subsiste, ce ne sera que sous la forme d’un avorton-monstre !". Que viva la revolucion !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    17 h 26, le 19 décembre 2014

  • LE MASTODONTE A PRIS DE COURT L'OURS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 31, le 19 décembre 2014

  • A mon humble avis, sans le consentement de son frère Fidel, Raul Castro n'aurait pas osé s'approfondir à ce point dans cette évolution diplomatique positive avec Obama.

    Halim Abou Chacra

    05 h 53, le 19 décembre 2014

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